Le vérificateur général du Canada vient de publier un rapport sur le nouveau Pont Champlain qui est présentement construit à Montréal en partenariat public-privé (PPP). La vérification portait sur la façon dont le gouvernement fédéral a pris les principales décisions dans ce projet. Elle relève plusieurs graves problèmes dans la façon dont le gouvernement a décidé d’opter pour un PPP.
Malheureusement, faire pencher la balance en faveur des PPP est une pratique courante que d’autres vérificateurs ont déjà dénoncée.
Voici quatre problèmes soulignés par le vérificateur fédéral :
Une décision prise sur de mauvaises bases
La vérification révèle que la décision de privatiser la construction par l’entremise d’un PPP « reposait sur des informations incomplètes et des analyses insuffisantes ».
De plus, Infrastructure Canada a terminé son analyse des modèles d’approvisionnement pour le projet du nouveau Pont Champlain « deux ans après avoir annoncé que le modèle de partenariat public-privé avait été retenu ».
Des erreurs mathématiques
Les estimations des coûts de construction d’Infrastructure Canada reposaient sur un concept achevé qu’à cinq pour cent, ce qui est bien en deçà du minimum de 30 pour cent recommandé dans le domaine. En refaisant les calculs à l’aide d’estimations plus réalistes et plus prudentes, le vérificateur général a conclu que le PPP du Pont Champlain coûtera 237 millions de dollars de plus que si le projet avait été réalisé dans le modèle public traditionnel.
L’analyse du PPP prévoyait une économie de 10 pour cent par rapport à un projet public, en raison de « l’expérience et de l’expertise du secteur privé ». Ce pourcentage est cependant le double de ce que recommande PPP Canada, l’agence fédérale de promotion des partenariats public-privé. Le vérificateur a refait les calculs en utilisant le taux de cinq pour cent suggéré par PPP Canada. Résultat : le PPP coûtera 26 millions de dollars de plus qu’un projet public.
Le vérificateur a refait certains calculs pour arriver à la conclusion qu’ « une analyse de l’optimisation des ressources fondée sur des valeurs plus appropriées pour les hypothèses pourrait indiquer qu’un modèle de partenariat public-privé entraînerait des coûts supérieurs à ceux d’un modèle traditionnel ».
Des chiffres irréalistes
De 2014 à 2015, l’estimation des économies possibles en PPP d’Infrastructure Canada est passée de 227 millions à 1,75 milliard de dollars. Le vérificateur général a conclu que le ministère « n’a pas pu bien expliquer la différence de 1,5 milliard de dollars entre les deux analyses. Nous sommes d’avis que les économies établies dans les analyses du ministère n’étaient pas réalistes. »
Une évaluation biaisée
La vérification de l’analyse de « l’optimisation des ressources » a révélé « des faiblesses qui avantageaient le modèle de PPP ».
Cette analyse estimait qu’un pont public coûterait plus cher à exploiter et à entretenir. Elle a supposé qu’un pont public comporterait des risques qui multiplient par six le coût des risques qui, dans un PPP, seraient assumés par le secteur privé.
En outre, on a mal évalué certains risques pris en compte dans le PPP (dépassement des coûts et de l’échéancier des travaux).
De plus, la formule de calcul de la valeur en dollars courants des paiements futurs au PPP a utilisé un taux d’actualisation plus élevé que le taux courant à ce moment, ce qui sous-estime les coûts réels d’un PPP. Comme l’a indiqué le rapport du vérificateur général, « le taux d’actualisation plus élevé a avantagé le modèle de PPP ».
Le vérificateur a conclu que « les analyses de l’optimisation des ressources ont été peu utiles aux décideurs, car elles comportaient de nombreuses failles qui avantageaient le modèle de PPP ».
Ces constats suscitent de graves craintes pour l’évaluation et le choix du mode PPP pour un autre projet de pont fédéral: le Pont international Gordie-Howe.
Les tenants des PPP affirment que le Canada possède l’un des systèmes d’approvisionnement en PPP les plus solides et les plus perfectionnés au monde. Cette vérification démontre que le système est truqué en faveur de la privatisation. L’examen du PPP du Pont Champlain par le vérificateur général du Canada confirme ce que disent le SCFP et d’autres critiques : tout le processus des PPP est vicié.