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Un message de Paul Moist et Claude Généreux sur la crise financière

Confrères et consœurs du SCFP,

Comme beaucoup d’autres, nous avons suivi de près les troublants événements des dernières semaines sur les scènes économique et financière.

Avec nos syndicats affiliés, le Congrès du travail du Canada, d’autres alliés et des organisations syndicales internationales, nous avons, à maintes reprises, dénoncé les politiques économiques et la négligence qui ont créé un système économique inégal, insoutenable et instable. Le point de rupture est maintenant atteint et il faudra une réforme et un changement d’orientation en profondeur.

Nous continuerons à exprimer notre point de vue et à proposer des mesures à prendre. Veuillez lire la déclaration qui suit, car elle explique les bases d’un système économique et financier en profonde crise—et ce qu’il faut faire pour y remédier.

Veuillez accepter, confrères et consœurs, nos salutations solidaires.

Le président national,
Paul Moist

Le secrétaire-trésorier national,
Claude Généreux

Les marchés financiers du monde traversent une période de bouleversements inouïs. Tous s’entendent désormais pour dire qu’il s’agit de la pire crise depuis la grande Dépression des années 30.

Open Letter from Canadian Economists

Une déclaration de Ken Georgetti, président du Congrès du travail du Canada sur la crise économique

Les syndicats exigent des réponses efficaces à l’aggravation des crises financière et alimentaire de la part du FMI et de la Banque mondiale

Aux États-Unis, d’importantes banques d’investissement, sociétés d’hypothèques, compagnies d’assurance et banques « Main Street » se sont effondrées ou ont fait l’objet de prises de contrôle. De grandes banques ont fait faillite au Royaume-Uni. Au cours de la dernière semaine, les gouvernements irlandais, grec, allemand et danois se sont tous portés au secours de leurs banques en garantissant tous les dépôts. En Islande, le gouvernement a récemment assumé le contrôle des plus grandes banques du pays, qui étaient devenues des paradis fiscaux, pour tenter d’éviter l’effondrement économique.

Et le fond du baril ne semble pas atteint. Les économies de la plupart des pays industrialisés d’Amérique du Nord devraient désormais sombrer dans la récession au cours des années qui viennent.

Les investissements à grande échelle dans des produits financiers pourris ou « toxiques », jumelés à l’incertitude et au pessimisme économique et financier croissants, ont mené à un resserrement du crédit. L’emprunt devient donc de plus en plus difficile pour beaucoup d’entreprises, d’individus et même de gouvernements. Même si ce resserrement du crédit n’est pas la cause sous-jacente du ralentissement, il l’accélérera et l’aggravera.

L’économie canadienne et nos employeurs du secteur public ne seront pas épargnés. Beaucoup ont déjà constaté d’importants déclins dans la valeur de leur régime de retraite et de leurs placements. Les employeurs du secteur privé feront face à des compressions dans les dépenses et dans l’emploi, et les investissements diminueront dans certains domaines. Quant aux gouvernements, ils subiront un ralentissement ou des chutes de leurs recettes.

Ces problèmes économiques ne sont pas apparu soudainement au cours des dernières semaines, ni même au cours de la dernière année. Ils se développent depuis longtemps et leurs racines sont profondes.

Un essor insoutenable du marché du logement dans le monde entier a été alimenté et exacerbé par la spéculation et la fraude dans des volets pourtant très réglementés du secteur financier. L’effondrement qui a suivi a déjà fait perdre leur logement à des millions de personnes, qui sont maintenant désespérément endettées dans le pays le plus riche au monde. L’essor dans le logement et la chute qui a suivi étaient basés sur un système économique et financier qui est devenu de plus en plus inégal, insoutenable et incontrôlable.

