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Le budget déposé en juin par le gouvernement Harper est, à pratiquement tous les égards, un copier-coller de celui déposé il y a deux mois et demi, en mars dernier. Mis à part l’ajout de 2,2 milliards de dollars pour l’harmonisation des taxes de vente au Québec et l’élimination du financement gouvernemental des partis politiques fédéraux, ce budget ne propose rien de neuf – et c’est là où réside le problème.

Bien que le budget enchâsse quelques mesures positives, dont plusieurs avaient été proposées par le NPD – notamment la bonification des prestations de SV versées aux aînés et la réintroduction de mesures incitatives à la rénovation énergétique des logements –, elles sont éclipsées par tout ce qui y est négatif ou carrément absent.

La mesure la plus préoccupante est la compression des services publics offerts aux Canadiens à la hauteur de 5 milliards de dollars, laquelle compression devient nécessaire pour financer les plus de 6 milliards de dollars consentis en réductions d’impôts aux grandes entreprises. Ce sont surtout les banques, les sociétés financières et les compagnies pétrolières – déjà très rentables – qui en bénéficieront. Lorsqu’on sait que les investissements publics sont six fois plus efficaces que les réductions d’impôts des sociétés pour stimuler l’économie et créer des emplois, ce type de compromis mettra en péril une économie déjà vulnérable et n’apportera aucun bénéfice aux millions de Canadiens qui sont au chômage ou peinent à boucler leur budget familial.

Au cours des deux dernières années, Stephen Harper, à la tête d’un gouvernement minoritaire, a été forcé d’introduire des mesures positives pour surmonter la crise économique. Maintenant que le gouvernement Harper est majoritaire, nous devons nous attendre à d’autres des mêmes politiques caractéristiques d’une économie en faillite qui nous ont menés droit vers l’actuelle débâcle économique.

Que contient le budget? Commençons par quelques bonnes nouvelles, principalement des mesures incluses à la suite des pressions exercées par le NPD avant le déclenchement des élections :

  • La bonification du Supplément de revenu garanti (SRG), prévoyant une nouvelle prestation complémentaire pouvant atteindre 600 dollars pour les aînés à faible revenu vivant seuls et 840 dollars pour les couples d’aînés à faible revenu. Cette mesure est similaire à celle qui figurait dans le budget de mars. Cependant, elle fournit beaucoup moins que ce dont les aînés ont besoin pour vivre leur retraite dignement et un fort taux de récupération est associé à cette mesure. Il s’agit néanmoins d’un petit pas dans la bonne direction.
  • L’injection de 400 millions de dollars pour reconduire le programme écoÉNERGIE Rénovation – Maisons pendant douze mois. Cette mesure aussi avait été proposée par le NPD et annonce donc le retour d’un programme populaire que les conservateurs ont abandonné l’an dernier. Cependant, les conservateurs ne s’engagent pas au-delà d’un an.
  • La création de programmes axés sur la recherche et l’innovation et de programmes d’éducation postsecondaire. La majorité de ces programmes viseront à faire la promotion de l’économie numérique et à financer des subventions. Cependant, très peu de nouveaux fonds y sont investis. Ces programmes seront financés principalement en réduisant de 250 millions de dollars les budgets d’autres programmes relevant de Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Les budgets de commercialisation des universités et collèges seront également bonifiés.
  • Une prolongation limitée du projet de travail partagé et d’autres projets-pilotes de l’assurance-emploi. On y trouve également un crédit ponctuel à l’embauche pour les petites entreprises pouvant atteindre 1000 dollars, au titre de la hausse des cotisations d’assurance-emploi, mais tous les autres devront composer avec les hausses des cotisations d’assurance-emploi imposées par les conservateurs.
  • Aucune réduction du facteur de progression de six pour cent par année sur les transferts canadiens en santé. M. Harper s’est engagé à maintenir ce facteur à l’instar des autres chefs de parti durant la campagne électorale.

