pour un
Mémoire sur les médicaments dordonnance
présenté au
Comité permanent de la Chambre des communes sur la santé
par
Stan Marshall Agent de recherche principal Syndicat canadien de la fonction publique
Ottawa Le 9 octobre 2003
Bonjour.
Mon nom est Stan Marshall. Je suis agent de recherche principal au Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP). Je tiens à remercier le Comité permanent de la santé de me fournir loccasion daborder les importantes questions relatives aux médicaments dordonnance.
Le SCFP représente environ 525 000 membres de la fonction publique dans lensemble du Canada. Une personne sur 60 au Canada est membre du SCFP et un pourcentage encore plus élevé de Canadiennes et de Canadiens comptent au moins un membre du SCFP dans leur famille. Il va sans dire que laccès aux soins de santé en général et à des médicaments dordonnance à coût abordable en particulier revêt une importance vitale pour les membres du SCFP et leurs familles.
Ce matin, jaimerais faire le lien entre le coût croissant des médicaments dordonnance et la nouvelle réalité à laquelle sont confrontés les travailleurs et les travailleuses dans leurs lieux de travail lorsquils tentent de sassurer, tant pour eux-mêmes que pour leurs familles.
Laugmentation des prix
Tout le monde sait que le prix des médicaments a connu une hausse astronomique au cours de la dernière décennie. En 1997, le coût des médicaments dépassait celui des services des médecins en proportion des dépenses totales en santé. Cette dépense en santé était celle qui augmentait le plus rapidement. En 2001, les dépenses consacrées aux médicaments dordonnance étaient passées à 15,2 % des dépenses totales en santé, ou à environ 15,5 milliards de dollars. De nombreux experts de lindustrie prédisent que le prix des médicaments continuera de monter en flèche à raison de 15 à 20 % dans les années qui viennent.
Les implications pour les travailleuses et les travailleurs
Ce que lon sait moins, et que lon comprend moins, ce sont les conséquences de ces augmentations pour les travailleuses et les travailleurs ordinaires syndiqués ou non. Laugmentation du prix des médicaments rend extrêmement difficile la négociation dassurances pour les travailleuses et travailleurs. Les employeurs font pression sur eux pour tenter de réduire le coût total de la rémunération. Et bien que les employeurs paient incontestablement plus cher les médicaments, ils transfèrent aussi une portion grandissante de ce coût aux travailleuses et travailleurs.
Les implications de ce transfert sont importantes. Plus vous vous éloignez du principe de la couverture au premier dollar pour les médicaments, plus vous imposez des choix forcés et souvent inacceptables : se procurer ou non des médicaments dordonnance.
De nombreuses études montrent que, trop souvent, des personnes et des familles ne peuvent pas supporter tout le fardeau du délestage des coûts. Une étude menée auprès de personnes âgées par la Kaiser Foundation aux États-Unis conclut quun quart des aînés, peu importe leur assurance-
médicaments, choisissent de ne pas remplir leurs prescriptions ou omettent des doses pour faire durer leurs prescriptions. Cette proportion dépasse le tiers si elles nont aucune protection du tout.
Ces choix sont imposés par une nécessité économique. Dans ce cas, la population étudiée était composée de personnes âgées, mais la situation ne serait sans doute pas différente si létude avait porté sur des familles monoparentales ou des familles dont les régimes dassurance-médicaments exigent un partage de coûts significatif. Létude Kaiser a conclu que les personnes qui avaient de meilleurs régimes dassurance-médicaments étaient moins susceptibles davoir des comportements en matière dachat de médicaments nuisibles pour leur santé.
Bien sûr, ne pas remplir une prescription ou omettre des doses peut avoir des conséquences importantes, car la maladie cardiaque, le diabète et lhypertension peuvent saggraver. En fin de compte, les économies réalisées en transférant les coûts aux employées et employés sannuleront parce les dépenses en santé que doivent assumer les gouvernements pour les troubles médicaux mal traités augmenteront.
À un niveau sociétal, tous les gouvernements cherchent à restreindre les dépenses en santé. Malheureusement, parce quils ne se sont pas attaqués de front au dossier du coût des médicaments, ils veulent réduire lensemble des coûts en santé par la privatisation et la sous-traitance du travail du secteur public du travail qui offre de meilleurs salaires et avantages sociaux lorsquil est exécuté par le secteur public. Ainsi, parce quelle a tendance à mener à des emplois sous-traités et marginalisés moins bien payés, laugmentation du coût des médicaments a des répercussions indirectes dangereuses pour la santé et le bien-être des travailleuses et des travailleurs.
Négocier pour sa santé
Les travailleuses et les travailleurs ont toujours su que des régimes dassurance-maladie complémentaires, dont des régimes dassurance-médicaments et de soins dentaires, sont une partie essentielle de lensemble des avantages sociaux. Ils cherchent donc à obtenir ces avantages à la table de négociation partout dans le monde.
Les possibilités de protections offertes en matière de médicaments incluent maintenant une variété doptions. Jen énumère quelques-unes ici, des meilleures aux pires.
Les meilleurs régimes sont offerts à 100 pour cent par lemployeur et payés selon des formulaires qui sont déterminés conjointement par le processus de négociation. Toutefois, différents autres régimes, de qualité inférieure, navantagent pas autant les employées et employés. Certains régimes exigent des employées et employés une participation aux coûts ou des franchises, ou encore le partage du coût des primes. Certains offrent des avantages flexibles en vertu desquels les employées et employés doivent choisir leurs protections. Dernièrement, les employeurs se sont mis à proposer des comptes de soins de santé ; les employées et employés
reçoivent un certain montant dargent pour leurs soins de santé et, lorsquils lont dépensé, ils doivent assumer eux-mêmes les coûts additionnels. Avec cette méthode, lemployeur se dégage entièrement de toute responsabilité en matière de protection valable. Il sagit strictement dune mesure déconomie. En labsence dun régime offert par lemployeur, les employées et employés doivent acheter une assurance privée et payer eux-mêmes les primes.
