Est-ce les employés de l’État ou ceux du secteur privé qui ont la meilleure rémunération? Le débat dure depuis longtemps, mais il laisse de côté un aspect crucial : les salaires et les avantages sociaux au sein du secteur public sont plus équitables que ceux du privé. Le public offre un meilleur salaire aux postes traditionnellement moins bien rémunérés. Cela entraîne de moins grands écarts dans l’ensemble, y compris pour les femmes et les minorités visibles.
Dans les faits, les gros employeurs (plus de 500 employés), au public comme au privé, offrent de bien meilleurs avantages sociaux et régimes de retraite que les petits employeurs. Au Canada, 70 % des employés de l’administration publique, des services publics de base, de l’éducation et de la santé travaillent pour un gros employeur. La proportion des employés du secteur privé est, elle, de 36 %. La plupart des employés de l’État œuvrent pour un gros employeur. Il serait donc préférable de comparer leurs avantages sociaux à ceux offerts par les gros employeurs du privé.
Malheureusement, nous ne disposons que de très peu d’information sur le coût des avantages sociaux au Canada. Il existe toutefois des données en provenance des États-Unis. Selon une récente étude du Bureau of Labour Statistics, le coût moyen des congés payés, des prestations de santé, des régimes de retraite et des autres avantages sociaux est de 9,71 dollars l’heure pour l’ensemble du secteur privé américain. Les gros employeurs privés, quant à eux, paient 16,21 dollars l’heure. C’est plus que la moyenne du secteur public, qui est de 15,92 dollars l’heure.
Plus encore, dans le secteur privé, on constate des écarts beaucoup plus grands en matière d’avantages sociaux selon le niveau professionnel et le niveau de salaire. Ce secteur est beaucoup moins généreux envers ses employés à faible revenu. Le coût moyen des avantages sociaux dans les emplois de vente et de bureau est de 6,86 dollars l’heure, près de la moitié de ce qu’il est au public, soit 12,30 dollars l’heure. De même, le privé est beaucoup moins généreux envers ses employés à temps partiel et ses employés non syndiqués.
Les rares données canadiennes suggèrent une situation similaire. Dans le système de santé public, le coût des avantages sociaux est plus bas au Canada qu’aux États-Unis , mais selon KPMG, même les organisations de taille moyenne versent environ 36 % de leur masse salariale en avantages sociaux. Les employés de petits employeurs, les non-syndiqués et les employés occupant un poste à faible revenu au privé ont droit à des avantages sociaux considérablement inférieurs. Le coût et la valeur des avantages offerts par les gros employeurs, les milieux syndiqués ou les employés mieux rémunérés se rapprochent du secteur public. La différence, c’est que les employeurs du secteur public offrent des avantages sociaux et des salaires beaucoup plus équitables à l’ensemble de leurs employés.
Les employeurs, les politiciens et les groupes de pression du secteur des affaires font campagne pour qu’on réduise les avantages sociaux dans le secteur public, prétendant que ceux-ci sont beaucoup plus coûteux et généreux qu’au privé. Or, ce que les données démontrent, c’est que les vraies inégalités dans ce domaine se situent au sein du secteur privé et non entre le privé et le public. C’est pourquoi il est si important de bonifier les protections sociales et les services publics universels, y compris les prestations de retraite publiques comme le RPC et le RRQ ainsi que les soins de santé publics. Il faut aussi créer un régime national d’assurance-médicaments. Ces mesures amélioreront le sort de tous les Canadiens, peu importe leur employeur.