Lorsqu’un avion vole à une altitude supérieure à 8 000 pieds (2438 mètres), sa cabine doit être pressurisée afin que les personnes à bord puissent respirer normalement. Dans les avions à réaction (à l’exception des Boeing 787), la pressurisation s’effectue par l’injection d’un faible pourcentage d’air hautement pressurisé provenant des réacteurs (air de prélèvement) dans le système d’approvisionnement en air de la cabine.

Schéma : L’air entre à l’avant du réacteur, où il est comprimé, réchauffé et pressurisé par une série de turbines avant de passer dans la chambre de combustion, où il est enflammé pour générer la poussée de l’avion. L’air de prélèvement est dirigé du réacteur vers la cabine avant d’entrer dans la chambre de combustion. 

Les risques associés à l’air de prélèvement

En temps normal, l’air de prélèvement est de l’air frais qui provient du compresseur du réacteur et qui n’a pas été mélangé au carburant ou aux gaz d’échappement. Malheureusement, ce n’est pas toujours uniquement de l’air frais qui est prélevé.

Des lubrifiants synthétiques contenant des additifs résistants à la chaleur sont utilisés pour éviter que les pièces mobiles du moteur n’atteignent une température trop élevée. En cas de défaillance, les lubrifiants ou d’autres produits chimiques, comme le liquide dégivrant, peuvent se mêler à l’air de prélèvement et être acheminés directement dans la cabine. Aucun moteur n’est à l’abri d’une défaillance, même s’il est soumis à un régime d’entretien rigoureux. De plus, certains joints d’étanchéité à l’intérieur des moteurs peuvent causer une faible exposition à des émanations toxiques en raison de leur design.

À des températures élevées, comme celles que l’on retrouve à l’intérieur d’un réacteur, les additifs contenus dans les produits peuvent se dégrader et se transformer en vapeurs qui se mélangeront à l’air acheminé dans la cabine. Dans le cas des avions standards, aucun système de filtration ne permet actuellement d’éliminer ces émanations toxiques avant ou après qu’elles n’entrent dans la cabine de l’avion.

On sait depuis plus de 60 ans qu’une défectuosité au niveau du moteur peut entraîner l’introduction de produits chimiques dans la cabine et une exposition importante à ces vapeurs toxiques. Pour nommer un tel incident, on parle notamment « d’émanations toxiques à bord » ou « d’infiltration de vapeurs toxiques » (« fume event » en anglais). Un rapport publié par l’Organisation mondiale de la santé dresse la liste des différents produits chimiques contenus dans la portion du réacteur située à l’avant de la chambre de combustion.

« Les moteurs à turbine utilisent des lubrifiants de synthèse, généralement composés d’une base ester (95 %), d’une large diversité de triaryl-phosphates (TAP), d’additifs organophosphorés (OP) anti-usure (environ 3 %), d’antioxydants aminés et d’ingrédients exclusifs (1-2 %). La formule commerciale de l’additif OP est généralement du tricrésyl phosphate (TCP). L’exposition de ces substances à des températures extrêmes génère un grand nombre d’hydrocarbures et de composés pyrolysés [décomposés par chauffage]. Les fluides hydrauliques sont composés principalement de tributyl-phosphates (TBP) et de triphényl-phosphates, tandis que les fluides de dégivrage sont l’éthylène-glycol et des propyl-glycols. »

Formation

Si les émanations proviennent des entrées d’air de la cabine et ont une odeur caractéristique d’huile ou de fluide hydraulique, elles peuvent constituer un danger important. Pour cette raison, il est essentiel de savoir reconnaître la présence de vapeurs toxiques provenant du système d’approvisionnement en air et d’intervenir adéquatement. Pour ce faire, les agent(e)s de bord doivent suivre une formation appropriée. L’OACI a publié un guide, Orientations sur les pratiques éducatives, de formation et de compte rendu concernant les émanations, qui précise les éléments qui doivent être inclus dans une telle formation. Vous pouvez commander une version numérique ou imprimée. L’OACI explique que si une odeur nauséabonde inhabituelle est signalée dans la cabine ou le poste de pilotage, le personnel doit avoir la formation nécessaire pour déterminer rapidement si les émanations proviennent des entrées d’air ou d’ailleurs.

Déterminer la nature des émanations

Les compagnies aériennes ne sont pas tenues de surveiller la présence de produits chimiques dans l’air. Pour cette raison, il peut être très difficile de savoir ce que contient l’air ambiant. Néanmoins, vous devez déterminer deux choses lorsque vous soupçonnez la présence de vapeurs toxiques à bord : la source et le type d’odeur.

La SOURCE des émanations est un indice important. Les agent(e)s de bord doivent tenter de déterminer d’où provient l’odeur (par exemple, des entrées d’air ou d’ailleurs dans la cabine).