Cela résume grosso modo les mesures positives que contient le budget. Par contre, les mesures négatives ou absentes y sont carrément plus nombreuses que ces quelques mesures positives saupoudrées ici et là.

  • Même si 80 pour cent de la population canadienne s’oppose à d’autres réductions d’impôt pour les entreprises, les conservateurs se sont entêtés et ont refusé de revenir sur leur décision de réduire davantage les impôts des sociétés canadiennes. Les réductions consenties par le gouvernement Harper coûteront au fisc fédéral plus de 6 milliards de dollars par année sous la forme d’une baisse des recettes fiscales, et la part du lion de ce montant – plus de 2 milliards de dollars par année – bénéficiera à des banques, des sociétés financières et des compagnies pétrolières déjà rentables ainsi qu’à leurs hauts dirigeants déjà très bien rémunérés.
  • De plus, les Canadiens ordinaires feront les frais, à la hauteur de 2,2 milliards de dollars, des politiques fiscales régressives introduites par les conservateurs dans ce budget. Cela correspond au montant promis par M. Harper durant la campagne électorale pour compenser le Québec pour l’harmonisation de sa taxe de vente. Rappelons que l’Ontario et la Colombie-Britannique ont reçu 4,3 milliards et 1,6 milliard respectivement après avoir harmonisé leur taxe de vente avec la TPS.
  • La seule autre nouvelle mesure qui ne figurait pas dans le budget déposé en mars est la concrétisation du souhait de longue date de M. Harper d’éliminer le financement gouvernemental des partis politiques fédéraux. Cette mesure aidera le Parti conservateur à bien s’implanter comme le parti au pouvoir et nuira grandement au fonctionnement des plus petits partis.
  • Bien que la bonification des transferts en santé soit louable, une plus grande part de ces deniers publics affectés à la santé serviront à gonfler les profits d’entreprises privées dans le secteur des soins de santé. M. Harper a clairement déclaré en campagne électorale qu’il voulait voir les provinces recourir davantage à un autre mode de prestation des services, c’est-à-dire à la privatisation des soins de santé.
  • On trouve également dans ce budget de nouveaux crédits d’impôt si chers à M. Harper. Mentionnons notamment de nouveaux crédits d’impôt pour les activités artistiques des enfants, pour les pompiers volontaires, pour les frais d’examen et pour les aidants naturels. Ces crédits d’impôt ont belle figure sur papier et peuvent sembler utiles, mais, en réalité, ils ajoutent à la complexité du système fiscal et créent du travail pour les comptables. Dans les faits, un crédit d’impôt de 500 dollars se traduit par une baisse maximale de la facture d’impôt de l’ordre de 75 dollars. Ces crédits d’impôt avantagent donc davantage ceux qui en ont le moins besoin et ne contribuent aucunement à accroître l’offre de services. Il serait beaucoup plus efficace d’augmenter les dépenses publiques dans ces secteurs. Même un institut de politiques de droite a récemment critiqué la « boutique fiscale » de M. Harper.
  • Rien n’est prévu dans ce budget pour réduire la pauvreté, lutter contre le sans-abrisme, améliorer les services de garde à l’enfance ou aider les collectivités à financer leur réseau d’eau potable ou se conformer aux nouvelles normes fédérales en matière de traitement des eaux usées. On y trouve très peu pour les collectivités autochtones, à peine quelques millions pour le remplacement de réservoirs de carburant et les services de police des Premières nations.
  • Encore une fois, les conservateurs ont décidé de faire fi des changements climatiques : le budget fait était d’une modification mineure qui a pour effet de réduire quelques subventions à caractère fiscal pour l’exploitation des sables bitumineux, mais ces réductions sont bien inférieures aux subventions totalisant plus de 1 milliard de dollars que reçoit cette industrie et c’est beaucoup moins que les 700 millions de dollars et plus que les industries du pétrole, du gaz et des mines économiseront en impôt grâce à M. Harper.
  • Également absent du budget est le moindre engagement ferme à assurer la sécurité de la retraite de l’ensemble des Canadiens en bonifiant les prestations du Régime de pensions du Canada et le Régime des rentes du Québec (RPC/RRQ). Toutes les provinces à l’exception de l’Alberta avaient donné leur appui à un plan visant à doubler les montants versés en prestations par le RPC, mais M. Harper a enfin choisi d’en faire fi après avoir subi des pressions des banques et des grandes entreprises qui ne voulaient pas perdre le magot qu’elles génèrent en profits dans l’industrie des REER.
  • Les villes et collectivités canadiennes font face à une facture totalisant au bas mot 120 milliards de dollars pour moderniser leur infrastructure municipale, mais elles ne disposent que des recettes régressives provenant de l’impôt foncier pour la payer. Les conservateurs auraient réaffecté une plus grande part des recettes fiscales fédérales pour venir en aide aux municipalités, mais ils se sont limités à formuler de vagues promesses concernant un plan à plus long terme. Entre-temps, le soutien fédéral de l’infrastructure publique diminuera au cours des quelques prochaines années et le gouvernement Harper intensifiera les pressions exercées sur les municipalités pour qu’elles privatisent des services et concluent des partenariats public-privé.
  • Ce budget ne propose aucune véritable mesure de création d’emplois pour les 1,4 million de chômeurs canadiens et les nombreux autres Canadiens à faible revenu qui peinent à faire face à la hausse du coût de la vie. Au contraire, l’élimination progressive des mesures de stimulation économique sur une courte période ainsi que la compression massive des dépenses publiques auront pour effet de gonfler les rangs des chômeurs.

