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 Bonjour!

Je suis ravie d’être ici, ce matin, pour inaugurer cet événement qui promet d’être très excitant.

J’aimerais pouvoir rester pendant toute la durée de la conférence mais je crains de devoir m’envoler vers Halifax où nous tenons une conférence de presse, cet après-midi même, pour lutter contre la privatisation de l’eau.

  

Comme présidente du plus grand syndicat du Canada, et comme vice-présidente canadienne de l’Internationale des services publics, je dis : Bienvenue à Québec. Bienvenue au Canada. Et aussi, une bienvenue chaleureuse à celles et ceux qui viennent de loin – de France, d’Allemagne, d’Italie, des États-Unis, et de loin au Canada.

Je tiens aussi à féliciter nos consœurs et confrères, représentants des travailleuses et travailleurs d’Hydro-Québec, qui ont organisé cette conférence si rapidement.

Vous savez qu’au SCFP, nous avons une fière tradition. Nous ne laissons jamais nos employeurs se réunir sans demeurer dans les parages pour écouter ce qu’ils ont à se dire.

Certaines personnes affirment que nous sommes paranoïaques. Moi, je dis que notre méfiance n’est pas apparue sans raison. À notre connaissance, quand les employeurs se rencontrent, c’est généralement pour manigancer quelque complot. Et si nous ne sommes pas sur nos gardes et disposés à réagir, le résultat est bien pire.

Ainsi, c’est fantastique que vous ayez toutes et tous pu nous emboîter le pas pour suivre cette fière tradition. C’est fantastique que nous soyons ici, ensemble, à nous serrer les coudes tandis que nos employeurs, le E7, se rencontrent pour peaufiner leurs stratégies d’électrification du monde en développement.

Bien entendu, aujourd’hui et demain, nous ferons davantage que simplement garder à l’œil le E7. Avant tout, le but de cette conférence est d’élaborer notre propre vision d’un développement énergétique durable, une vision des travailleuses et travailleurs, une vision du mouvement syndical international.

Et si nous quittons la ville de Québec avec l’engagement de continuer à travailler ensemble, à l’échelle internationale, cette conférence aura été un succès.

Parce que, chères consœurs et chers confrères, aujourd’hui plus que jamais il est important que les syndicats et l’ensemble des travailleuses et travailleurs concertent leurs efforts dans un but unique, sans égards aux frontières.

Nous sommes au cœur de pressions mondiales visant à déréglementer et à privatiser les services électriques. Comme vous le savez déjà, certains pouvoirs puissants encouragent une stratégie de développement qui, à chaque tournant, accorde plus d’importance aux profits qu’aux personnes.

C’est une stratégie qui dit que les gens des pays en développement doivent acheter de quoi satisfaire leurs besoins de base, comme l’énergie et l’eau.

C’est une stratégie conçue pour rendre les nations en développement dépendantes des sociétés transnationales. C’est une stratégie de colonialisme pour le 21e siècle et après.

Mais qui sont ces pouvoirs? Je parle de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international, de l’Organisation mondiale du commerce et des sociétés transnationales. Mais je parle également d’un nombre toujours plus important de gouvernements et même de sociétés d’État qui ont accepté et qui explorent cette vision du développement perçu comme une banale marchandise sur le marché international.

Partout au monde, de plus en plus de gouvernements et de sociétés d’État sont favorables à une accélération de la déréglementation – et plus de privatisations -pour être en mesure d’obtenir une portion du marché international de l’électricité.

Voilà, consœurs et confrères, la situation à laquelle nous sommes toutes et tous confrontés. Telle est la situation à laquelle nous devons trouver une solution, ensemble.

En tant que travailleuses, travailleurs et syndicalistes, nous devons nous demander : est-ce que la stratégie mise de l’avant par tous ces privatiseurs et ces profiteurs est une bonne stratégie?

Qui profite de cette stratégie? Et qui en fait les frais?

De plus, nous devons examiner ces questions de tous les points de vue possibles : du point de vue des travailleuses et travailleurs dans l’industrie de l’électricité qui peuvent vouloir faire des gains à court terme au moment où nos employeurs élargissent leurs activités.