Le type d’ODEUR est un autre indice important. Comme nous l’avons déjà mentionné, l’odeur varie selon la source des émanations.  

Prenons l’exemple suivant : des émanations semblent provenir des entrées d’air, il n’y a aucune source évidente de vapeurs dans la cabine et l’odeur est perceptible lors de l’ascension, de la descente ou lorsque le système auxiliaire fonctionne au sol. Dans un tel cas, on suspecterait un incident d’émanations toxiques à bord. Les pilotes et le personnel d’entretien devraient alors déterminer si le système d’approvisionnement en air contient des vapeurs d’huile ou de fluide hydraulique. Il ne faut pas confondre ce type d’incident avec la forte odeur de diesel qui se dégage souvent lors du démarrage des moteurs.

Symptômes d’une exposition à des émanations toxiques

Il existe amplement de preuves démontrant que l’exposition aux produits chimiques dans l’air de prélèvement est dangereuse. Les symptômes ressentis peuvent aider à déterminer le type de produit chimique présent dans l’air. Il est important de documenter et de rapporter tous les symptômes pour démontrer qu’un incident est bel et bien survenu. Ce sera d’autant plus utile si des problèmes de santé apparaissent dans le futur.

Les symptômes associés à une exposition aux émanations de fluide hydraulique sont les suivants : toux, sensation de brûlure ou d’irritation des yeux, du nez et des voies respiratoires supérieures, difficultés respiratoires et sensation d’oppression thoracique.

Les personnes qui inhalent des vapeurs d’huile éprouvent généralement moins de troubles respiratoires. Ce sont plutôt leurs fonctions cognitives qui sont affectées : vision trouble ou tubulaire, maux de tête, étourdissements, difficultés de concentration, nausées et vomissements. Un autre symptôme fréquent est le goût de métal dans la bouche qui peut persister après l’exposition. Toutefois, tout le monde ne réagira pas de la même façon ni à la même intensité. 

Voici certains effets possibles à long terme d’une exposition à des émanations toxiques : dommages au système respiratoire et au système nerveux central, troubles de la mémoire, détérioration des fonctions cognitives, affaiblissement du système immunitaire, troubles cardiovasculaires et cancers. Si les agent(e)s de bord et les pilotes sont les personnes les plus touchées en raison d’un niveau d’exposition plus élevé, les personnes à bord sont également à risque. Celles qui sont plus sensibles aux produits chimiques et aux toxines peuvent tomber malades. Enfin, toute diminution des fonctions cognitives des membres de l’équipage en raison de la présence de vapeurs toxiques affecte leur efficacité et peut nuire à la sécurité générale.

Un débat qui appelle à la précaution

Le terme syndrome aérotoxique a été créé en 2000. Il y a tout un débat sur l’existence de ce syndrome. Le dictionnaire Le Robert définit un syndrome comme « un ensemble de symptômes constituant une entité, et caractérisant un état pathologique ». Le SCFP n’utilise pas le terme syndrome aérotoxique, puisqu’il n’est pas reconnu par toutes les instances médicales.

Selon le SCFP, il importe peu que les symptômes résultant de l’exposition soient reconnus comme un syndrome ou non.  Les preuves que cette exposition cause des problèmes de santé sont nombreuses. L’OACI reconnaît que la présence de vapeurs toxiques dans la cabine constitue un problème réel. Ses lignes directrices précisent, en partie, que « différents types de vapeurs, de fumées, de brouillards et de brumes peuvent contaminer le système d’approvisionnement en air de la cabine et du poste de pilotage. L’air extérieur peut être contaminé par de l’huile à moteur, du fluide hydraulique, des gaz d’échappement des réacteurs, des gaz d’échappement des véhicules d’aéroport, de l’essence, du liquide de dégivrage ou de l’ozone. »

Le SCFP recommande une approche préventive. Il est possible de démontrer que certains des produits chimiques pouvant se retrouver dans la cabine en cas d’infiltration de vapeurs toxiques sont dangereux pour la santé. Pour cette raison, le SCFP demande aux fabricants de collaborer avec les transporteurs aériens pour réduire autant que possible l’exposition à ces produits chimiques. En raison des progrès technologiques, il est possible, dans bien des cas, d’avoir un niveau d’exposition zéro. On croit d’ailleurs que ce niveau zéro deviendra la norme dans un avenir rapproché.

Quels sont les dangers?

Les vapeurs d’huile sont toxiques. De nombreuses huiles à moteur utilisées dans les avions commerciaux contiennent des tricrésylphosphates (TCP) qui sont toxiques pour les systèmes nerveux et reproducteur. De plus, bon nombre d’huiles contiennent de la phénylnaphtylamine (PAN), un irritant et sensibilisant qui peut réduire la capacité des globules rouges à transporter l’oxygène. Certaines huiles contiennent des phosphates de trixylyle (TXP) qui sont également toxiques pour les systèmes nerveux et reproducteur.

