Lorsque les banques centrales augmentent les taux d’intérêt en réponse à une inflation élevée, une récession s’ensuit presque toujours. Étant donné que les banques centrales d’Europe, du Canada et des États-Unis ont fortement augmenté les taux d’intérêt au cours de la dernière moitié de 2022, de nombreux économistes s’attendaient à ce qu’une récession frappe ces régions du monde au début de 2023.
Or, la croissance économique mondiale a été plus résistante que prévu par les experts et le chômage est à un plancher historique tant au sein de l’Union européenne qu’en Amérique du Nord. Mais même si la récession n’est pas encore là, on commence à percevoir des signes de ralentissement de la croissance économique.
Les prévisionnistes des grandes banques canadiennes s’attendent maintenant à ce que l’économie canadienne connaisse deux trimestres de croissance réelle quasi
nulle ou négative en 2023.
Les pronostics laissent croire que la Colombie-Britannique, l’Ontario et le Québec seront les provinces les plus durement touchées. Puisque l’Ontario et le Québec dépendent fortement de leurs relations commerciales avec les États-Unis, un ralentissement chez nos voisins du Sud se traduirait par une baisse de l’activité économique dans ces provinces. De plus, l’Ontario et la Colombie-Britannique ont le coût d’accession à la propriété le plus élevé au pays. Les taux d’intérêt élevés y ont ralenti le marché immobilier et exercent une pression sur le budget des ménages.
Selon les données, notre économie n’est pas en position de force. On utilise souvent la variation du produit intérieur brut, ou PIB, pour évaluer grossièrement la santé d’une économie. Le PIB est la valeur totale des biens et services produits dans un pays au cours d’une période donnée. Ajustée en fonction de l’inflation, la croissance du PIB au Canada a ralenti pour atteindre Presque zéro au quatrième trimestre de 2022.
Une analyse plus poussée des données de la croissance globale du PIB fait apparaître des signes de faiblesses futures. La demande intérieure finale est le montant total d’argent dépensé en biens et services par les particuliers, les entreprises et l’État dans un pays donné. Elle mesure la vigueur des achats intérieurs en excluant les accumulations de stocks et les exportations de biens et de services. Le fait de comparer la demande intérieure finale au PIB peut nous montrer s’il existe des faiblesses économiques provenant de variations des exportations ou des stocks. Or, si la demande intérieure finale s’est améliorée au quatrième trimestre de 2022, la dynamique sous-jacente suggère un ralentissement constant de la croissance économique. Le PIB était supérieur à la demande intérieure finale au troisième trimestre de 2022 parce que les entreprises constituaient des stocks qu’elles n’ont pas été en mesure de vendre. En conséquence, celles-ci ont ralenti la production de nouveaux stocks au quatrième trimestre. La hausse de la demande intérieure au dernier trimestre de 2022 démontre que les entreprises ont pu vendre une partie de leurs stocks accumulés, mais le ralentissement de la production a fait baisser la croissance globale du PIB.
L’investissement réel des entreprises a également diminué aux troisième et quatrième trimestres de 2022, en partie en réponse à la hausse des taux d’intérêt. Après ajustement pour tenir compte de l’inflation, les entreprises ont moins investi dans la construction résidentielle, la machinerie et le matériel.
Qu’est-ce que cela signifie pour les travailleurs et les travailleuses ? La vie est plus difficile, mais sommes-nous en récession ?
On s’attend à ce que la croissance économique soit plus faible en 2023 qu’en 2022, mais il n’est pas certain qu’on puisse qualifier ce ralentissement de récession. On définit généralement la récession comme deux trimestres consécutifs de croissance économique négative, mais cette définition n’est pas coulée dans le béton. Au Canada, c’est le Conseil des cycles économiques de l’Institut C.D. Howe qui décide du début ou de la fin d’une récession. Il recherche « un déclin prononcé, persistant et généralisé de l’activité économique globale » pour signaler une récession. Cela signifie que si les tendances se maintiennent, y compris une économie américaine plus forte que prévu, le Canada pourrait éviter une récession en 2023.
Cependant, les dernières données sur le chômage et l’inflation aux États-Unis indiquent la présence d’un risque important que les hausses de taux d’intérêt se poursuivent là-bas, même si certaines banques américaines et européennes souffrent en raison des taux d’intérêt élevés. Si les hausses se poursuivent aux États-Unis, le risque de récession là-bas augmentera, et cela aura une incidence négative sur l’économie canadienne.
Qu’on soit officiellement en récession ou non, les banques et les économistes feront pression pour que les gouvernements provinciaux limitent leurs dépenses tant que l’inflation sera supérieure à la cible d’un à trois pour cent de la Banque du Canada. Certains gouvernements en profiteront pour prétendre que leur budget à venir devra être prudent. Mais il ne faudrait pas oublier que les revenus de toutes les provinces se sont considérablement améliorés par rapport à 2022. Malgré les défis économiques, les gouvernements ont encore la marge de manœuvre nécessaire pour investir dans les services publics qui soutiennent notre économie à long terme.