Toronto solid waste removal truck

Le service municipal public de collecte des ordures est essentiel à la qualité de vie d’une collectivité. Notre manière de ramasser et de disposer de nos déchets et de nos matières recyclables influence notre santé, notre environnement futur et l’apparence de nos villes et villages.

Les sites d’enfouissement arrivent à la fin de leur vie utile et leur coût, financier autant qu’environnemental, est élevé. Les lois élargissant la responsabilité des producteurs de déchets et la chute du prix des matières recyclables ajoutent de la pression sur les municipalités qui peinent à fournir des services publics abordables et de qualité supérieure.

Pour relever ces défis, les municipalités ont absolument besoin de conserver la responsabilité, la flexibilité et le contrôle de leurs services de collecte des ordures. Lorsqu’ils sont offerts par le secteur public, ces services sont efficaces et écoresponsables, en plus de rendre des comptes à la population.

Certaines municipalités, dans le but de diminuer leurs coûts, ont choisi de privatiser la collecte des ordures. Or, des études dignes de confiance arrivent à la conclusion que le service offert par les employés municipaux est équivalent, en coût et en efficacité, au service offert par un entrepreneur privé. Rien de concret n’appuie l’idée que la sous-traitance coûte moins cher ou qu’elle soit plus efficace que la collecte des ordures faite par les employés du secteur public.

Les récentes expériences de privatisation au pays confirment ces conclusions et démontrent en plus que la sous-traitance réduit le nombre de bons emplois dans la communauté et le niveau de service, sans oublier qu’elle constitue un obstacle au détournement des ordures.

Ottawa

En 1998, Ottawa a sous-traité la collecte des ordures dans quatre secteurs, tout en gardant en interne la collecte dans un cinquième secteur. Depuis, elle ramène graduellement en interne ses services de déchets, de bac vert et de recyclage, devant la hausse des factures des entrepreneurs et une satisfaction populaire en déclin. Les employés municipaux s’occupent de deux secteurs maintenant. En termes de coûts, le secteur public impressionne. Selon une vérification interne de 2009, la collecte en interne dans le secteur du centre-ville a permis à la ville d’économiser 5,28 millions de dollars en dix ans.1 En 2012, celle-ci a renouvelé le contrat pour ce secteur et les employés municipaux ont commencé à s’occuper de la collecte des déchets d’un second secteur, dans l’est.2 Mieux encore, on enregistre beaucoup moins de plaintes dans ceux-ci (environ une pour 1 000 ménages) que dans les trois secteurs privatisés (1,53 pour 1 000 ménages).3 Mieux encore, on enregistre beaucoup moins de plaintes dans ceux-ci (environ une pour 1 000 ménages) que dans les trois secteurs privatisés (1,53 pour 1 000 ménages).4 Dans un des secteurs privatisés, le service était si mauvais que la ville a imposé des amendes à l’entrepreneur Waste Management.5

En outre, la ville d’Ottawa éprouve des difficultés avec ses entrepreneurs au chapitre du détournement des ordures. En 2015, la jeune entreprise Plasco, avec qui la ville travaillait dans un plan de valorisation énergétique des déchets, a fait faillite.6 Mentionnons aussi Orgaworld, son entrepreneur en déchets compostables, contre qui elle a mené une longue bataille juridique.7 Au cours des trois premières années du contrat, la ville a déboursé près de 7,7 millions de dollars en coûts « inutiles » (selon le vérificateur de la ville) liés à ce litige à propos de la quantité de déchets de cuisine et de déchets de jardin qu’accepterait cette usine.8

Ottawa est l’une des villes canadiennes où la collecte des ordures et des matières recyclables résidentielles coûte le moins cher, soit 0,83 $ par ménage pour un service de qualité supérieure.9 Un rapport municipal de 2009 expliquait les économies générées par la collecte municipale par « la productivité d’un personnel dévoué et d’expérience ».10 L’ascendant du secteur public encourage la compétitivité des prix. La présence d’un comparatif dans le secteur public a empêché le secteur privé de fixer les prix; elle continue de démontrer la compétitivité du secteur public, année après année.

Calgary

Calgary est revenu récemment à un modèle cent pour cent public pour la collecte des déchets et du recyclage. Un rapport de 2015 sur l’état des services de collecte résidentiels qu’elle avait commandé recommande de ne pas sous-traiter ces services parce que rien ne prouve que cela permettrait de réaliser des économies significatives.11

  • Les coûts de main-d’œuvre : « [d]ans bien des cas, la majorité des économies permises par le secteur privé découlent d’une rémunération inférieure des employés (salaire et avantages sociaux) et de règles de travail plus flexibles. »12
  • Les coûts : « Si le profit peut motiver l’efficacité, il ajoute aussi 5 à 20 pour cent au coût de la prestation des services du secteur privé, ce qui n’est pas le cas avec le secteur public. »13
  • Le service : « La motivation à réaliser un profit et à être efficace peut entrer en conflit avec la qualité du service. Généralement, en offrant des services supplémentaires à la population ou simplement en s’acquittant de toutes les exigences du contrat, le fournisseur privé réduit son profit. »14

Ce rapport compare aussi Calgary à d’autres régions. Il arrive à la conclusion qu’à 1,27 $ le ménage, le coût de la collecte à Calgary est comparable à celui de villes similaires (que leur service de collecte soit entièrement public, entièrement privatisé ou hybride) et qu’il est inférieur aux secteurs entièrement privatisés.

