Pour Raymond Basilio, la syndicalisation est une question de vie ou de mort. Ce secrétaire général de l’Alliance of Concerned Teachers (ACT), aux Philippines, puise son courage dans les 240 000 membres du personnel enseignant qu’il représente. Dans son pays, les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, les arrestations et la détention de syndicalistes sont bien réelles.
L’ACT a été fondée dans les années 1980, pendant la dictature de Ferdinand Marcos. « Dès notre création, nous avons reconnu l’importance de l’éducation pour renforcer notre pouvoir individuel et collectif et nous avons veillé à ce que ce pouvoir profite au bien commun », se rappelle Raymond Basilio.
M. Basilio a pris la parole lors du Congrès national du SCFP en 2019, alors qu’il faisait l’objet de menaces de mort. Il s’est à nouveau adressé aux délégué(e)s du SCFP lors du Congrès national en 2023, cette fois-ci sans garde du corps et largement à l’abri des menaces dans son pays.
Selon l’Indice des droits dans le monde 2024 de la Confédération syndicale internationale, les Philippines se classent encore parmi les 10 pires pays pour les travailleuses et travailleurs. Les violations de leurs droits se multiplient tandis que les politiques gouvernementales et les pressions de la droite cherchent à empêcher les syndicats de négocier en leur nom.
« En réponse aux appels incessants des travailleuses et travailleurs pour les droits du travail, le respect, de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail, le gouvernement a mis en œuvre des politiques répressives qui restreignent directement la liberté académique, ainsi que nos droits d’association et de négociation collective », déclare M. Basilio. « Les syndicats légitimes et leurs leaders passent au marquage rouge et sont qualifiés de terroristes. Les leaders de ma section locale sont la cible de harcèlement et d’intimidation. »
Il voit des points communs entre les luttes des travailleuses et travailleurs de l’éducation au Canada et aux Philippines pour une vie meilleure et pour un accès équitable à une éducation de qualité.
« Le secteur de l’éducation joue un rôle central dans la façon dont l’avenir se bâtit, tant aux Philippines que dans le reste du monde. C’est par l’action collective que nous devons relever les défis qui se présentent à nous dans ce système qui fait l’objet d’attaques et d’un manque de soutien, et qui nous expose à une surcharge de travail et à de mauvais salaires », soutient M. Basilio.
« La solidarité au-delà des frontières nous permet d’opposer un front uni aux problèmes généralisés tels que la disparité salariale et de veiller au respect des droits du travail. Les leçons qu’on en tire peuvent avoir un effet d’entraînement et améliorer les conditions de travail dans le monde entier. »
La foi de M. Basilio dans la syndicalisation, malgré tous les obstacles, vient de l’histoire de son pays, qui s’est opposé à la colonisation et est parvenu à renverser plus d’un dictateur. Cette histoire est porteuse d’une leçon essentielle pour nous tous et toutes : les gouvernements de droite gagnent du terrain et certaines choses qui nous semblent acquises sont, en réalité, fragiles.
« Les gouvernements de droite s’organisent et mettent en commun leurs idées pour étouffer nos initiatives. En tant que travailleuses et travailleurs, nous devons aussi nous organiser et mettre en commun nos idées pour leur faire face ensemble afin de créer une société meilleure et plus juste pour les travailleuses et travailleurs, pour tout le monde », implore M. Basilio. « Les syndicalistes doivent constamment être sur leurs gardes. Le progrès n’est jamais garanti. »
Il considère que notre plus grand atout réside dans le pouvoir de la solidarité internationale. La solidarité nous permet de mettre en commun nos expériences et nos stratégies afin de protéger nos acquis durement gagnés et de relever les défis qui nous unissent par-delà les frontières. L’ACT collabore avec d’autres syndicats et organismes communautaires pour poursuivre la mobilisation en faveur de la justice et de l’équité pour les travailleuses et travailleurs aux Philippines et dans le monde entier. M. Basilio est reconnaissant du grand soutien des membres du SCFP.
« Lorsque nos opposants nous attaquent, le SCFP ne manque jamais d’être notre voix à l’étranger. Lorsque nos écoles pour les peuples autochtones ont été fermées, vous avez amplifié nos appels à la résistance. Lorsqu’on nous empêche de parler, le SCFP et d’autres syndicats s’expriment en notre nom. Merci au SCFP pour sa profonde solidarité! »