Travailler au Zoo de la vallée d’Edmonton, ce n’est pas juste un emploi. C’est une vocation.

Dès les premiers rayons de soleil, alors que presque toute la ville dort profondément, un léger bourdonnement émane du Zoo de la vallée d’Edmonton. Avant même que les touristes passent les tourniquets et que leurs cris de joie s’élèvent devant les paresseux, le personnel du zoo s’applique à prendre soin des animaux, les nourrir et nettoyer leurs habitats.

À n’en pas douter, le personnel animalier qui travaille ici est profondément dévoué. Ce n’est pas juste un emploi. C’est un mode de vie unique. C’est une vocation.

Plus qu’un simple emploi

Chaque créature, de la plus petite chouette des terriers au majestueux tigre de l’Amour, a des besoins, des goûts et des traits de personnalité qui lui sont propres. Les animalières et animaliers se donnent toujours corps et âme à leur travail. Dans leur rôle de spécialistes du bien-être animal, comportementalistes, nutritionnistes et même intervenant(e)s en santé mentale, leur vigilance est constante et leur intervention immédiate lorsqu’un animal est stressé, malade ou endeuillé par la perte d’un compagnon.

« On développe des liens profonds avec les animaux dont on s’occupe », confie Karyn MacDonald, animalière depuis plusieurs années. « On ne peut pas finir notre quart de travail sans ramener un peu d’eux chez soi. On s’inquiète et on pense à eux constamment. Et c’est sans compter les urgences, qui ne surviennent pas seulement de 9 à 5. »

En effet, ce lien qui les unit vient avec son lot de responsabilités qui ne disparait pas après le travail. Que ce soit pendant les vacances, les fins de semaine, les tempêtes de neige ou les canicules, les animaux ont besoin de nourriture, de médicaments et d’un habitat bien entretenu.

« Il nous arrive de revenir à la course pour prendre soin d’un animal, de faire des nuits blanches pour administrer un traitement à un animal malade ou pour donner le biberon à un bébé. Nous sommes très dévoué(e)s à répondre à leurs moindres besoins », ajoute Karyn MacDonald.

La plupart des gens visitent le zoo pendant les heures d’ouverture et ne sont pas conscients de la routine bien chorégraphiée qui se déroule en coulisse, de l’aube jusqu’à tard dans la nuit.  

En début de journée, les animalières et animaliers commencent par évaluer la santé physique et mentale des animaux. Est-ce que leur comportement est normal? Est-ce qu’ils mangent? Est-ce qu’ils sont alertes? Le moindre changement de comportement pourrait être un symptôme lié à une maladie ou à une faiblesse qui pourrait avoir des  conséquences désastreuses si elle n’est pas traitée.

L’alimentation est une opération complexe. Chaque animal suit une diète rigoureuse, préparée avec soin pour répondre à ses besoins nutritionnels et aux normes les plus élevées. Certains sont nourris à quelques heures d’intervalle, d’autres seulement une ou deux fois par jour.

« Scarp le tatou à trois bandes refuse de manger ses légumes s’ils se touchent ou s’ils ne sont pas bien hachés », explique l’animalière Heather Fedyna-Carter. « J’aime ça quand les animaux nous montrent qu’ils ont des préférences alimentaires. »

Ensuite vient l’enrichissement, une part importante de la routine quotidienne et essentielle pour le bien-être de chaque animal. Les animalières et animaliers cachent des gâteries dans des mangeoires interactives, fabriquent des jouets ou des activités, ou inventent des thématiques pour faire découvrir de nouvelles odeurs ou décorations aux animaux à chaque saison afin de les garder actifs mentalement et physiquement.

Et, bien sûr, il faut aussi faire le ménage, beaucoup de ménage.

« Au 21e siècle, prendre soin des animaux, c’est beaucoup plus que de ramasser des crottes », blague Heather Fedyna-Carter. « Nous avons le devoir de promouvoir le bien-être complet de chaque individu, peu importe l’espèce. On reste donc à l’écoute de leurs besoins sociaux, mentaux et physiques dans toutes nos interventions. »

Une expérience émotionnelle

Les animalières et animaliers célèbrent des naissances, pleurent des décès, et voient la vie de leurs protégés défiler devant leurs yeux. Plusieurs ont déjà aidé des animaux malades à se rétablir, nourri des bébés à la main, ou encore vécu le douloureux départ d’un compagnon côtoyé pendant plusieurs années.