Mais nous ne devons jamais perdre de vue la perspective des travailleuses et travailleurs et des peuples des pays en développement qui ont soutenu sans équivoque, maintes et maintes fois, qu’ils ne veulent pas du développement à n’importe quel prix et certainement pas au prix du contrôle de leurs propres ressources.

Pas au prix de leur avenir et de celui de leurs enfants.

Et certainement pas au prix de l’environnement.

Et plus important encore, nous devons nous demander, si nous rejetons les stratégies de développement de la Banque mondiale, de l’OMC, du E7, quel choix nous reste-t-il?

Les réponses ne sont pas faciles. Notre syndicat, le Syndicat canadien de la fonction publique, le plus gros syndicat canadien, lutte pour trouver des réponses à ces questions et même si nous ne pouvons pas affirmer avoir toutes ces réponses, nous avons décidé d’agir.

Notre syndicat a décidé que nous n’allions pas rester les bras croisés et permettre à notre gouvernement de vendre nos ressources naturelles et nos services publics à des entreprises privées au nom du commerce international.

Nous ne resterons pas les bras croisés pour ainsi permettre une déréglementation globale des secteurs clefs comme le secteur électrique.

Nous ne resterons pas les bras croisés tandis que de gigantesques sociétés essaient de dominer notre pays, nous enlèvent nos droits démocratiques, menacent notre environnement et nos droits syndicaux, et détruisent nos services publics.

Nous disons aussi que si nous insistons pour contrôler notre électricité, nos services publics et nos ressources naturelles, nous devrions alors insister pour que les populations des pays en voie de développement se voient accorder les mêmes droits.

Nous disons oui au développement mais uniquement si les populations des pays en voie de développement jugent que les conditions sont acceptables. C’est le type de solidarité internationale à laquelle croit notre syndicat et vers laquelle il tend.

Nous savons d’expérience que la lutte pour le contrôle public du développement – le contrôle public de notre avenir – est une lutte difficile. Nous sommes confrontés à des ennemis puissants. Mais nous savons également que nous pouvons vaincre.

En 1997, notre syndicat a lancé une campagne importante contre la privatisation de nos services publics. Nous avons également lutté vigoureusement tout au long de l’histoire de notre syndicat contre l’érosion des services publics – contre la sous-traitance, contre les coupures dans les niveaux de services et contre les limites imposées à l’accessibilité aux services publics.

Mais au cours des dernières années, notre lutte s’est accentuée parce que les attaques menées entre-temps sur nos services publics et nos ressources (dont nos services publics d’électricité) ont été constantes.

Comme vous le savez, différents syndicats ont réagi différemment aux attaques de la mondialisation sur le secteur public.

Certains ont adopté le point de vue selon lequel la privatisation et la déréglementation ne peuvent pas être freinées et que la meilleure façon d’agir était pour un syndicat d’obtenir les meilleures conditions possibles pour ses membres dans un contexte difficile.

Mais je suis fière de dire que notre syndicat a adopté une approche différente. Nous avons pris le chemin de la résistance et non pas celui du compromis. En conséquence, nous avons réussi à combattre efficacement la liquidation pure et simple de nos services.

Nous avons obtenu des résultats positifs dans tous les secteurs : la santé, l’éducation, les services sociaux, les services municipaux. Mais ce qui est encore mieux, nous avons obtenu des résultats positifs dans l’industrie électrique.

Il y a quelques années, le gouvernement de l’Ontario a présenté une loi permettant la vente des services électriques municipaux. Mais nos sections locales s’y sont vigoureusement opposées. La population est avec nous dans cette lutte, et nos sections locales ont travaillé avec acharnement sur le terrain. Et aujourd’hui, grâce à la résistance de nos membres à la privatisation, la plupart de nos services municipaux demeurent sous le contrôle du secteur public.

Le contrôle du secteur public. La propriété publique. Tels sont nos objectifs. Parce que nous savons qu’ils constituent la clef pour un accès public à l’électricité, la clef de services électriques fiables.

