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Résumé des perspectives économiques

L’économie canadienne continue de s’accroître à une cadence bien inférieure à son potentiel; en effet, il n’y a eu aucune croissance soutenue de l’emploi depuis septembre. Les réductions des dépenses publiques à l’horizon ralentiront d’autant plus la croissance au cours des deux prochaines années. 

Sur une note un peu plus encourageante, l’économie américaine se remet en selle beaucoup mieux que prévu. Il est à espérer que cette tendance se maintiendra malgré le tumulte politique qui caractérise une année électorale.

Les provinces de l’Ouest demeurent à la remorque des secteurs des ressources en émergence, cependant, la valeur élevée du dollar canadien a des répercussions sur les économies du secteur manufacturier orienté vers les exportations des provinces centrales du Canada. La croissance de l’emploi devrait reprendre lentement, et l’on devrait observer des diminutions graduelles du taux de chômage.

Les marchés du travail plus restreints dans l’Ouest devraient éventuellement mener à des augmentations salariales plus notables, après avoir connu des déclins au chapitre des salaires réels d’un bout à l’autre du pays en 2011.

L’inflation, qui s’est établie à 2,9 % en 2011 devrait de nouveau diminuer, mais tout dépend du prix mondial volatile du pétrole et des aliments.

Les taux d’intérêt demeurent à des niveaux historiquement faibles. Des taux supérieurs devraient émerger, mais on ne prévoit pas que ce soit avant la fin de cette année ou au début de la suivante, ce qui ajouterait cinquante points de base ou plus au coût d’emprunt.

Les budgets spartiates endommageront l’économie et augmenteront le chômage

Les mesures d’austérité budgétaires déposées ce printemps par les gouvernements fédéral et provinciaux ralentiront l’économie et pourraient mener à la perte de 300 000 emplois supplémentaires. Ils augmenteront également l’inégalité, les coûts pour les ménages à revenu moyen et à revenu inférieur et élimineront la croissance de l’emploi.

Le véritable de la crise se joue au niveau des ménages

L’alarmisme à l’égard du déficit du secteur public et de l’endettement est malavisé. Le véritable déficit et la crise de la dette se jouent au niveau des ménages. En dépit des augmentations récentes, le ratio d’endettement du gouvernement canadien reste considérablement inférieur au niveau atteint dans les années 1990. Compte tenu des faibles taux d’intérêt, les coûts rattachés au service de la dette représentent aussi la moitié de ce qu’ils étaient. En même temps, les ratios d’endettement des ménages atteignent des niveaux records, plus de 50 % alors que les ratios d’endettement des sociétés ont diminué de plus de 40 % depuis les années 1990.

Des mesures fiscales équitables pourraient effacer les déficits sans avoir recours à des réductions des dépenses

Les gouvernements qui prévoient pratiquer de plus importantes réductions de services publics sont aussi ceux qui ont réduit l’impôt sur le revenu des sociétés et d’autres taux d’impôts. Au Canada, les dépenses publiques sont presque hors de maîtrise, et ont atteint leur niveau le plus bas en proportion de l’économie au cours des 30 dernières années. Nos gouvernements pourraient facilement rétablir l’équilibre budgétaire sans réduire les dépenses publiques en introduisant de nouvelles mesures fiscales équitables.

La croissance de l’emploi au Canada est stagnante alors que l’économie américaine se dote d’un million et demi d’emplois

Les données sont inversées : le marché de l’emploi au Canada est stagnant alors que celui des États-Unis rebondit. En dépit des préoccupations exprimées, il n’y a aucune trace de pénurie de main-d›œuvre. Lorsqu’elle surviendra, il y aura une solution toute simple favorable aux entreprises : mieux rémunérer les travailleurs.

Les réductions des dépenses dans le secteur public toucheront aussi les travailleurs du secteur privé

Grâce en partie aux mesures d’austérité émergente dans le secteur public, les augmentations salariales ont diminué d’un bout à l’autre du pays en 2011, s’établissant en moyenne à un point complet de pourcentage inférieur au taux des conventions précédentes et de l’inflation. Compte tenu de la forte corrélation qui prévaut entre les salaires, les travailleurs du secteur privé seront également touchéspar les réductions dans le secteur public.

