Cet éditorial du président national du SCFP, Mark Hancock, a été publié sur Rabble.ca.
Les chiffres sont terrifiants. Près de la moitié de tous les décès liés à la COVID-19 au Canada surviennent dans les foyers de soins de longue durée ou de soins infirmiers. Pour bon nombre de familles au Canada, les dernières semaines ont été remplies de tragédies et de chagrin et, tout cela, dans la solitude.
La multiplication des éclosions dans les foyers de soins est très inquiétante.
Tout le monde se demande comment nous en sommes arrivés là. Mais si vous interrogez l’un des 65 000 membres du SCFP qui travaillent dans les foyers de soins de longue durée, ils vous diront que ces foyers sont en crise depuis des années.
Ils vous diront que l’arrivée de la COVID-19 a ajouté un stress énorme à un système qui était déjà défaillant.
La dotation en personnel dans les foyers de soins de longue durée est hautement problématique depuis des années. L’industrie des foyers de soins se contente d’offrir des emplois précaires ou à temps partiel à ses employés, qui sont souvent forcés de travailler dans deux foyers ou plus, simplement pour joindre les deux bouts. C’est particulièrement le cas dans les foyers privés, à but lucratif, qui cherchent à réduire les coûts liés aux avantages sociaux et aux congés de maladie afin d’augmenter les profits.
On entend souvent les politiciens parler des « héros » qui sauvent des vies dans les foyers de soins de longue durée ces jours-ci, mais le bilan de leur gouvernement respectif révèle une attitude totalement différente.
Partout au Canada, les foyers de soins de longue durée manquent d’effectifs et de ressources. Les travailleurs reçoivent à peine le salaire minimum pour faire un travail difficile sur les plans physique et émotionnel, souvent sans aucuns avantages sociaux ni sécurité d’emploi. Dans une pandémie, lorsque les travailleuses et travailleurs de la santé tombent malades et ne peuvent plus travailler, les pénuries de personnel sont aggravées.
Les gouvernements ont largement négligé ces problèmes fondamentaux et les ont souvent exacerbés. L’année dernière, par exemple, le gouvernement conservateur de l’Ontario a radicalement réduit les inspections dans les foyers de soins infirmiers. Seulement 9 des 626 foyers de la province ont fait l’objet d’une inspection de la qualité. Avec ce taux d’inspection, de 1,4 % par année, il faudrait 70 ans pour évaluer la qualité de vie de nos pensionnaires.
C’est inacceptable!
Malheureusement, Doug Ford n’est pas le seul élément nuisible. Ce type de négligence est généralisé dans tout le pays.
De nombreuses études ont démontré que, dans les foyers de soins de longue durée et les foyers de soins infirmiers, les conditions de travail et les conditions des soins vont de pair. Lorsque les conditions de travail sont médiocres, la qualité des soins est médiocre. Cette situation est plus vraie que jamais dans la crise actuelle. Il est temps que nos gouvernements le reconnaissent.
Heureusement, certains gouvernements montrent déjà la voie. La Colombie-Britannique a bien réagi, il y a deux semaines, lorsqu’elle a transféré tous les employés des foyers de soins de longue durée de la province dans des emplois à plein temps dans un seul foyer, offrant ainsi de bons salaires permettant de soutenir une famille. Les travailleuses et travailleurs des foyers privés à but lucratif ont vu leurs salaires augmenter en moyenne de 4 dollars l’heure.
Ces mesures constituent un progrès important mais, en réalité, elles sont seulement le début d’une transformation beaucoup plus vaste qui doit se produire à l’échelle nationale pour réformer le système des foyers de soins.
Enfin de compte, nous devons reconnaître les foyers de soins de longue durée pour ce qu’ils sont : des établissements de santé. Ils doivent être bien financés, et se conformer à des normes claires et uniformes dans tout le pays. Les employés qui prennent soin de nos aînés méritent un salaire convenable et des emplois garantis, pour que les résidents et les travailleurs puissent vivre en santé, en sécurité et dans la dignité.
Cette crise a exposé les erreurs des gouvernements dans leur approche envers nos personnes âgées et les personnes qui prennent soin d’elles. Il est maintenant clair que lorsque cette pandémie sera terminée, nous ne pourrons plus nous contenter du statu quo. Entre temps, nous devons remuer ciel et terre pour corriger ces erreurs, dès maintenant. Nos parents et nos grands-parents comptent sur nous.
Mark Hancock est le président national du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), le plus grand syndicat du Canada, qui représente 700 000 travailleuses et travailleurs de tout le pays, dont environ 65 000 employés des foyers de soins de longue durée.