L’effondrement de Carillion, une multinationale spécialisée dans la privatisation nous rappelle que les partenariats public-privé (PPP) et la sous-traitance comportent des risques. Carillion est impliqué dans dix PPP au Canada, surtout des hôpitaux en Ontario, en Saskatchewan et dans les Territoires-du-Nord-Ouest. Deux projets d’hôpitaux sont toujours en cours.
Avec la liquidation des actifs de Carillion, on ne sait pas encore ce qui adviendra des parts et des contrats de gestion des installations que détient cette entreprise dans plusieurs PPP canadiens ou des services sous-traités qu’elle fournit. Le SCFP croit qu’il faut rapatrier les infrastructures et les services contrôlés par Carillion sous contrôle public. Selon nous, toutes les infrastructures publiques devraient être financées, entretenues, exploitées et propriétés des gouvernements. Le gouvernement britannique s’est engagé à fournir le financement nécessaire pour fournir les services publics qui étaient offerts par les employés de Carillion, ses sous-traitants et ses fournisseurs. On devrait rapatrier à l’interne les postes des 6000 employés canadiens de la compagnie et offrir à ces derniers un salaire décent et de bonnes conditions de travail.
Une piteuse feuille de route
Carillion était à la tête du consortium qui a construit l’Hôpital civique de Brampton en PPP, un projet qui, selon la vérificatrice générale de l’Ontario, aurait coûté 200 millions de dollars de moins si le gouvernement avait lui-même contracté un prêt pour financer la construction. Dans un rapport plus récent, la vérificatrice générale a conclu que les 74 projets en PPP de l’Ontario ont coûté 8 milliards de dollars de plus au Trésor public que si le gouvernement les avait pilotés lui-même.
Dans son rapport annuel rendu public en décembre dernier, la vérificatrice générale de l’Ontario concluait que les hôpitaux se font siphonner par les entreprises spécialisées dans les PPP pour les travaux d’entretien non prévus au contrat. Plusieurs hôpitaux se sont engagés dans de longs litiges avec de telles compagnies au sujet de contrats d’entretien qui ont souvent une durée de 30 ans. Le rapport ne fait pas référence à une compagnie en particulier.
Ce problème n’est pas circonscrit à l’Ontario. Le NPD de la Saskatchewan a révélé que Carillion et une autre entreprise devaient recevoir 185 millions de dollars pour un contrat d’entretien de 30 ans, soit plus de 6 millions de dollars par année, pour un hôpital PPP flambant neuf à North Battleford. À titre de comparaison, l’ancienne Autorité régionale de la santé de Prairie North a consacré 3,1 millions de dollars à la réparation et à l’entretien de tous ses hôpitaux et établissements.
En 2016, l’autorité responsable des soins de santé pour la région de Halton, en Ontario, se plaignait de portes qui refusaient de s’ouvrir, d’un dégât d’eau et de la lenteur du fournisseur de service à rectifier la situation au tout nouvel Hôpital Trafalgar Memorial d’Oakville. C’est Carillion qui détenait le contrat de gestion des installations, avant qu’elle vende sa participation dans l’établissement et ses droits de gestion à Fengate, une autre entreprise privée.
Carillion a participé aux PPP canadiens suivants :
- la rénovation de l’Hôpital Stanton Territorial
- l’Hôpital de North Battleford en Saskatchewan
- l’Hôpital Trafalgar Memorial d’Oakville
- le Complexe des sciences judiciaires et du coroner
- le Centre de toxicomanie et de santé mentale
- le Centre de santé régional Royal Victoria
- l’Hôpital de Sault-Sainte-Marie
- l’agrandissement de l’aile M du Centre de sciences de la santé de Sunnybrook
- le Centre de santé mentale Royal Ottawa
- le Centre de santé William Osler (Hôpital civique de Brampton)
En outre, Carillion a fait l’objet d’une enquête du gouvernement ontarien au sujet de l’épandage de sel sur les autoroutes. La compagnie détient huit contrats d’entretien hivernal d’autoroutes ontariennes, en plus de celui des autoroutes albertaines.
Une partie de poker profitable pour le privé
Les PPP font courir un risque aux services publics, parce que les activités des entreprises privées sont volatiles et imprévisibles. Les parts du privé dans les PPP peuvent changer de main, ce qui crée un effet de portes tournantes qui déstabilise les services publics. Dans le cas qui nous occupe, Carillion a fait faillite et ses parts et ses contrats d’entretien vont probablement être vendus aux enchères.
Au Canada, on a vendu des participations dans des PPP à une vingtaine d’occasions. Dans sept cas, ces parts se sont retrouvées entre les mains de compagnies établies dans des paradis fiscaux. La part du privé dans le Centre Diamond de l’Hôpital général de Vancouver a changé de main à deux reprises depuis 2007. Elle appartient actuellement à une société d’investissement sise à Guernesey, un paradis fiscal. Le gouvernement de la Colombie-Britannique est ainsi privé de recettes fiscales dont il a grand besoin.
À chaque changement de main d’une infrastructure publique, une entreprise privée réalise d’énormes profits. Une recherche européenne révèle qu’entre 1998 et 2016, le taux de rendement annuel moyen des ventes d’actifs dans les PPP a été de 28,7 pour cent, un chiffre faramineux. Dans cette partie de poker entre entreprises privées, il y a un grand perdant : le public.