Le Climat économique pour les négociations est un trimestriel publié par le Syndicat canadien de la fonction publique. Veuillez communiquer avec Toby Sanger (tsanger@cupe.ca) pour toute information.  

* Veuillez noter que les mots soulignés sont des hyperliens disponibles dans la version électronique. 

Les budgets spartiates endommageront l’économie et augmenteront le chômage 

Le gouvernement fédéral du Canada et plusieurs gouvernements provinciaux sont sur le point de déposer des budgets spartiates qui prévoient des réductions importantes et continues dans les dépenses publiques, les emplois du secteur public et la fonction publique.

Le budget fédéral devrait prévoir des réductions ministérielles de l’ordre de 5 à 10 %, et une plus grande privatisation des services publics fédéraux. Bien que les détails soient demeurés dans le secret, deux études différentes ont estimé que les réductions dans les dépenses publiques entraîneront la perte de plus de 100 000 emplois.

Le gouvernement de l’Ontario devrait déposer un budget qui prévoit des réductions importantes des dépenses pour au moins les cinq prochaines années, en mettant en œuvre les recommandations de son conseiller fiscal spécial Don Drummond.  

M. Drummond a fait savoir au gouvernement qu’il devrait maintenir la croissance globale des dépenses dans les programmes à seulement 0,8 % par année. Après avoir tenu compte de l’inflation et de l’accroissement de la population, cette mesure se traduira par une réduction de 16 % dans les dépenses réelles par personne au cours des sept prochaines années et -2,5 % par année : deux fois plus important que ce qui avait été effectué lors du premier mandat de Mike Harris. Ces mesures entraîneront une réduction annuelle des dépenses de programme de plus de 20 milliards de dollars d’ici 2017-2018, ce qui se traduira par la perte de plus de 200 000 emplois dans les secteurs public et privé.

Et ce n’est pas tout. Dans son budget, la C.- B. a gelé les dépenses et les salaires dans la plupart des domaines ce qui se traduit par de véritables réductions, déduction faite de l’inflation. Le prochain budget du Nouveau-Brunswick devrait prévoir d’importantes réductions budgétaires dans la fonction publique. Celles-ci entraîneront d’autres pertes d’emplois directes dans le secteur public et dans le secteur privé, une conséquence d’une réduction des dépenses du gouvernement et des travailleurs dans les collectivités.

Le point commun entre toutes ces administrations tournées vers les mesures de l’austérité est qu’elles ont toutes récemment réduit les impôts sur le revenu des sociétés et dans certains cas sur le revenu des mieux rémunérés. Les travailleurs du secteur public et les personnes qui dépendent de leurs services font directement les frais de ces réductions de l’impôt sur le revenu des sociétés qui n’ont peu sinon aucun effet positif sur l’économie.

En revanche, les réductions des dépenses dans le secteur public auront des répercussions beaucoup plus graves sur l’économie, non seulement au chapitre de l’emploi, mais également en ralentissant la croissance économique (voir le tableau ci-dessus). Les économistes des banques indépendantes et même le FMI ont mis en garde les gouvernements en bonne situation financière, comme le Canada, que les réductions dans les dépenses publiques se répercuteront sur leurs économies – et pourraient mener aux dommages que nous observons actuellement en Europe.

Les réductions des dépenses publiques augmenteront également les inégalités, et toucheront en particulier les familles à moyen et à faible revenu qui dépendent davantage des services publics. Les femmes qui représentent 62 % de la main-d›œuvre du secteur public seront les plus touchées.

Bien que les mesures d’austérité puissent bénéficier de l’appui des plus prompts à partager le fardeau, il n’en demeure pas moins que les réductions de l’emploi et des salaires dans le secteur public entraîneront également des réductions des salaires chez les travailleurs du secteur privé (voir page 10 et 11). L’impact global se traduira par une réduction des salaires et une augmentation des coûts pour les ménages, ce qui exacerbera d’autant le fardeau de la dette (page 4).