Dans ce budget, M. Harper réitère sa promesse électorale d’éliminer le déficit un an plus tôt que prévu par rapport à ce que son gouvernement envisageait précédemment, sans toutefois vraiment expliquer comment il compte s’y prendre. Ce que nous savons est que le gouvernement conservateur prévoit réduire les dépenses engagées dans les programmes fédéraux de l’ordre de 5 milliards de dollars par année et que les ministères fédéraux ont reçu la demande de préparer des budgets prévoyant des compressions variant entre cinq et 1dix pour cent.

Avant de remporter leur majorité au terme de la dernière élection, les conservateurs ont été prudents, affirmant que tous les emplois éliminés dans la fonction publique le seraient par attrition. Ils n’ont jamais expliqué qui assurerait ces services publics une fois des fonctionnaires partis à la retraite. Maintenant, le nouveau sbire de M. Harper, Tony Clement à la tête du Conseil du Trésor, a avoué que de nombreux programmes entiers seront éliminés. Cependant, nous ne savons toujours pas quels programmes seront abandonnés ou quand ils le seront.

Le fait que le gouvernement Harper a été réélu en partie grâce à son image de bon gestionnaire de l’économie est troublant. Des études économiques indiquent que notre croissance économique a été presque entièrement attribuable à des mesures publiques de stimulation de l’économie et à la hausse des dépenses de consommation. À la lumière des compressions des dépenses gouvernementales, d’un taux d’endettement élevé des ménages, d’une lente reprise de l’économie, d’une faible croissance des salaires et des difficultés qu’éprouvent nos partenaires commerciaux, notre économie demeure très vulnérable. Les entreprises n’investiront pas leurs liquidités excédentaires si personne n’a les moyens d’acheter leurs produits.

Les deux dernières années auraient dû nous servir d’avertissement contre les politiques économiques néoconservatrices de stimulation de l’offre qui nous ont plongés dans une crise financière et économique. Ces politiques ont plutôt créé de grands déficits (gonflés par des réductions d’impôt et des dépenses militaires) et M. Harper, maintenant fort de son nouveau statut majoritaire, a enfin le prétexte et le pouvoir de couper dans les services publics et de continuer à miner le rôle constructif du gouvernement du Canada.

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Un budget remâché qui n’offre rien de neuf aux travailleurs canadiens