Quelques trucs pour outiller les membres les plus vulnérables et renforcer votre section locale

  • Porter une attention particulière aux travailleurs précaires. Veillez à ce qu’ils participent aux séances de formation syndicale. Invitez-les personnellement à assister aux assemblées générales.
  • Mettre sur pied un comité de travailleurs précaires où ceux-ci pourront identifier les enjeux les plus pressants et chercher des solutions.
  • Assurer une représentation pour les travailleurs précaires au sein du comité de négociation. Au besoin, formez un sous-comité qui se penchera sur leurs enjeux spécifiques.
  • Encourager les travailleurs précaires à se porter candidat aux postes de l’exécutif. On peut même réserver un poste spécifique pour un représentant des travailleurs précaires.
  • Persévérer. Les travailleurs précaires sont, par la nature même de leur emploi, sont plus enclins à faire de l’anxiété et à se sentir abandonnés. Pour les convaincre de s’impliquer, vous devrez faire plus d’un essai.

Jamais Kate Procopio n’avait envisagé de devenir militante syndicale. Membre de la section locale 23 du SCFP, elle est travailleuse auxiliaire à statut précaire à la Ville de Burnaby en Colombie-Britannique depuis 19 ans. Elle s’était plus ou moins résignée à son statut précaire, mais les choses ont commencé à changer.

La section locale 23 compte 2400 membres, dont 1600 travailleurs auxiliaires. Si on tient compte des employés à temps partiel et des employés temporaires à plein temps, près de 65 pour cent des membres la section locale sont à statut précaire. Un travailleur précaire n’a pas de sécurité d’emploi, pas d’horaire de travail stable ou prédéterminé, pas d’avantages sociaux, de congés de maladie ou de régime de retraite et, dans bien des cas, pas de vacances. On s’attend à ce qu’il soit prêt à travailler, même si l’employeur ne garantit pas les quarts de travail. D’ailleurs, plusieurs quarts sont annulés à la dernière minute sans compensation.

« Cela établit une culture où le travailleur précaire est perçu comme un “citoyen de deuxième classe” qui ne compte pas quand on parle de traitement équitable. Pour couronner le tout, le travailleur précaire se sent souvent déconnecté de son syndicat ou abandonné par celui-ci. Le travail par postes, les horaires imprévisibles, la nécessité de cumuler deux ou trois emplois, tout ça rend la présence aux assemblées bien difficile », a expliqué Kate Procopio.

Si elle s’est mise à militer, c’est à cause de changements survenus au travail, des changements qui l’ont choquée, comme plusieurs de ses collègues, et qui ont suscité des questions quant à l’impact sur leur chèque de paye.

« En plus, nous n’avions pas de délégué syndical dans notre lieu de travail. J’ai assumé ce rôle, parce que, même si j’étais une travailleuse précaire, mon emploi était plus stable que les autres. J’étais donc moins susceptible de subir des représailles si je me mettais à parler. », a-t-elle souligné.

Lors de la formation offerte aux nouveaux délégués syndicaux, les animateurs l’ont encouragée à assister à l’assemblée générale de sa section locale. Elle l’a fait, même si, à ce moment-là, elle ne croyait pas pousser son implication plus loin. À l’assemblée, on l’a encouragée à se joindre à un nouveau comité des travailleurs précaires.

Lors des négociations pour le renouvellement de la convention collective, Kate Procopio s’est rendu compte que, pour que ses collègues précaires soient traités correctement, elle aurait à en faire plus. Le comité de négociation a distribué un sondage à tous les membres. Certaines questions portaient sur les problématiques des auxiliaires, que le syndicat semblait prendre au sérieux. « Je me démenais pour propager un message d’espoir et de changement, mais à l’arrivée de la nouvelle convention collective, il n’y avait presque rien pour nous. J’étais sonnée. »

Les syndiqués auxiliaires et à temps partiel ont eu l’impression qu’on les avait laissés tomber. Les membres du comité étaient anéantis. « Nous nous sentions inutiles, comme si la formation du comité n’avait été que de la poudre aux yeux. Alors que les syndiqués à plein temps ont obtenu des améliorations à leurs avantages sociaux, nos enjeux ont été ignorés. Ça a semé la discorde. La solidarité — la plus grande force d’un syndicat — était menacée », a-t-elle ajouté.

Les membres du comité ont finalement canalisé leur colère et leur déception pour se doter d’un plan d’action dans le but d’éviter que la situation se reproduise à la prochaine ronde de négociation. Ils ont réussi à faire entrer des employés auxiliaires au sein de l’exécutif et du comité de négociation. Parallèlement, l’exécutif a exercé des pressions sur l’employeur afin de s’attaquer aux problématiques propres aux travailleurs auxiliaires. Il a aussi sollicité des conseils juridiques pour faire respecter les protections pour les travailleurs précaires déjà enchâssées dans la convention collective.

Ça a pris du temps, mais la section locale continue de faire des progrès. Aujourd’hui, il y a deux travailleurs précaires sur l’exécutif, dont Kate Procopio. « Nous avançons, mais ce n’est pas facile. Il faut constamment s’occuper de la relation avec les travailleurs précaires. En raison de la nature de leur emploi, ils sont plus enclins à faire de l’anxiété et à se sentir abandonnés, voire persécuter. C’est pourquoi l’ensemble du syndicat doit faire preuve de solidarité. Nous sommes vos membres les plus vulnérables et la section locale ne sera jamais vraiment forte si nous le demeurons », a-t-elle conclu.