Des centaines de milliards de dollars ont été récoltés en profits toujours plus gros pour les entreprises canadiennes, et ces profits n’ont pas été réinvestis dans l’économie. Des dizaines de milliards de dollars ont été distribués chaque année en primes faramineuses aux financiers de Wall Street pour récompenser la spéculation et le risque excessif. Entre-temps, les travailleurs ordinaires d’Amérique du Nord luttent depuis des décennies pour obtenir des hausses salariales qui leur permettent à peine de suivre le coût de la vie.

Depuis longtemps, le SCFP et ses alliés disent aux élus, aux représentants gouvernementaux et à quiconque veut les entendre que leurs politiques économiques néoconservatrices de déréglementation, de privatisation, de baisses d’impôt, d’ententes commerciales et de compressions dans les programmes publics sont non seulement socialement injustes, mais aussi économiquement nuisibles et dangereuses.

La plupart ont fait la sourde oreille. Trop souvent, on nous taxait de naïveté économique et de frilosité devant les demandes du capitalisme financier mondial.

Aujourd’hui, nous voyons le résultat de leurs politiques économiques – et ce n’est pas joli.

Les médias du monde ont suivi avec attention le drame des faillites financières, les marchés boursiers en chute libre et le suspense de l’approbation ou non par Washington d’un plan de 700 milliards de dollars pour sauver Wall Street. En même temps, on passait sous silence les souffrances des familles de travailleurs qui ont été exploitées pour alimenter ces excès et qui se retrouvent maintenant avec la facture. Le même sort est réservé aux milliards de personnes dans le monde qui vivent avec moins de 2 $ par jour et aux problèmes d’environnement croissants de la Terre.

Il n’est pas étonnant que beaucoup se soient opposés au plan de sauvetage, consternés par la pensée que ce seraient les Américains moyens qui viendraient à la rescousse des riches financiers qui avaient eux-mêmes causé ce désastre.

Le plan de sauvetage a été adopté, atténuant quelque peu les difficultés du monde financier. Mais parce que les racines des problèmes sont si profondes, elles ne seront pas éradiquées par des solutions de dernière minute. Les mesures de sauvetage et d’urgence à court terme peuvent aider à endiguer la panique des marchés financiers et le resserrement immédiat du crédit, mais elles ne régleront pas les problèmes fondamentaux.

Elles pourraient même les exacerber si elles ne sont pas combinées à d’autres mesures pour aider « Main Street » (c’est-à-dire l’économie réelle) et à des réformes profondes de notre système financier et économique.

Les idéologues de droite et les opportunistes du monde des affaires exploitent déjà cette crise pour exiger encore plus de baisses d’impôt, de compressions dans les dépenses publiques et d’autres mesures d’urgence. Le premier ministre Harper essaiera sans doute de profiter de la situation pour imposer d’autres politiques néoconservatrices—baisses d’impôt, déréglementation, privatisation et diminution des dépenses publiques—qui sont les causes mêmes de la crise. Ce type de mesures aggravera considérablement la situation économique.

Plus que jamais, nous devons nous opposer avec vigueur à leurs politiques et profiter de chaque occasion pour promouvoir des mesures qui assureront une plus grande stabilité économique et une meilleure qualité de vie pour tous.

Voici quelques exemples de telles mesures :

Re-réglementation de l’industrie financière. Il faut une réglementation beaucoup plus stricte de l’industrie financière pour protéger les placements et les régimes de retraite des Canadiens ordinaires et pour rebâtir la confiance en notre système financier. Une réglementation plus stricte et une réforme fiscale sont aussi nécessaires pour réduire l’incitation à la spéculation et à la fraude qui ont alimenté ce cycle d’expansion et de ralentissement (boom and bust), créant ainsi une économie instable tout en accordant des milliards de dollars de bénéfices aux plus riches. Tous les yeux sont rivés sur les États-Unis, mais il ne faut pas oublier que les caisses de retraite du Canada se sont fait vendre pour plus de 13 milliards de dollars de placements dans des papiers commerciaux adossés à des actifs pourris, dont la valeur devrait chuter du quart et peut-être de moitié. Et ce n’est que la pointe de l’iceberg. Les caisses de retraite canadiennes ont maintenant perdu plus de 100 milliards de dollars dans l’effondrement des marchés financiers.

