Cela a commencé par une frustration dévorante face à la loi 124 sur le plafonnement des salaires, déposée avant la pandémie. Or, après avoir subi l’un des taux d’infection à la COVID au travail et d’épuisement professionnel les plus élevés au monde, le personnel hospitalier en a ras le bol.
Quelques semaines à peine avant les élections provinciales de juin, la main-d’œuvre hospitalière ontarienne, composée surtout de femmes, demande à l’électorat de soutenir son appel à l’abrogation de la loi 124 qui maintient la croissance des salaires à six pour cent en dessous de l’inflation. Cette loi alimente un exode du personnel hospitalier, particulièrement chez les infirmières.
La manifestation de mardi au campus Civic de l’Hôpital d’Ottawa a réuni des infirmières de première ligne et d’autres membres du personnel hospitalier représentés par le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), l’Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario (AIIO) et le Syndicat des employées et employés de la fonction publique de l’Ontario (SEFPO). Il s’agissait de la première de six manifestations régionales qui s’étendront jusqu’au mois prochain. Il y en aura une, notamment, à l’Hôpital pour enfants Sick Children de Toronto le 5 mai.
La loi 124 « a diminué de dix pour cent le salaire réel des travailleuses et travailleurs de la santé au cours des deux dernières années », explique Sharon Richer, secrétaire-trésorière du Conseil des syndicats d’hôpitaux de l’Ontario (CSHO-SCFP). « Si on conjugue cette réduction à l’absence d’équipement de protection individuelle adéquat pendant la pandémie et à la charge de travail éreintante qui vient avec le système hospitalier ayant le moins de personnel de toutes les économies développées, de nombreuses personnes jettent la serviette. Et ces travailleurs, surtout ces travailleuses, sont bien conscientes qu’on n’exploite pas ainsi les professions de premier répondant à dominante masculine, comme la police ou les pompiers. »
Le nombre de postes à pourvoir dans les hôpitaux ontariens monte en flèche à mesure que la loi 124 efface artificiellement le salaire de centaines de milliers de femmes dans le domaine de la santé, « des femmes qui ont travaillé d’arrache-pied pour la population tout au long de la pandémie », ajoute Mme Richer.
Les données montrent que le taux de postes à pourvoir dans les hôpitaux est passé de 1,6 pour cent fin 2015 à 6,3 pour cent fin 2021. Les hôpitaux et les établissements de soins infirmiers et de soins pour bénéficiaires internes ont plus de 32 000 postes vides. Si on ajoute les 10 350 postes en soins ambulatoires, on obtient un total de plus de 42 000 postes vacants. À la fin de 2015, il n’y en avait que 10 000, soit quatre fois moins.
Au cours de 2020 et 2021, le nombre de postes d’infirmières autorisées à pourvoir a plus que doublé ; dans le cas des infirmières auxiliaires autorisées, il a plus que triplé. Du côté des postes d’aide-infirmier et de préposé aux bénéficiaires, ce nombre a plus que doublé. D’autres professions auxiliaires à l’appui des services de santé ont vu le nombre de postes non pourvus plus que quadrupler.
Lou Burri, président du SCFP 4000, qui représente environ 4 000 employées et employés de première ligne à l’Hôpital d’Ottawa, affirme que ses membres sont « indignés que l’administrateur principal de leur hôpital n’ait pas demandé au gouvernement provincial de jeter la loi sur le contrôle des salaires à la poubelle. M. Love sait à quel point la loi 124 a été néfaste pour le moral du personnel hospitalier qui a prodigué d’excellents soins tout au long d’une crise mondiale. Et ces gens sont consternés par le silence et le manque de respect des membres de l’administration, dont le salaire augmente. Notre PDG doit se ranger du côté du personnel de première ligne, pas de celui d’une mauvaise loi. »
En plus des manifestations d’Ottawa et de Toronto, les travailleuses et travailleurs hospitaliers se rassembleront à Sudbury, Oshawa et Hamilton, puis à nouveau à Ottawa, cette fois devant l’hôpital Bruyere.
Avec ces manifestations, le personnel hospitalier communique qu’il en a marre du manque de respect. Mais certains protestent d’une autre façon : ils démissionnent. Il est temps que le gouvernement assume la responsabilité de la crise de dotation qui se déroule sous nos yeux et qu’il commence à retenir cette précieuse main-d’œuvre en abrogeant la loi 124 », estime Sharon Richer.