Les membres du SCFP connaissent très bien les problèmes du système d’assurance-emploi (AE) canadien. Licenciements, congés parentaux, absences occasionnées par une catastrophe naturelle, les situations donnant droit à des prestations d’AE sont multiples, mais encore faut-il que le gouvernement fédéral adapte le programme aux besoins réels des travailleuses et travailleurs.
Chaque été, les administrations scolaires de tout le pays licencient des employé(e)s qui travaillent 10 mois dans l’année, que ce soit des éducatrices et éducateurs à la petite enfance, des assistant(e)s en éducation ou des secrétaires scolaires. Et chaque été, ces personnes se tournent vers l’assurance-emploi pour subsister.
« Je suis une mère monoparentale et c’est tout un défi », témoigne Marcy Hall, éducatrice à la petite enfance et vice-présidente de l’unité D du SCFP 4222. « Je dois essayer d’économiser des sous pour l’été, en plus de payer mes comptes toute l’année. »
Marcy Hall précise que le processus de demande de prestations d’AE est contraignant, que le montant des prestations est minime, et que les personnes qui travaillent à temps partiel ou qui assurent les remplacements n’ont souvent pas assez d’heures en banque pour être admissibles. Qui plus est, le délai de carence d’une semaine du système d’AE fait que les travailleuses et travailleurs ont du mal à se nourrir, à se loger et à se déplacer pendant cette période. « Les comptes, eux, ne prennent pas de vacances », ajoute-t-elle.
Les travailleuses et travailleurs en éducation doivent en plus prouver être activement en recherche d’emploi, alors que peu d’employeurs embaucheraient des gens qui vont démissionner pour retourner travailler dans une école en septembre.
L’AE doit aider davantage les nouveaux parents
Il y a neuf mois, Chloe Martin-Cabanne, présidente du SCFP 2950, a commencé à recevoir des prestations d’assurance-emploi à la suite de la naissance de son fils Oren. « J’ai vraiment adoré la période du congé de maternité de 15 semaines pendant laquelle je recevais 95 % de mon salaire grâce à notre supplément », dit-elle.
Près de 60 % des conventions collectives du SCFP incluent un supplément de salaire qui vient bonifier les prestations de l’assurance-emploi lors d’une grossesse ou d’un congé parental, un montant qui facilite la vie des jeunes parents qui entament leur congé.
Malheureusement, dans le cadre du congé parental prolongé, qui n’est pas admissible au supplément, Chloe Martin-Cabanne ne reçoit qu’un maigre 33 % de son salaire. Sa famille a donc dû compter sur ses économies pour joindre les deux bouts, mais ce n’est pas facile pour autant. « Beaucoup de nos membres doivent se résoudre à reprendre le travail prématurément, parce que c’est juste impossible d’arriver sinon », ajoute-t-elle.
Les congés parentaux et de grossesse apportent néanmoins de nombreux avantages non seulement aux travailleuses et travailleurs, mais aussi à leurs enfants. Ils permettent de récupérer après l’accouchement, renforcent les liens familiaux et sont bénéfiques au développement de l’enfant. Ils amenuisent les risques de troubles psychologiques et favorisent l’équité des genres, tout en réduisant et en prévenant la pauvreté.
« Si on arrive à atteindre un seuil raisonnable à partir duquel les gens peuvent subvenir à leurs besoins, on va vraiment réduire le stress. Les parents pourront passer du temps de qualité avec leurs enfants, se concentrer d’abord à en prendre soin, puis reprendre le travail en sachant que leurs tout-petits sont en sécurité », explique Chloe Martin-Cabanne.
Qu’est-ce que l’assurance-emploi?
L’assurance-emploi (AE), c’est un programme d’assurance publique financé conjointement par les employeurs et les travailleuses et travailleurs qui assure une protection minimale du revenu. Les prestations régulières d’AE offrent un revenu de base aux travailleuses et travailleurs sans emploi, alors que les prestations spéciales d’AE soutiennent les personnes malades, enceintes, proches aidantes ou en congé parental qui étaient en emploi au préalable.
L’AE, c’est un maillon fondamental de notre filet social, mais pourtant, en ce moment, elle ne répond pas aux besoins des gens. L’AE disqualifie bien des travailleuses et travailleurs qui ne remplissent pas le critère des heures minimales travaillées (soit entre 420 et 700 heures d’emploi assurable). De plus, avec un taux remplaçant à peine 55 % du revenu, la majorité des travailleuses et travailleurs qui y ont recours ne peuvent même pas subvenir à leurs besoins de base.
L’AE a aussi un rôle de stabilisateur économique. En laissant plus d’argent dans les poches des travailleuses et travailleurs lors des périodes d’incertitude économique, on aplanit les récessions, gardant ainsi à flot les économies locales. L’AE ne profite pas juste aux personnes qui reçoivent des prestations : elle profite à l’ensemble de notre population.
