Deux nouveaux rapports, publiés simultanément, révèlent le niveau élevé de violence, d’abus et de harcèlement dont sont victimes les employés des foyers de soins de longue durée de l’Ontario.

Une enquête approfondie vient de paraître sur la violence à l’encontre du personnel des foyers de soins de longue durée de l’Ontario. Intitulée Breaking Point : Violence Against Long-term Care Staff (« Point de rupture : la violence à l’égard du personnel des soins de longue durée »), cette étude a été réalisée par les chercheurs canadiens James Brophy et Margaret Keith, associés à l’Université de Windsor et à l’Université de Stirling au Royaume-Uni. Elle a été soumise à un comité de lecture. Les chercheurs ont eu des entretiens de groupe avec des travailleurs de sept collectivités ontariennes.

Ce qu’ils ont entendu les fait conclure que le personnel des soins de longue durée saigne, physiquement et psychologiquement.

« Le personnel des foyers de soins de longue durée ontariens se compose principalement de femmes, explique Mme Keith. Leur travail se fonde sur la compassion et la sollicitude. Pourtant, on leur demande de tolérer un environnement dans lequel les agressions physiques, verbales, raciales et sexuelles sont endémiques. À leur fardeau s’ajoute la menace implicite d’une sanction ou d’un licenciement si elles dénoncent ces abus publiquement. »

Plusieurs des sujets de l’étude étaient d’accord avec une participante qui a résumé comme suit son expérience avec la violence au travail :

« On m’a donné des coups de pied. On m’a égratignée. La nuit dernière, j’ai reçu un coup de poing dans le dos. On m’a lancé des souliers, des chapeaux, toutes sortes de choses. Il n’y a pas un seul jour où je ne suis pas agressée, que ce soit verbalement ou physiquement. »

L’étude révèle une culture d’abus largement méconnue, l’absence de protections et de réglementations uniformes, l’insuffisance de la dotation en personnel et du financement, ainsi qu’un niveau conséquemment élevé de stress et d’épuisement professionnel parmi les soignants en première ligne.

« Nous avons constaté qu’on a permis que les sévices physiques, sexuels et verbaux se normalisent dans l’environnement de travail des soins de longue durée, relaie M. Brophy. Nous pensons que la santé et le bien-être du personnel reflètent ceux du système de santé. Par conséquent, nos conclusions devraient précipiter un examen critique des facteurs institutionnels qui permettent de telles violences. »

Dans une seconde enquête en lien avec la première, on a interrogé les membres du personnel de première ligne dans les établissements de soins de longue durée ontariens sur leurs expériences de violence au travail, en fonction de leur poste et de leur sexe. La firme Public Polling s’est chargée de mener ce sondage par téléphone pour le compte du Conseil des syndicats d’hôpitaux de l’Ontario (CSHO-SCFP) et du SCFP-Ontario.

Les résultats révèlent que :

  • 88 pour cent des préposés aux services de soutien à la personne (PSSP) et des infirmières auxiliaires autorisées (IAA) sont victimes de violence physique. 
  • 62 pour cent des PSSP et 51 pour cent des IAA vivent au moins un incident de violence physique chaque semaine.
  • 69 pour cent des membres du personnel racialisés ou appartenant à un peuple autochtone ou à une minorité visible subissent du harcèlement en lien avec leur origine ethnique. 
  • 75 pour cent de tous les répondants estiment qu’ils ne sont pas en mesure de fournir des soins adéquats en raison de leur charge de travail et du manque de personnel. 
  • 69 pour cent des infirmières et des préposés aux services de soutien à la personne admettent vouloir quitter leur emploi.

« Le niveau extrême de violences verbales, sexuelles et physiques que décrit notre sondage a de quoi alarmer quiconque travaille dans les soins de longue durée en Ontario, y réside ou a un proche qui y réside », estime Candace Rennick, secrétaire-trésorière du SCFP-Ontario et ex-PSSP. « Un environnement aussi violent et dégradant pour les travailleurs doit certainement être dangereux aussi pour les résidents. Ces résultats brossent un tableau sombre d’un environnement scandaleusement dangereux. Nous ne devrions pas croire qu’il est impossible de changer cette culture. La violence ne devrait jamais être considérée comme faisant partie du travail. »

L’étude vient de paraître dans le périodique NEW SOLUTIONS : A Journal of Environmental and Occupational Health Policy; les résultats du sondage ont été rendus publics aujourd’hui à Queen’s Park.

L’étude et le sondage feront l’objet de présentations publiques dans plusieurs communautés ontariennes. Celles-ci s’inscrivent dans une campagne visant à mettre en lumière les problèmes qui affectent la main-d’œuvre des soins de longue durée. Cette tournée s’arrêtera à Hamilton, Kitchener, Kingston, Cornwall, Ottawa, Sudbury, North Bay, Toronto, Sarnia, London et Peterborough, pour se conclure le 10 avril à Oshawa.

Selon Michael Hurley, président du CSHO-SCFP, qui a collaboré à l’étude de M. Brophy et de Mme Keith, « cette étude et les résultats du sondage reflètent l’angoisse et la douleur psychologique que vit le personnel devant composer avec une vague incessante de violences verbales, raciales, sexuelles et physiques. Nous exhortons le gouvernement provincial à adopter des niveaux de dotation minimaux et à modifier la loi pour protéger les membres du personnel qui signalent ou dénoncent les problèmes de violence. De plus, nous appelons le gouvernement fédéral à traiter les agressions sexuelles et physiques commises contre le personnel de santé par des personnes mentalement compétentes comme des infractions pénales graves. »