En temps normal, lors de négociations, les employeurs et les syndicats échangent des propositions et négocient sérieusement pendant des semaines, voire des mois, pour trouver un terrain d’entente. Or, ce n’est pas ce qui s’est passé lors des brèves négociations qui ont eu lieu entre les Services canadiens de l’ouïe (SCO) et le SCFP 2073. Le 28 avril, les négociations ont été rompues, entraînant ainsi une grève qui dure maintenant depuis quatre semaines.

Dans une requête présentée la semaine dernière à la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO), les juristes du SCFP 2073 – le syndicat des 206 employé(e)s des SCO – soutiennent que l’organisme a enfreint six articles de la Loi de 1995 sur les relations de travail, notamment en négociant par ultimatum, en interférant avec la capacité du syndicat à représenter ses membres et en passant par les étapes prévues par la loi sans réelle intention de parvenir à une convention collective équitable.

« Ils ne se sont montrés disposés à négocier que pendant deux heures avant de demander une conciliation. Ils ont ensuite demandé de ne pas instituer de commission de conciliation après quatre heures supplémentaires et ont modifié les termes de notre contrat le premier jour où ils ont pu le faire. Ce n’est pas de la vraie négociation : c’est une façon de se servir du système pour pousser les travailleuses et travailleurs à la grève », déclare Mara Waern, présidente du SCFP 2073 et consultante en emploi comptant plus de 30 ans d’expérience auprès des SCO.

La requête soutient également que les agissements des SCO ne sont pas des incidents isolés, mais plutôt une ligne de conduite calculée visant à briser le syndicat et à permettre à l’organisme de fonctionner davantage comme une entreprise, et moins comme un organisme communautaire. Les SCO ont laissé leur personnel en grève pendant plus de 10 semaines en 2017 et ont fait preuve du même manque d’urgence pour résoudre l’interruption de travail actuelle, puisqu’elle a refusé la demande du SCFP 2073 de faire appel à un médiateur tiers pour aider à faire avancer les choses.

« Chaque membre du personnel souhaite retrouver son emploi avec une convention collective juste et équitable qui répond à ses besoins et qui prévoit des investissements dans les services destinés aux personnes sourdes, sourdes-aveugles et malentendantes de l’Ontario », ajoute Mara Waern. « Invoquer une pratique déloyale de travail est certes un outil juridique, mais on ne parle pas ici d’une situation juridique abstraite. Chaque jour de grève, les personnes qui comptent sur nous pour participer pleinement à la société sont abandonnées. Cela se traduit par des chirurgies manquées, l’impossibilité de se rendre à des rendez-vous à la banque, ou encore l’incapacité à assister à des funérailles. Le comportement insouciant des SCO a des répercussions concrètes sur la vie des gens. »

À l’heure actuelle, aucune offre n’a été présentée aux travailleuses et aux travailleurs, et les SCO n’ont rien fait pour mettre de nouvelles propositions de l’avant.

« Cela rejoint une tendance inquiétante, qui a débuté au plus haut niveau avec Doug Ford, lorsque celui-ci a imposé de force le projet de loi 28 aux travailleuses et aux travailleurs du secteur de l’éducation. Et cette tendance s’est poursuivie avec les patrons de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail qui, ce mois-ci, ont coupé l’herbe sous le pied des travailleuses et travailleurs en résiliant leur convention collective quelques jours seulement après avoir reçu leur mandat de négociation de la province », souligne Fred Hahn, président du SCFP-Ontario. « De plus en plus d’employeurs tentent de saper les négociations collectives équitables. Mais le personnel riposte, affirmant son droit de participer à son avenir tout en exigeant les investissements que méritent nos communautés. »

La requête présentée par le SCFP aux SCO comporte une ordonnance dans laquelle il est stipulé que les SCO ont manqué de bonne foi dans leurs négociations. La requête exige ainsi que les SCO rencontrent le comité de négociation du SCFP 2073 pendant cinq jours complets pour mettre fin à la grève et indemniser les membres pour les pertes, dommages et dépenses découlant des pratiques illégales des SCO, responsables de la prolongation de la grève.