Au lieu d’adopter des mesures d’austérité malavisées, nos gouvernements pourraient équilibrer leurs budgets de manière juste et judicieuse, sans réduire les services publics, en introduisant quelques mesures fiscales équitables (voir page 7). La vapeur se renverse – certains gouvernements risquent de retarder les réductions de l’impôt promises ou d’y renoncer –, mais aucun autre progrès ne sera réalisé sans pression de la part du public. 

Prévisions économiques provinciales et canadiennes 

La véritable de la crise se joue au niveau des ménages 

Il y a beaucoup d’alarmisme à propos du déficit du secteur public et des problèmes de dette. Les Canadiens sont mis en garde que si les gouvernements ne réduisent pas les dépenses pour éliminer les déficits et réduire les dettes, nous nous retrouverons aux prises avec une crise financière.

Mais cette préoccupation n’est pas fondée, et les solutions proposées engendreront des problèmes bien réels et encore pires : le déficit réel et la crise de la dette au Canada se trouvent au niveau des ménages.

Le tableau présenté dans le coin supérieur droit présente les déficits annuels dans trois secteurs de l’économie. Les ménages canadiens ont cumulé de façon constante plus de 350 milliards de dollars de dette depuis 2000, comparativement à augmentation de la dette gouvernementale nette de 135 milliards de dollars. En revanche, les sociétés ont cumulé des surplus excédant 560 milliards de dollars. Il s’agit d’une situation tout à fait à l’opposé de celle qui prévalait jusqu’en 1999 : de façon agrégée, les ménages réalisaient des épargnes chaque année.

Au cours de la dernière décennie, la faible croissance des salaires et le coût élevé du logement ont contraint les ménages à s’endetter jusqu’à des niveaux sans précédent. Pour leur part, les sociétés ont cumulé des surplus inégalés en liquidités, résultant des bénéfices élevés et des faibles taux d’investissement.

Cette corrélation se répercute également dans les ratios d’endettement. Depuis le début des années 1990, les ratios d’endettement des ménages ont augmenté de plus de 50 %, alors que les ratios d’endettement des sociétés ont diminué de plus de 40 %. À la suite de la récession, les ratios d’endettement des gouvernements ont augmenté au cours des dernières années, mais ils se trouvent néanmoins à un niveau inférieur de l’ordre de 20 % par rapport au sommet qu’ils avaient atteint au milieu des années 1990, selon les chiffres bruts, et à la moitié du maximum qu’ils ont atteint selon les chiffres nets. 

Par ailleurs, les coûts d’intérêt sur le remboursement de la dette sont de loin inférieurs à ce qu’ils étaient dans les années 1990. Comme le montre le tableau de la page ci-dessus à droite, le coût du service de la dette se situe à des niveaux historiquement faibles. Pour la plupart des gouvernements canadiens, ces coûts sont inférieurs à la moitié des taux qui prévalaient dans les années 1990 – ils sont tout à fait raisonnables.

Toutefois, si les gouvernements réduisent les dépenses publiques et appliquent des mesures de restriction salariale, le véritable problème de l’endettement des ménages s’aggravera, car ces mesures augmenteront les coûts pour les familles et réduiront la croissance du revenu.

La solution à ces déséquilibres s’impose d’elle-même : les gouvernements doivent rétablir des taux d’imposition sur le revenu des sociétés et les personnes à revenu élevé et utiliser les recettes pour créer des emplois, améliorer les revenus, augmenter les services publics, alléger la pression sur la dette des ménages.  

Des mesures fiscales équitables pourraient effacer les déficits sans avoir recours à des réductions des dépenses de programme

Le gouvernement fédéral du Canada et plusieurs gouvernements provinciaux mettent en œuvre d’importantes mesures d’austérité budgétaire sous forme de réduction des dépenses, prétendument pour éliminer leur déficit et équilibrer leur budget.