Les travailleuses et travailleurs ont besoin de l’AE
En avril 2025, le nombre de personnes bénéficiant de prestations d’assurance-emploi a augmenté de 58 000, soit un bond de 12,7 % comparativement à avril 2024. En mai 2025, le taux de chômage a atteint 7 %, un sommet depuis 2016, si l’on exclut la pandémie. Ce sont les jeunes de 15 à 24 ans qui sont les plus durement touchés : 20,1 % sont sans emploi, le plus haut taux depuis mai 2009. Et ces chiffres risquent encore d’augmenter à cause des droits de douane américains, les pertes d’emplois liées à l’intelligence artificielle, et les catastrophes naturelles de plus en plus tragiques causées par le dérèglement climatique.
En période d’instabilité économique, les travailleuses et travailleurs canadiens doivent pouvoir compter sur leur filet social. Le gouvernement fédéral doit donc agir vite pour améliorer le programme d’assurance-emploi et offrir aux travailleuses et travailleurs la sécurité qu’ils méritent.
Le SCFP collabore avec d’autres syndicats et organisations pour encourager l’amélioration du programme d’assurance-emploi dans le cadre du Groupe de travail interprovincial sur l’assurance-emploi. L’objectif actuel est d’amener le gouvernement à :
- fixer un seuil d’admissibilité universel à 360 heures pour tout le monde;
- augmenter le taux des prestations à 75 % du salaire hebdomadaire et établir le seuil minimal de prestations hebdomadaires à au moins 600 $;
- prolonger la durée des prestations à un minimum de 50 semaines;
- hausser le montant maximal de rémunération assurable pour permettre aux travailleuses et travailleurs ayant un revenu plus élevé d’avoir accès à un soutien financier décent;
- éliminer les critères d’admissibilité sévères qui excluent les travailleuses et travailleurs faussement considérés comme autonomes ou qui sont des travailleuses et travailleurs migrants.
Un soutien fiable lors de désastres climatiques
Les feux de forêt et autres urgences climatiques font de plus en plus partie des réalités environnementales de notre pays. Or, certaines personnes forcées d’évacuer leur domicile se retrouvent sans revenu, étant jugées non admissibles à l’assurance-emploi.
C’est un peu ce qu’a vécu Rheanne Ellingson, membre du SCFP 8600, lorsqu’elle a dû fuir sa demeure de Flin Flon, au Manitoba, en raison des incendies qui faisaient rage. Indisponible pour travailler, elle s’est retrouvée sans salaire pendant plus d’un mois. Elle a dû envisager de présenter une demande d’assurance-emploi alors qu’elle était loin de sa communauté.
« J’étais dans l’impossibilité de recevoir mon code d’accès; ça a pris de sept à dix jours », se remémore Rheanne Ellingson. « Sur le coup, je pensais prendre des journées de vacances, mais j’ai décidé de ne pas les gaspiller pour une situation d’urgence aussi traumatisante. »
Rheanne Ellingson se rappelle toutefois que dès qu’elle a réussi à accéder au système pour soumettre sa demande, elle a reçu ses prestations rapidement : « Quand j’étais tombée en congé de maternité, il y a quelques années, j’avais attendu plus d’un mois pour l’AE. Cette fois-ci, c’était plus rapide, ça n’a pris que quatre jours. » Elle considère que le montant des prestations qu’elle a reçues était acceptable pour une urgence de courte durée, mais il aurait été insuffisant pour une période plus longue.
Augmenter le montant minimal de prestations et le taux de base servant au calcul des prestations – deux réformes prônées par le SCFP et le Groupe de travail interprovincial sur l’assurance-emploi – serait, selon Rheanne Ellingson, « d’un grand secours, surtout avec la hausse des prix ».
Un projet pilote d’assurance-emploi a été lancé au début de l’année 2025, plusieurs mois après que des travailleuses et travailleurs ont été touchés par d’importants feux de forêt au cours de l’été 2024, à Jasper, en Alberta, et au sein de la Nation crie de Bunibonibee, au Manitoba. Le projet pilote offrait un crédit unique de 300 heures d’emploi assurable, facilitant l’admissibilité des travailleuses et travailleurs affectés aux prestations d’assurance-emploi, et leur garantissant ainsi un supplément de revenu pendant la catastrophe et la période de rétablissement.
Ce projet pilote s’est avéré précieux pour les personnes sinistrées, et c’est pourquoi le programme d’assurance-emploi devrait rendre ce type de soutien disponible à l’ensemble des travailleuses et travailleurs affectés par des catastrophes naturelles. Le gouvernement fédéral devrait faciliter de façon permanente l’accès à l’assurance-emploi.
Le programme d’AE est destiné à toute la population canadienne, pour nous soutenir aussi bien lors de la perte d’un emploi qu’à l’occasion d’une naissance, ou lorsque nous devons être en convalescence, prendre soin d’un être cher ou traverser un moment difficile. « Tout le monde y contribue, alors on devrait certainement avoir notre mot à dire sur la façon d’allouer les prestations », ajoute Chloe Martin-Cabanne.
Puisque le système d’assurance-emploi est financé en partie par les travailleuses et travailleurs, il serait logique de les placer au cœur de chacune des décisions le concernant : tant le montant des prestations et les critères d’admissibilité, que les mécanismes de financement et le règlement des demandes, pour ainsi veiller à la stabilité des familles et des économies locales.
Améliorer leprogramme d’assurance-emploi, , c’est s’assurer que l’ensemble des travailleuses et travailleurs peuvent en bénéficier et disposer d’une sécurité financière pour vivre dans la dignité.