Réponse proactive au ralentissement économique. Le premier instinct des gouvernements devant un ralentissement économique et des recettes plus faibles pourrait être de réduire les dépenses et les services publics pour empêcher un déficit. Tous les économistes raisonnables s’entendent pour dire que ce serait exactement la chose à ne pas faire et que cela aggraverait encore davantage la situation économique. Les gouvernements doivent plutôt maintenir et accroître les services publics, tant pour protéger les familles que pour éviter un ralentissement encore plus prononcé de l’économie. Pendant des périodes difficiles, les services publics que fournissent les membres du SCFP sont encore plus importants.

La plupart des gouvernements canadiens ont amélioré leur santé financière pendant la dernière période d’expansion; ils ont ainsi la capacité de faire des déficits d’une manière contracyclique intelligente pendant un ralentissement économique. La réduction des taux d’intérêt par la Banque du Canada sera moins efficace cette fois-ci. Les gouvernements doivent donc plutôt se tourner vers la politique fiscale pour stimuler l’économie. Il a été démontré que les baisses d’impôt n’ont que peu d’effets positifs. Il faut investir dans notre avenir (voir-ci-dessous) et améliorer les programmes existants qui aident ceux qui seront le plus durement touchés par le ralentissement : hausser les prestations d’assurance-emploi, améliorer et moderniser l’aide sociale et bonifier les régimes de retraite publics.

Investir dans notre avenir. Malgré des profits et des surplus record, les entreprises et les gouvernements canadiens n’ont pas investi suffisamment dans l’économie du Canada au cours des dernières années. En conséquence, notre productivité a chuté et notre infrastructure publique s’est détériorée. Ils ont plutôt compté sur les consommateurs afin que ces derniers augmentent leurs dépenses et leur niveau d’endettement pour assurer la croissance de l’économie. Cette stratégie a maintenant atteint un point de rupture. Nos gouvernements doivent faire preuve de leadership dans la consolidation de notre économie en prenant les mesures suivantes : accroître le financement pour rebâtir notre infrastructure publique, en insistant particulièrement sur l’efficacité énergétique, l’énergie renouvelable et les investissements verts; élaborer des stratégies économiques pour reconstruire nos industries, particulièrement dans les secteurs manufacturier et forestier; et investir dans les gens, en améliorant les soins de santé publics, la recherche et le développement et l’éducation, y compris l’éducation de la petite enfance.

La récente prospérité économique, bien qu’inégale et insoutenable, a quand même apporté des avantages, surtout pour la croissance économique et l’augmentation des recettes des gouvernements. Le SCFP a travaillé fort pour améliorer les salaires, les avantages sociaux, les régimes de retraite, les normes en milieu de travail et la sécurité d’emploi. Nous avons fait des progrès, mais pas autant que ce méritent nos membres.

Avec l’appui de la population, nous nous sommes efforcés de maintenir et d’étendre les services publics, non pas simplement parce qu’ils assurent des emplois à nos membres, mais aussi parce qu’ils sont le ciment de nos collectivités et qu’ils renforcent notre société et notre économie.

La route économique sera désormais plus cahoteuse, pour quelques années du moins. Les négociations seront plus difficiles et les pressions augmenteront pour que les services publics soient réduits.

Pendant cette difficile période économique, la valeur de l’adhésion à un syndicat et du travail en solidarité avec d’autres pour protéger les emplois et le niveau de vie et pour bâtir un meilleur système économique sera de plus en plus claire.

Nous devons nous tenir debout, voir le contexte de façon réaliste, mais aussi faire savoir clairement à nos élus que leurs politiques néoconservatrices ont échoué. Il est temps de bâtir un meilleur avenir basé sur une économie plus juste et plus viable.

Toby Sanger, Économiste principal du SCFP