En même temps, ces gouvernements ont réduit l’impôt sur le revenu des sociétés et d’autres taxes, réduisant incidemment leurs recettes de plusieurs milliards de dollars par année, et ont décidé d’augmenter les taxes pour équilibrer leur budget.

En dépit de l’alarmisme qui prévaut, les dépenses publiques au Canada sont presque hors de maîtrise. En fait, avant que ne frappe la récente récession, les dépenses publiques combinées de tous les ordres de gouvernement ont chuté jusqu’au niveau le plus bas en proportion de la part de l’économie au cours des trente dernières années. Cette année, les gouvernements canadiens devraient dépenser moins par personne que les États-Unis, une situation qui se produit pour la première fois depuis de nombreuses décennies.

La mise en équilibre des budgets devrait être effectuée de manière pondérée – et ne devrait pas passer uniquement par des réductions dans les dépenses. D’autres gouvernements augmentent leurs taxes et revenus pour réduire leur déficit, et les gouvernements canadiens devraient aussi le faire de façon progressive.

Les augmentations de l’impôt, en particulier sur le revenu des sociétés et les personnes touchant des revenus élevés, entraînent de moins importantes répercussions négatives sur l’économie que des réductions des dépenses, et résultent en un moins grand nombre de pertes d’emploi (voir le tableau à la première page).

Les déficits gouvernementaux sont exagérés

Les gouvernements fédéral et provinciaux ont également exagéré leur problème de déficit, et bien souvent, très généreusement.

Le déficit fédéral pour 2011-2012 est déjà inférieur aux prévisions de l’ordre de 6 milliards de dollars, en dépit de la plus lente croissance économique. Les revenus supérieurs et les coûts d’intérêts sur la dette inférieurs réduiront les déficits des prochaines années grâce à l’atteinte de l’équilibre budgétaire d’ici 2014-2015 ou 2015-2016, toutefois, au coût de 4 à 8 milliards de dollars en réduction des dépenses. Ces réductions pourraient être évitées et les services publics pourraient être améliorés si l’on se dotait de différentes mesures fiscales équitables (voir ci-dessous). 

La situation déficitaire de l’Ontario est aussi largement exagérée par le conseiller financier de la province Don Drummond lorsqu’il affirme que le déficit de la province pourrait atteindre 30 milliards de dollars d’ici sept ans à moins que d’importantes mesures de réduction des dépenses ne soient adoptées. 

Quoi qu’il en soit, cette prévision fataliste est fondée sur l’hypothèse voulant que les recettes de l’Ontario augmenteront seulement de 3,2 % par année. Si les recettes s’accroissaient au taux plus raisonnable de 4,5 % (ce qui est inférieur aux taux historiques et cadre avec la croissance économique), le déficit de l’Ontario serait inférieur à 10 milliards de dollars d’ici 2017-2018.

Les déficits des gouvernements fédéral et de l’Ontario pourraient aisément être éliminés d’ici quelques années sans pratiquer des réductions des dépenses en introduisant des mesures fiscales équitables. Voici quelques exemples de mesures progressives touchant l’impôt et le revenu qui pourraient être adoptées. 

La croissance de l’emploi au Canada est stagnante alors que l’économie américaine se dote d’un million d’emplois
Aucune trace de pénurie de main-d›œuvre

La croissance de l’emploi au Canada est demeurée stagnante et le taux de chômage augmente depuis l’été dernier.

Au cours des cinq mois qui se sont écoulés de septembre à février, 37 000 emplois ont été perdus. Le taux de chômage a augmenté de 40 000 personnes pour passer à plus 1,4 million et le taux de sans-emploi à augmenter à 7,4 %.

Le marché de l’emploi en décrépitude au Canada se compare avec une situation qui s’est beaucoup améliorée au sud de la frontière. De septembre à février, plus de un million d’emplois ont été créés dans l’économie américaine, ce qui a réduit le taux de chômage qui est passé de 9,1 % à 8,3 %, et les réductions à la liste des sans emploi de plus d’un million.

