Pour ce qui est de l’assurance-emploi, le budget 2018 contient des avancées prometteuses, mais comporte aussi des lacunes.
L’annonce la plus importante concerne l’ajout, à compter de juin 2019, d’un congé parental réservé au deuxième parent (le père ou la partenaire de même sexe). Inspiré du Régime québécois d’assurance parentale, le congé bonifié offrira cinq semaines supplémentaires aux parents qui choisissent la formule traditionnelle de 35 semaines de congé. Seul le deuxième parent peut s’en prévaloir. Les parents qui optent pour le nouveau congé prolongé de 61 semaines annoncé dans le budget 2017 auront droit à huit semaines de plus.
Cette prestation parentale réservée au deuxième parent est importante pour favoriser l’implication des pères auprès de l’enfant. Les données compilées dans d’autres pays indiquent que le père qui prend un congé de paternité est plus susceptible de partager la routine des soins de l’enfant et les tâches ménagères. Les liens entre le père et l’enfant se resserrent également. La prestation parentale facilite le retour rapide au travail de la mère, ce qui, en retour, accroît la participation des femmes au marché du travail et réduit l’écart salarial entre les hommes et les femmes. La normalisation de la participation des hommes au congé parental permet aussi de diminuer la discrimination au travail envers les hommes et les femmes qui s’en prévalent.
Les inégalités en matière d’accès demeurent
Le SCFP se réjouit de la décision du gouvernement fédéral de créer un congé « à prendre ou à laisser » pour le père et le deuxième parent. Par contre, la proposition contenue dans le budget 2018 reproduit les inégalités existantes en matière d’accès à l’assurance-emploi. En ce moment, seuls les deux tiers des mères canadiennes prennent un congé de maternité, soit parce qu’elles n’ont pas travaillé assez d’heures pour être admissibles, soit parce que le niveau de prestation est trop bas pour qu’elles puissent en vivre. Les femmes à faible revenu ont beaucoup de difficulté à prendre un congé parental. Plus de la moitié d’entre elles ne le font pas. Malheureusement, cette situation risque de se reproduire avec le congé du deuxième parent. À moins qu’on s’attaque au problème d’accessibilité à l’assurance-emploi, ce nouveau congé profitera seulement à une poignée de familles.
Dans le Régime québécois d’assurance parentale, le seuil d’admissibilité est plus bas (des gains de 2000 dollars dans l’année précédant le congé) et le taux de remplacement du salaire est plus élevé (70 % des gains assurables contre 55 % au niveau fédéral). Le gouvernement fédéral devrait prendre exemple sur le Québec lors de la mise en œuvre de ce congé l’an prochain. Le SCFP avait recommandé au gouvernement fédéral d’offrir douze semaines de congé réservées au deuxième parent, comme le font plusieurs pays de l’OCDE, et de bonifier le soutien accordé aux chefs de famille monoparentale.
Rien pour les services de garde
De plus, le budget fédéral ne s’attaque pas à un autre problème criant pour les parents : l’accès à des services de garde publics, abordables et de qualité. Oui, il est important de permettre aux parents de passer du temps avec leurs jeunes enfants, mais cela n’aidera pas les femmes à retourner sur le marché du travail si elles ne peuvent pas compter sur une place en garderie de qualité. Il est décevant que le budget 2018 ne contienne rien à cet effet.
Le budget prend aussi des engagements envers le programme Travail pendant une période de prestation et le trou noir qui affectent les travailleurs saisonniers. Il augmente aussi l’enveloppe budgétaire consacrée au traitement des plaintes et au centre d’appels de l’assurance-emploi. Cet argent devrait permettre de raccourcir les délais de traitement qui sont inacceptables. Par contre, nous sommes déçus que le gouvernement choisisse de s’attaquer au problème du travail saisonnier en augmentant le financement du développement de la main-d’œuvre, comme si le problème en était un de compétences, alors que la véritable cause est le caractère saisonnier des emplois disponibles dans plusieurs régions.
L’absence d’argent pour corriger le processus d’appel dysfonctionnel est aussi décevante. Les ratés du Tribunal de la sécurité sociale sont documentés depuis longtemps. Le rapport de la firme KPMG remis ministre à l’automne 2017 confirme qu’il y a beaucoup à faire pour réparer le système. Le gouvernement Trudeau dit vouloir trouver la bonne solution, mais il doit agir de toute urgence. Plusieurs petits changements pourraient faire une grosse différence si on les mettait en œuvre maintenant. Malheureusement, il n’y a pas d’argent sur la table pour concrétiser ces changements.