Et le contrôle public et la propriété publique sont essentiels pour que les droits des travailleuses et travailleurs de l’électricité soient protégés et améliorés.

Nous travaillons fort pour maintenir nos services publics parce que nous savons que la solution de rechange est désastreuse.

Dans la Grande-Bretagne de Margaret Thatcher, la privatisation de l’électricité s’est soldée par la perte de 110 000 emplois, soit 42 % de l’effectif. Entre-temps, les cadres d’entreprise s’accordaient des augmentations salariales de 100, 200 ou parfois même 300 pour cent.

Et les prix? Eh bien, les prix ont grimpé en flèche. Toutes les soi-disant épargnes réalisées par les privatisations ont découlé en droite ligne des réductions d’effectif et ces épargnes ont été redistribuées directement aux actionnaires et aux cadres d’entreprises.

Aux États-Unis, au cours des deux dernières années, les consommateurs du secteur résidentiel ont été soumis à la fois à des hausses vertigineuses de prix et à des coupures de courant et ce, en raison de la déréglementation. Et ici, au Canada, on s’attend à ce que la déréglementation pousse les prix à la hausse d’au moins dix pour cent.

Ainsi, la privatisation et la déréglementation ne sont pas des choix possibles pour le Canada. Et si ces choix ne sont pas envisageables pour le Canada, comment pouvons-nous ne pas nous y opposer pour les pays en développement?

Pour nous, au Canada, le contrôle public de l’électricité est une question de démocratie, comme c’est très certainement le cas pour les populations des pays en développement.

Car y a-t-il quelque chose de plus indispensable à la démocratie que le contrôle de l’eau que nous buvons et de l’électricité grâce à laquelle nous pouvons nous éclairer et nous chauffer?

Confrères et consœurs, il n’est pas exagéré de dire que cette conférence survient à un moment critique. La rencontre du E7 suit immédiatement celle du FMI à Prague, laquelle a eu lieu peu après la réunion de la Banque mondiale à Washington, réunion qui se déroulait quelque temps après la rencontre de l’OMC à Washington.

À chacune de ces réunions, les discussions ont porté sur les moyens d’accélérer la privatisation des services publics et de promouvoir la corporatisation internationale en tant que solution aux problèmes de la famine, de l’eau et de l’énergie dans le monde.

Mais à chaque rencontre, des milliers de manifestantes et de manifestants sont descendus dans la rue pour exiger une solution différente, une solution qui accorde la préséance aux gens et non aux profits, une solution réellement durable.

Partout au monde, les travailleuses et travailleurs et les mouvements populaires mobilisent les citoyennes et les citoyens et se portent publiquement à la défense de cette solution de rechange.

Notre syndicat est fier de participer à ce mouvement tout comme l’Internationale des services publics.

Et notre travail porte réellement fruit.

Au Mexique, l’an dernier, l’opposition des syndicats a obligé le gouvernement à retirer son plan de privatiser l’industrie de l’électricité.

Au Brésil, les gouverneurs de chaque région ont été élus sur la promesse de s’opposer à de nouvelles initiatives de privatisation. Et maintenant, ils redonnent au secteur public le contrôle et la propriété d’entreprises qui, auparavant, ont été privatisées.

Même aux États-Unis, la municipalité de Long Island (New York) a retiré au secteur privé les services locaux d’électricité pour en prendre les commandes en 1999, en raison d’une suite interminable de plaintes et de problèmes.

En Thaïlande, des protestations populaires contre la privatisation retardent en ce moment même la vente du service appartenant à l’État.

De chaque coin de la terre, des mouvements populaires envoient le même message. Le pouvoir de la planète appartient aux peuples de la planète – et nous sommes biens décidés à le garder ainsi.

Nous pouvons tirer de la force de ces victoires. Et nous le faisons. Parce qu’elles indiquent que nous sommes en mouvement. Nous pouvons gagner. Et nous gagnerons.

Je vous remercie infiniment.

Je vous souhaite une excellente conférence.