Vancouver

Le service de collecte de Vancouver est public à cent pour cent, ce qui permet à la ville de le modifier à son bon plaisir. En 2011, le conseil municipal a choisi de faire de Vancouver la ville la plus écologique au monde d’ici 2020. Dans le cadre de ce projet, elle souhaite réduire de moitié (comparativement à 2008) le volume d’ordures qui finissent au site d’enfouissement ou à l’incinérateur. En 2012, elle avait déjà réussi à réduire ce volume de 12 pour cent.15

En 2005-2006, Vancouver a complètement automatisé la collecte des déchets. Les avantages humains et financiers sont considérables. Ce changement a fait chuter le nombre d’accidents de travail et de congés de maladie. En 2003, la ville avait enregistré 31 accidents et 1 067 quarts de travail manqués pour cause de maladie, un record. En 2005, soit à mi-chemin de la transition, ces chiffres étaient passés à 11 accidents et 970 quarts manqués. En 2005-2006, les employés qui ont fait la transition vers les bennes automatisées n’ont pas eu un seul accident de travail.16

Winnipeg

En 2011, Winnipeg a sous-traité ses services de collecte des déchets et des matières recyclables. L’année suivante, les plaintes des citoyens avaient grimpé de 1 414 pour cent : Emterra sautait constamment des ramassages. La ville a dû la menacer de la mettre à l’amende si elle ne complétait pas ses rondes à temps.17 En 2013, la ville a dû sévir et imposer à Emterra une amende de plus de 400 000 $ pour des ramassages non faits.18

En 2013, les éboueurs d’Emterra se sont affiliés au SCFP 500, le syndicat des employés municipaux de Winnipeg. Depuis, ils ont négocié une convention collective qui améliore leur salaire et leur représentation en matière de santé-sécurité au travail, entre autres choses.19

Hamilton

À Hamilton, la collecte des ordures est divisée à parts égales entre secteur public et secteur privé depuis 2002. Selon l’Initiative d’analyse comparative des services municipaux de l’Ontario de 2009, la collecte publique coûte annuellement 95,29 $ par résidence, contre 96,45 $ pour la collecte privée. Hamilton avait choisi ce modèle moitié-moitié pour garantir la compétitivité du marché tout en conservant la possibilité de fournir le service. La ville a renouvelé ce modèle en 2011.20 Un rapport de 2012 a confirmé à nouveau le rôle positif du secteur public dans la collecte résidentielle. Le personnel municipal y souligne que le modèle moitié-moitié offre « la meilleure valeur à long terme aux contribuables de Hamilton ». Le personnel calcule que les économies générées par ce modèle pourraient totaliser 60 millions de dollars entre 2013 et 2020, tout en précisant qu’il offrira « un niveau de service accru » et « la possibilité d’augmenter le taux de détournement ».21

Autres municipalités

La privatisation des ordures a eu des effets néfastes importants dans plusieurs collectivités. À Québec, elle a poussé la ville à enfreindre sa convention collective avec ses syndiqués SCFP. Un arbitre l’a condamné à verser 1,5 million de dollars en amendes. Après avoir privatisé ses services, Windsor a vu son taux de détournement des matières recyclables plonger à 38 pour cent, sans réaliser les économies prévues.22, tandis que les plaintes des citoyens ont explosé et demeurent élevées à ce jour.23

Les expériences de Coquitlam et de Port Moody, en Colombie-Britannique, illustrent bien les problèmes de la privatisation. En 2009, Port Moody a ramené la collecte des déchets en interne, après avoir connu de graves difficultés avec ses entrepreneurs.24 La ville a investi dans des bennes automatisées et une vaste campagne d’éducation populaire sur ce système et ses objectifs de réduction des déchets. Depuis, le service des ordures connaît un taux de satisfaction record, le taux de détournement est passé de 47 à 73 pour cent25, et la ville s’est mérité un prix de la Solid Waste Association of North America pour sa campagne d’intéressement de la population et ses ambitieuses cibles de détournement.26 Depuis la remunicipalisation du service, les coûts demeurent stables et prévisibles.

En comparaison, au cours de la même période, la ville voisine de Coquitlam a eu maille à partir avec ses entrepreneurs. Depuis 2009, elle en a embauché puis congédié trois. Les citoyens ont vu le tarif passé de 160 $ à 349 $ par an, sans amélioration du service.27 Il y a même eu un problème d’ours parce que les entrepreneurs ne ramassaient pas les ordures à temps.28

Le jeu n’en vaut pas la chandelle

Les expériences des autres municipalités canadiennes soulèvent de graves questions sur les prétentions voulant que la privatisation de la collecte des ordures coûte moins cher pour un service de qualité égale ou supérieure. Côté coût comme côté service, rien n’est moins sûr. La récente décision de Calgary devrait servir d’inspiration à Toronto, cette ville ayant reçu un avis clair : la sous-traitance est assortie de risques importants.

La sous-traitance de la collecte des ordures entraîne aussi une perte de contrôle et de flexibilité lorsque vient le temps de mettre en place de nouveaux programmes de détournement, comme le recyclage et le compostage.

En gardant la collecte dans l’est publique, Toronto conserverait le contrôle et la reddition de comptes sur ce service essentiel. Gardons la collecte des ordures publique, pour que notre ville reste propre, écologique et bien desservie par des services fiables et de qualité.