Le mot juste
Le choix des mots importe lorsqu’on milite pour la santé mentale au travail. Deux termes sont particulièrement importants : psychologique et psychosocial. Voyons ce qui les différencie et en quoi ils sont essentiels à notre lutte pour des pratiques de travail plus saines.
Les employeurs et les autorités réglementaires optent souvent pour une approche psychologique de la santé mentale au travail, tandis que le milieu syndical favorise une approche psychosociale.
L’approche psychologique est axée sur la personne et ses caractéristiques. Elle présume que le travail n’influe pas sur le bien-être mental et que tout problème de santé mentale est de nature personnelle.
En revanche, l’approche psychosociale reconnaît l’influence du travail sur le bien-être mental. Elle vise à repérer et à éliminer les risques professionnels qui nuisent aux travailleuses et travailleurs afin de rétablir de bonnes pratiques de protection au travail.
Certains facteurs externes – comme la pandémie, l’inflation et l’oppression systémique – jouent grandement sur le bien-être mental. Idéalement, les pratiques de travail devraient intégrer du soutien pour faire face à ces difficultés collectives.
Pourquoi est-ce important?
Une approche psychologique de la santé mentale au travail mise sur la résilience personnelle, donc sur « la capacité de résistance » des travailleuses et travailleurs.
Mais la plupart des employeurs et des personnes déléguées syndicales n’ont pas de formation en psychologie et n’ont pas l’expertise nécessaire pour poser un diagnostic et proposer des solutions adaptées aux problèmes psychologiques.
L’approche psychologique repose aussi sur des mesures d’adaptation au cas par cas, faisant fi des risques pour la santé mentale de l’ensemble du personnel.
À l’inverse, l’approche psychosociale s’attarde à l’incidence de la culture et de l’organisation du travail sur la santé mentale. Elle s’intéresse aux aspects du travail susceptibles de causer des blessures ou des maladies : c’est ce qu’on appelle les risques psychosociaux.
En mettant au premier plan ces risques, on met l’accent sur le travail plutôt que sur la personne.
L’approche psychosociale vise à créer des emplois sains et non à accroître la résilience du personnel.
Mon travail est-il sain?
Signes d’un travail toxique
Un milieu de travail présentant les signes suivants est possiblement toxique sur le plan psychologique. Les répercussions sur la santé du personnel sont inévitables – ce n’est qu’une question de temps.
- Absentéisme
- Les gens s’absentent fréquemment du travail, sans raison valable.
- Présentéisme
- Les gens se présentent au travail même lorsqu’ils ne devraient pas, par exemple parce qu’ils sont malades ou en vacances.
- Roulement élevé
- Départs subits de travailleuses et travailleurs qui n’en peuvent plus.
- Hausse des blessures musculosquelettiques
- Le stress professionnel occasionne des tensions musculaires qui se transforment en blessures avec le temps.
- Congés multiples
- Beaucoup de personnes sont en congé en raison d’une maladie, du stress ou d’une blessure.
- Difficulté d’embauche
- Le milieu de travail a mauvaise réputation et est déconseillé par les membres du personnel.
- Difficulté de rétention des recrues
- Les recrues démissionnent lorsqu’elles ressentent la toxicité du milieu.
- Recours à du personnel occasionnel ou temporaire
- Il peut être stressant de ne pas savoir quel sera notre revenu, et les employeurs qui recourent à du personnel occasionnel ou temporaire le font souvent pour éviter d’avoir à payer des avantages sociaux, qui contribuent à la bonne santé du personnel.
Intersectionnalité
S’ajoutent parfois, pour les membres des groupes d’équité, d’autres facteurs de stress, comme la violence ou la discrimination fondée sur la race, la culture, les origines, les capacités, l’identité ou l’expression de genre, ou l’orientation sexuelle. Les traumatismes intergénérationnels, découlant par exemple de la colonisation ou du racisme, causent souvent une méfiance à l’égard des mécanismes de santé ou de sécurité sur lesquels on compte généralement pour obtenir de l’aide. Toute action proposée doit être respectueuse et inclusive.
Signes d’un travail sain
Dans un milieu de travail sain, on favorise les interactions positives et on limite les risques psychosociaux.
Le personnel :
- aime son travail et est heureux de venir travailler;
- s’approprie son travail et en retire de la fierté;
- participe activement et réalise ses tâches avec enthousiasme;
- règle les conflits promptement et de façon créative.
Lorsqu’un travail est sain, le taux de roulement est faible, parce que le personnel est heureux et veut rester. L’embauche est facile, mais rare.
Quoi faire
Le régime de santé et sécurité au travail gère les risques professionnels, dont les risques psychosociaux. Les travailleuses et travailleurs ont le droit de connaître ces risques et de savoir ce que fait l’employeur pour les réduire, et de participer aux activités de santé et sécurité.
Chaque milieu de travail devrait avoir une stratégie en matière de santé mentale ciblant les risques psychosociaux qui comprend une politique et un programme de santé et sécurité au travail. Le comité mixte de santé et sécurité ou une personne conseillère syndicale en santé et sécurité devrait participer à l’élaboration de la stratégie. En l’absence d’une telle stratégie au travail, le syndicat devrait aborder la question aux réunions du comité mixte et aux réunions patronales-syndicales.