Au cours de la même période au Canada, 40 000 emplois à temps plein ont été perdus alors que les emplois à temps partiel ont augmenté légèrement. Les gains d’emplois ont été limités aux personnes âgées de 55 ans et plus, et la plupart de ces emplois à temps partiel ont été obtenus par des femmes.   

Depuis septembre, le taux de chômage a augmenté dans tous les groupes d’âge, et il a surtout augmenté dans le groupe des 55 ans et plus, car une proportion croissante de ce groupe d’âge s’est jointe à la population active.

Dans le secteur public, l’emploi a diminué depuis septembre dernier au cours de la dernière année. La croissance de l’emploi a été plus robuste dans le secteur des ressources où 32 000 emplois ont été créés, ce qui représente une augmentation de 9,5 % depuis septembre, et dans d’autres secteurs de service (surtout privés), la création d’emploi a atteint 31 000.

Dans le secteur public, pour l’année se terminant en décembre 2011 : 

  • Plus de 5 000 emplois ont été perdus au gouvernement fédéral ce qui représente une diminution de 1,3 %.
  • L’administration publique provinciale essuie une perte de 1 200 emplois ou une réduction de 0,3 %.
  • Le paysage de l’emploi dans les gouvernements locaux a peu changé.
  • L’emploi dans le secteur de la santé et des services sociaux est en hausse de 16 000 ou 1,9 %.
  • 12 000 emplois ont été perdus dans le secteur des écoles de métier, des universités et des collèges ou une diminution de 3,1 %.
  • Dans le secteur des commissions scolaires, l’emploi est en hausse de 8 000 ou en augmentation de 1,2 %. 
  • Dans le secteur des entreprises gouvernementales comme les services publics, 7 000 emplois ont été créés ou une augmentation de 2,2 %.

Les mesures d’austérité budgétaire entraîneront des réductions de l’emploi dans le secteur public encore beaucoup plus importantes au cours des prochaines années. Des études réalisées par le CCPA et l’Association canadienne des employés professionnels ont estimé que les réductions prévues de l’ordre de 8 milliards de dollars dans le budget fédéral pourraient entraîner la perte de plus de 100 000 emplois à temps plein.

Si le gouvernement de l’Ontario s’en remet aux recommandations de la Commission Drummond, les pertes d’emploi supplémentaires en Ontario pourraient atteindre le double.

Bien peu d’autres secteurs ont échappé à la réduction des emplois depuis la fin de l’été. Dans le secteur du commerce, des finances, et de l’assurance 44 000 emplois ont été perdus et dans le domaine de l’immobilier le nombre d’emplois a diminué de 6 000, même si les profits dans ce secteur ont augmenté. Dans le secteur des services professionnels, 35 000 emplois ont été perdus et le secteur de la construction a essuyé une perte de 9 000 alors que le marché de la construction des logements résidentiels ralentit.

Dans le secteur manufacturier, le nombre d’emplois a augmenté au cours des derniers mois, mais accuse toujours un déficit de 3 000 emplois par rapport à ce qu’il était en septembre et de 41 000 emplois par rapport à ce qu’il était il y a un an.

Le secteur manufacturier continue de lutter contre les pétrodollars canadiens. 

depuis que le dollar canadien a amorcé son ascension depuis sa valeur de 62 dollars américains en 2002, le secteur manufacturier a perdu près de 500 000 emplois, comme le signale l’économiste de la Banque de Montréal Doug Porter, dont plus de 80 % ont été perdus dans les provinces centrales du Canada.

La recrudescence du prix des marchandises a mené à une augmentation du nombre d’emplois dans le secteur des ressources, mais elle est bien loin de compenser les pertes d’emplois dans le secteur manufacturier. Les bénéfices des sociétés se sont accrus, mais non pas été accompagnés d’augmentation des salaires réels.

Malgré ce que l’on attendait, la valeur plus élevée du dollar canadien n’a pas entraîné d’augmentation de la productivité en rendant l’équipement importé plus abordable. Il s’est produit exactement le contraire : la croissance de la productivité a ralenti de concert avec le fléchissement du secteur manufacturier canadien.