Il faut noter qu’il s’agit d’un mélange complexe de produits chimiques qui comprend, outre les toxines susmentionnées, du toluène, du formaldéhyde et même du monoxyde de carbone (si la température de l’air de prélèvement est assez élevée).

Le débat sur le niveau de dangerosité des odeurs est inutile. Les émanations d’huile et de fluide hydraulique ne devraient jamais s’infiltrer dans la cabine et le poste de pilotage par le système d’approvisionnement en air. L’air que l’on respire dans ces espaces clos à haute altitude devrait être propre et ne contenir aucun contaminant. Des mesures de contrôle prévenant l’exposition à ces vapeurs toxiques sont nécessaires et justifiées. 

Suivant le principe de précaution, le SCFP affirme qu’aucun seuil d’exposition à un produit chimique n’est sécuritaire. Il faut viser le niveau zéro. Si c’est impossible, il faut prendre des mesures pour que l’exposition soit aussi faible que possible.

Prévenir l’exposition à des émanations toxiques

Le SCFP demande à l’industrie aérienne de respecter la hiérarchie des mesures de contrôle pour limiter les risques que pose la possible présence de produits chimiques dans l’air de prélèvement.

La seule façon d’éviter tout risque d’infiltration de vapeurs toxiques, c’est de modifier la façon dont l’air pressurisé est injecté dans la cabine lors de la conception des avions. La technologie nécessaire existe. Le Boeing 787 utilise des compresseurs électriques plutôt que l’air de prélèvement pour approvisionner la cabine en air. Si les fabricants d’avions modifiaient leur système pour comprimer l’air, il serait possible d’éliminer les risques.

Quant aux milliers d’avions dont l’air est prélevé au niveau des réacteurs et qui demeureront en fonction pendant des années, le SCFP demande aux fabricants de travailler avec les compagnies aériennes pour équiper les avions de systèmes de filtration qui élimineront tout risque d’émanations toxiques en cabine. Le SCFP exhorte également les compagnies à faire de la recherche et à envisager l’utilisation de produits chimiques ne contenant pas les toxines qu’on retrouve présentement dans les réacteurs d’avion.

Entre-temps, les compagnies aériennes pourraient installer des filtres modifiés dans les systèmes de filtration actuels pour bloquer les émanations avant qu’elles ne pénètrent dans la cabine. De plus, des détecteurs pourraient alerter les pilotes qui fermeraient alors le système de prélèvement d’air du côté où la défaillance s’est produite.

Enfin, le SCFP demande que les organismes de réglementation exercent une plus grande surveillance. Le syndicat appuie aussi la demande de l’OACI en faveur de changements réglementaires, notamment un formulaire de déclaration standardisé et une formation obligatoire et normalisée pour l’équipage. La formation devrait couvrir, au minimum :

  • Les sources et les types d’émanations possibles à bord.
  • Les descriptions des odeurs et des exemples permettant de reconnaître la présence d’émanations d’huile et de fluide hydraulique.
  • La façon de déterminer la source, le type et l’intensité des vapeurs.
  • Les symptômes possibles.
  • Les procédures à appliquer en cas d’infiltration de vapeurs toxiques.
  • La déclaration de la présence de vapeurs à bord et les autres communications obligatoires.
  • La gestion des personnes à bord et de la cabine.
  • Les procédures à suivre après l’incident.
  • La documentation pertinente.

Les pilotes et les agent(e)s de bord devraient suivre la même formation sur les émanations toxiques à bord afin de faciliter la détection, la reconnaissance du problème et la communication lorsqu’un tel incident survient.

Que faire si l’on soupçonne une exposition à des émanations toxiques?

En résumé, les émanations d’huile et de fluide hydraulique sont toxiques et peuvent contaminer l’air du système de ventilation de l’avion. Cependant, toutes les odeurs ne sont pas toxiques et les émanations ne proviennent pas toujours du système d’approvisionnement en air. Il faut porter une attention particulière à la présence d’odeurs inhabituelles ou nauséabondes et de vapeurs, même s’il n’y a ni fumée ni brouillard.