« On a dû faire une césarienne d’urgence pour sauver la vie d’un bébé antilope », se rappelle l’animalière Amanda Sanders. « On devait le nourrir au biberon toutes les trois heures, même pendant la nuit. Notre relation était tellement fusionnelle. Même après son intégration au troupeau, il accourait vers nous quand on l’appelait. »

Les gens qui viennent visiter le zoo s’imaginent que les défis du personnel animalier se résument à charrier des balles de foin sous un soleil de plomb ou à supporter le poids de bêtes gigantesques. Mais parfois leurs difficultés sont beaucoup plus importantes.

« La partie la plus exigeante de ce travail est la grande charge émotive qui pèse sur nous », raconte Karyn MacDonald. « On passe plus de temps avec nos animaux au travail qu’avec ceux à la maison. Alors, quand un animal décède, à la longue, c’est comme si notre cœur se brisait en mille morceaux. C’est tellement difficile de dire adieu à des amis auxquels on est attaché. »

« Il y a des animaux qui peuvent nous tuer, d’autres qui peuvent nous rendre gravement malades », ajoute Amanda Sanders. « La plupart des gens comprennent facilement ce qu’on vit sur le plan physique, mais ne pourront jamais comprendre la charge mentale et émotive qui l’accompagne. »

Eric Lewis, président du SCFP 30, souligne qu’aider les membres à traverser ces moments délicats est une priorité syndicale. « Les membres du syndicat ne sont pas seulement des collègues de travail. On passe toutes nos journées ensemble, en première ligne, à échanger, à rire et à s’entraider. C’est notre deuxième famille. »

Un syndicat sur lequel on peut compter

Les animaux dépendent des animalières et animaliers autant que ces derniers dépendent de leur syndicat. Pour une grande partie des travailleuses et travailleurs du Zoo de la vallée d’Edmonton, ce syndicat est le SCFP 30.

« Je crois fermement au pouvoir des syndicats », dit fièrement Karyn MacDonald. « À l’heure où l’écart entre richesse et pauvreté ne cesse de se creuser, les syndicats nous donnent les moyens de répliquer. Chaque personne mérite d’avoir un salaire décent et les syndicats ont toujours lutté contre les inégalités. Ils montent toujours au front quand il est question de donner une voix aux gens qui n’en ont pas. »

Les syndicats, tout comme les équipes qui travaillent au zoo, s’appuient sur la protection, la confiance et la solidarité. Les membres du SCFP 30 comprennent très bien ce qu’apporte le travail de chacun. De l’entretien des granges à la conception d’activités d’enrichissement, en passant par la logistique, tout le monde contribue à sa manière. « Quand on se tient debout ensemble, on gagne ensemble », s’exclame Eric Lewis. Les victoires à la table de négociation font ricochet dans la société, réduisant les écarts salariaux et renforçant la classe moyenne bien au-delà des tourniquets du zoo.

Cette solidarité, Eric Lewis la vit tous les jours : « Grâce à mon rôle de président, j’ai le privilège d’aider chaque membre à se faire entendre! Le syndicat est une organisation au service de ses membres qui sert de porte-voix à l’ensemble des travailleuses et travailleurs. Chaque victoire pour nos membres améliore la vie de l’ensemble des travailleuses et travailleurs. En nous unissant, on rappelle au monde entier que chaque métier est digne et que chaque personne mérite le respect, un salaire équitable, des avantages sociaux et des conditions de travail sécuritaires. »

Mettre du cœur à l’ouvrage

Ce n’est pas un hasard si le mot « cœur » revient souvent dans les conversations avec des animalières et animaliers. Ils ont à cœur non seulement le bien-être des animaux sous leurs soins, mais aussi celui de leurs collègues et des personnes qui visitent le zoo. Ils se soucient grandement de la communauté qu’ils ont créée ainsi que de leur solidarité mutuelle en tant que syndicalistes, une solidarité qui les unit.

Ils mettent le cœur à l’ouvrage en prenant soin d’un veau malade jusqu’à tard le soir, en rentrant au travail tôt pour préparer les fruits préférés de Cactus le porc-épic, et en revendiquant, par l’entremise du SCFP 30, plus de matériel de sécurité, plus d’effectifs et des formations adéquates, car la sécurité des animaux dépend de la sécurité du personnel.

Sans oublier que les notions d’amour et de travail sont intimement liées : quand on a le bien-être des animaux tatoué sur le cœur, on a aussi le courage de se serrer les coudes entre travailleuses et travailleurs, entre syndicalistes, entre humains.

Bien que le travail puisse être salissant, complexe ou éprouvant, les membres du SCFP 30 qui travaillent au Zoo de la vallée d’Edmonton en retirent une expérience enrichissante et un sentiment d’attachement profond et de bonheur.

Dans la quiétude des lieux avant que les portes s’ouvrent, et après les longues journées, l’équipe du zoo reste animée d’une véritable passion pour les animaux et motivée par la solidarité avec les collègues qui partagent cette folle aventure.