Au lieu d’accroître leur propre niveau d’investissement et d’emploi, les dirigeants d’entreprises et leurs groupes de démarchage mettent plutôt en garde présentement contre l’accroissement de la pénurie de travailleurs qualifiés – et utilisent cet argument à l’appui de plusieurs avantages stratégiques favorables aux entreprises.

Même si la croissance de la population et de la main-d›œuvre ralentiront éventuellement, peu de données probantes portent à penser que le Canada souffre d’un problème important de pénurie de main-d›œuvre. La récente édition de l’enquête sur les postes vacants de Statistiques Canada montre que pour chaque emploi, plus de trois personnes sont activement sans emploi (voir le tableau à droite).

S’il y avait véritablement une pénurie de main-d›œuvre, les rudiments de l’économie prêtent à penser que les employeurs rémunéreraient davantage leurs travailleurs. Nous nous retrouvons plutôt dans une situation où l’ensemble des principales mesures salariales a augmenté à une cadence inférieure au taux d’inflation. Les salaires réels des travailleurs diminuent au lieu d’augmenter – et ils sont en chute libre d’un bout à l’autre du Canada (voir la page suivante).

Cela n’a pas pour autant empêché les gouvernements d’adopter des mesures qui augmenteront le chômage en réduisant les emplois dans le secteur public ou en maintenant les salaires à un faible niveau en augmentant la disponibilité de la main-d›œuvre. Ces mesures comprennent notamment les suivantes : 

  • Rehausser l’âge d’admissibilité à la retraite dans la fonction publique, y compris à la Sécurité de la vieillesse et d’autres mesures incitatives pour maintenir les aînés à l’emploi.
  • Une refonte majeure pour rendre le système d’immigration canadien plus convivial, notamment en permettant aux employeurs d’identifier et de suivre les employés potentiels parmi les immigrants, comme l’a récemment annoncé Jason Kenney, ministre fédéral de l’immigration.  

En plus des mesures visant à aider les jeunes, les Autochtones canadiens et autres personnes sous employées à se trouver un emploi, il existe une solution beaucoup plus simple, plus juste et mieux adaptée au marché aux problèmes éventuels de la pénurie de main-d›œuvre : mieux rémunérer les travailleurs.  

Les réductions des dépenses dans le secteur public toucheront aussi les travailleurs du secteur privé

Les récents règlements salariaux montrent que l’ensemble des travailleurs, tant des secteurs public que privé, ont fait face à une diminution du salaire réel moyen au cours de la dernière année.  

Les augmentations salariales obtenues dans l’ensemble des principaux règlements conclus en 2011 se sont établies à seulement 1,8 %, de loin inférieur au taux d’inflation de 2,9 %.

La suppression des salaires dans le secteur public signifie des augmentations salariales pour les travailleurs du secteur public d’une moyenne de seulement 1,7 %, ce qui maintient également les augmentations salariales des travailleurs du secteur privé à un niveau peu élevé.

En dépit de la croissance économique, de l’augmentation des bénéfices et du taux d’inflation supérieur, les règlements salariaux des travailleurs du secteur privé ont atteint une moyenne de seulement 2,1 % en 2011, pas plus qu’en 2010.

Ce qui est éloquent par contre, c’est lorsque l’on compare ces règlements salariaux aux augmentations salariales que les mêmes travailleurs ont obtenues dans leur convention précédente.

Les conventions précédentes prévoyaient des augmentations salariales annuelles moyennes de 2,9 % chaque année comparativement à 1,8 % dans les conventions courantes. Dans chaque province et secteur de l’industrie (sauf le secteur des transports), les augmentations salariales issues des règlements étaient inférieures – et dans la plupart des cas considérablement – aux conventions précédentes (voir le tableau à droite).

La question est de savoir si les travailleurs du secteur public sont mieux rémunérés que les travailleurs du secteur privé occupant des emplois comparables et elle suscite bien des débats.

Les rapports produits par les groupes de démarchage du milieu des entreprises alléguant que l’ensemble des travailleurs du secteur public sont surrémunérés ont été utilisés pour émousser le ressentiment à l’égard des travailleurs du secteur public et pour susciter l’appui du public à l’égard des gels salariaux, des concessions et de l’externalisation – bien que les résultats aient été discrédités.