Mesures à prendre en vol

Si vous croyez qu’il y a de l’air contaminé dans la cabine pendant le vol :

  • Évaluez rapidement si les émanations proviennent des entrées d’air ou d’ailleurs dans la cabine.
  • Signalez immédiatement au chef de cabine et aux pilotes la présence de vapeurs si elles proviennent des entrées d’air. Vous devez :
    • Confirmer avoir vérifié que les émanations ne proviennent pas d’un article dans la cabine.
    • Décrire l’odeur perçue.
    • Indiquer s’il y avait de la fumée ou du brouillard.
    • Indiquer à quel moment vous avez perçu l’odeur (par exemple, au démarrage des réacteurs ou au début de la descente).
    • Rapporter à quel endroit dans la cabine l’odeur était le plus prononcée et où elle n’était pas perceptible (si pertinent).
    • Signaler tout cas de personne malade ou ayant besoin de soins médicaux.

N’oubliez pas que l’air de prélèvement contaminé par des émanations d’huile ou de fluide hydraulique est une question de sécurité en vol qui peut avoir des conséquences graves. Pour cette raison, vous pouvez déclarer la présence de vapeur au poste de pilotage, même en période de « restriction d’accès au poste de pilotage ». Si les pilotes ne sont pas en mesure de répondre, rappelez. Il est important de les informer de la situation pour que les mesures qui s’imposent pour la sécurité du vol soient prises.

Mesures à prendre après l’atterrissage et le désembarquement

Le SCFP recommande que les mesures suivantes soient prises :

  • Envoyez un courriel à air@scfp.ca​ pour recevoir les documents et les guides les plus à jour sur les soins à recevoir après une exposition à des émanations toxiques. 
  • Signalez tout incident à votre compagnie aérienne en suivant la procédure indiquée dans le manuel du personnel de bord. Décrivez l’incident de la même façon que vous l’avez rapporté aux pilotes et, le cas échéant, remplissez le formulaire de déclaration de blessure de votre employeur.
  • Signalez l’incident à votre représentant(e) syndical(e) en santé et sécurité. Pour agir sur cette question, votre syndicat doit être informé des incidents qui surviennent.
  • En cas d’exposition à des émanations toxiques, vous devez consulter un médecin dès que possible. Assurez-vous d’expliquer l’incident à votre médecin, ce que vous savez et comment vous vous sentez. Évitez d’utiliser le jargon de l’industrie pour décrire l’incident.
  • Rapportez l’incident dans la base de données du GCARS à https://scfp.ca/infiltration-de-vapeurs-toxiques-bord-0 — (cette étape n’est que pour collecter des données, aucun suivi ne sera fait pour les rapports remplis auprès du GCARS).
  • Le Global Cabin Air Quality Executive (GCAQE), le cadre mondial de la qualité de l’air dans les cabines, a récemment publié un document résumant son protocole médical RÉVISÉ. Vous pouvez le télécharger ici : https://caqprotocol.online/downloads/GCAQE-Fume-Event-Procedure.pdf. Malheureusement, pour l’instant, il n’est disponible qu’en anglais.
    • Nous invitons les membres à commencer par la page 14 (section « grise ») et à y indiquer les renseignements et leurs symptômes dès que possible après l’incident, car ces derniers évolueront avec le temps.
    • Il convient également d’indiquer toute autre information pertinente comprise à la page 9 du document. Un modèle de lettre à remettre à votre médecin se trouve à la page 12.
  • Vous trouverez le protocole médical complet et RÉVISÉ et le rapport de recherche complet de 156 pages contenant un article révisé par les pairs ici : https://www.gcaqe.org/health 
  • Remettez à votre médecin la documentation reçue dans le courriel sur les émanations toxiques à bord. Ne présumez pas que votre médecin connaît déjà ce type d’incident. La plupart des médecins n’ont suivi aucune formation sur l’exposition à des produits toxiques en milieu de travail.
  • Remplissez le formulaire d’indemnisation pour les accidents du travail de votre commission provinciale (CSPAAT, CNESST, Worksafe, etc.). Rappelez-vous qu’on ne connaît pas encore entièrement les effets à long terme de l’exposition aux vapeurs toxiques. Même si vous n’éprouvez aucun symptôme important, le SCFP vous recommande de signaler tout incident pour vous protéger en cas de symptômes futurs. Vous pouvez rapporter une maladie professionnelle ou un accident de travail à votre commission sans prendre un congé et recevoir des prestations. Signaler aux autorités gouvernementales un incident de santé et de sécurité survenu au travail pourrait vous servir à long terme.
  • Les fiches de données de sécurité peuvent être obtenues auprès de votre employeur pour déterminer quels contaminants étaient potentiellement présents.

Le SCFP maintient que les compagnies aériennes, les fabricants et Transports Canada doivent prendre des mesures concertées pour éliminer les risques d’émanations toxiques à bord afin de protéger la clientèle et les membres de l’équipage.


 

Pour plus de renseignements, communiquez avec :
Service de santé et de sécurité du SCFP
1375, boul. St-Laurent, Ottawa, ON K1G OZ7
Tél. : 613-237-1590
Téléc. : 613-237-5508
air@scfp.ca