Le fait demeure que dans l’ensemble, les salaires moyens sont très semblables lorsqu’on le compare des professions analogues; toutefois, la rémunération du secteur public est beaucoup plus équitable, caractérisée par des salaires supérieurs pour les emplois moins bien rémunérés et une rémunération moins excessive pour les emplois mieux rémunérés (voir le rapport du SCFP intitulé Lutte des salaires).

Ce que l’on ignore souvent est le fait qu’il existe une forte corrélation entre les augmentations de salaire dans le secteur public et le secteur privé comme le montre le tableau de gauche. Les augmentations salariales inférieures chez les travailleurs du secteur public se traduisent par des augmentations salariales inférieures chez les travailleurs du secteur privé, et inversement.

En effet, lorsque le sous-ministre adjoint des Finances a témoigné devant le tribunal au sujet de la Loi sur le contrôle des dépenses, il a affirmé que l’un des principaux objectifs stratégiques de la Loi sur le contrôle des dépenses salariales du gouvernement fédérale était de « réduire la pression excessive vers le haut sur les salaires du secteur privé ».

Certaines études ont également montré une forte corrélation entre les salaires des secteurs public et privé, et aussi que l’élimination d’emplois dans le secteur public réduit la croissance salariale dans le secteur privé. Ces résultats ont été utilisés par les décideurs pour militer en faveur de mesures de compression salariale dans le secteur public. Ils prétendent que la diminution des augmentations de salaire dans le secteur public contribuait non seulement à réduire les déficits gouvernementaux, mais également à accroître la capacité de concurrence en réduisant la croissance salariale touchant les travailleurs du secteur privé.

Cette approche est tout à fait malavisée. Nos économies souffrent d’un manque de demande, et non d’un manque de concurrence attribuable à des augmentations salariales.

Les salaires réels des travailleurs ont diminué d’un bout à l’autre du pays. Les faibles augmentations salariales viennent exacerber le problème de la dette plus général que sont les taux record d’endettement des ménages, et non les déficits publics dont pourront se sortir très bientôt les gouvernements.

L’année en cours s’est amorcée par plusieurs luttes acharnées d’employeurs des secteurs privé et public qui se sont attaqués agressivement au salaire des employés. 

  • À l’usine Electro-Motive de London (Ontario), 450 travailleurs ont perdu leur emploi après avoir refusé d’accepter la réduction salariale de 50 % demandée par leur employeur qui engrange des profits élevés et bénéficie de crédits fiscaux, Caterpillar.
  • La ville de Toronto prévoit externaliser environ 1 000 emplois dans le secteur du nettoyage représenté par la section locale 79 du SCFP, après avoir externalisé les services de ramassage des ordures et d’autres services. Cela se traduira par des réductions salariales pouvant atteindre 50 % chez les travailleurs qui occupent ces emplois.
  • À Alma (Québec), l’entreprise Rio Tinto Alcan, une autre société grandement profitable, a mis en lock-out 780 travailleurs à la suite de négociations collectives où l’employeur demandait l’embauche de nouveaux travailleurs par le truchement de contrats prévoyant des salaires représentant la moitié de ceux versés – de manière à introduire un système de salaire à deux étages grandement désavantageux pour ces plus jeunes travailleurs.

Le rédacteur américain Les Leopold l’a récemment exprimé avec éloquence 

«[traduction] Est-ce que les travailleurs du secteur public touchent davantage que les travailleurs du secteur privé? Qui s’en préoccupe? Cette question stupide nous amène à nous battre pour des miettes. La véritable question est la suivante : pourquoi la plupart des travailleurs ont-ils vu leur mode de vie demeurer au même niveau au cours de la dernière génération? »

Les relations de travail au cours des prochaines années détermineront si la prochaine génération de travailleurs sera confrontée non pas seulement à un phénomène de stagnation, mais aussi à une diminution ou amélioration du niveau de vie.