Le pire des scénarios, cest labsence de régime offert par lemployeur et lincapacité de lemployée ou employé de se payer des primes dassurance privée ; la personne se retrouve alors sans assurance du tout. Fait intéressant, certains analystes dans le domaine des assurances croient quil pourrait ny avoir, à lavenir, aucune protection ou du moins aucune qui soit fournie par lemployeur.
Toutes ces possibilités ne sont pas tout simplement laissées au choix de lemployée ou de lemployé. Les options sont le fruit des relations employeur-employés et ceux et celles qui sont en position de force obtiennent habituellement de meilleures protections ; autrement dit, sils ont un syndicat, ils sont plus susceptibles dêtre mieux protégés que les autres qui sont non syndiqués. Toutefois, ce sont les employeurs qui ont le pouvoir disproportionné, dans la relation demploi, deffectuer des changements négatifs qui coûtent cher aux employées et employés et qui ont des répercussions sur les dépenses en santé dans lensemble du système. Et cette situation est particulièrement vraie pour les travailleuses et les travailleurs non syndiqués.
Laugmentation du coût des médicaments exerce une pression énorme sur la capacité des travailleuses et travailleurs de négocier ce type davantages sociaux. À mesure que le coût des médicaments augmente et que les employeurs cherchent à diminuer leur part de ce coût, nous pouvons nous attendre à des conflits de travail plus nombreux, car les travailleuses et les travailleurs devront négocier des protections tangibles importantes pour eux-mêmes et leurs familles.
VERS DES PISTES DE SOLUTION
Nous devons chercher des solutions dans plusieurs directions. Certaines des recommandations de la Commission Romanow sont pertinentes, comme le transfert aux provinces lié à limpact catastrophique du coût des médicaments et létablissement dune Agence canadienne du médicament pour « évaluer les médicaments actuels et nouveaux » et « négocier et limiter les prix des médicaments ». Toutefois, ces mesures seront inefficaces si nous navons pas la volonté politique dapporter dautres changements dabord.
La Loi sur les brevets
Dabord et avant tout, la Loi sur les brevets doit être modifiée pour permettre un accès plus rapide des médicaments génériques aux marchés. Lactuelle protection de vingt ans a fait grimper lensemble des dépenses en santé et menace la santé et le bien-être des Canadiennes et des Canadiens. Les fabricants de médicaments dorigine et leurs actionnaires ont un retour
disproportionné pour lavantage quils procurent. En effet, on pourrait soutenir que lactuelle protection des brevets constitue une perte nette pour la population canadienne.
Il est temps de remettre en vigueur « lhomologation obligatoire » afin de faciliter des changements qui permettront de réduire le coût des médicaments. Lhomologation obligatoire donne aux médicaments génériques un accès plus rapide aux marchés pourvu quune licence soit achetée de façon à indemniser le titulaire dun brevet. Le Dr Aidan Hollis fait le lien entre des soins de santé financés par les deniers publics et lhomologation obligatoire dans le Journal de lAssociation médicale canadienne (octobre 2002.) Le Dr Hollis souligne que lhomologation obligatoire « transfère le pouvoir en matière de prix du titulaire de brevet au gouvernement », mais permet néanmoins au titulaire de brevet de conserver son droit de faire un profit.
Par une demande dinjonction, la protection de brevet de vingt ans peut être prolongée dau moins deux ans et souvent davantage, selon la durée du litige. Cette pratique douteuse doit être éliminée. Elle ne sert à rien dautre quà protéger les profits et les parts de marché.
La pratique de lajout de brevets à la liste doit aussi prendre fin. Les demandes de brevet pour de légères variations du même médicament avec, dans de nombreux cas, très peu davantages mesurables pour les patients, vise tout simplement à protéger le marché contre les équivalents génériques. Il en résulte une augmentation des coûts pour la population canadienne.
Ces échappatoires légales doivent disparaître.
Létablissement du coût en fonction du produit de référence
En 1995, la Colombie-Britannique a entrepris une importante expérience pour maîtriser le coût des médicaments. Le gouvernement a mis en uvre le Programme de référence des médicaments (Reference Drug Program ou RDP) pour réduire les coûts tout en maintenant la couverture au premier dollar pour cinq classes de médicaments. Cette mesure fonctionne parce que seul le coût du médicament le moins cher est couvert dans les cas où plus dun médicament sest avéré efficace pour le trouble traité.
Dici la fin de 2003, le RDP aura permis au gouvernement de la Colombie-Britannique déconomiser plus de 352 millions de dollars et plusieurs évaluations indépendantes du programme indiquent quil ny a eu aucun effet indésirable pour la santé.
Alors pourquoi ne pas adopter ce programme à léchelle du pays ? Tout simplement parce que les fabricants de médicaments dorigine sy opposent férocement. En effet, leurs profits chutent avec lutilisation de médicaments génériques moins chers.
Mis à part le lobbying entrepris par les fabricants de médicaments dorigine, lexemple du RDP en Colombie-Britannique demeure un modèle de politique gouvernementale en matière de gestion des formulaires et doit être envisagé dans toute réforme sérieuse ou mise en uvre dun programme dassurance-médicaments.
Des médicaments génériques pour lutter contre le VIH-SIDA
En terminant, jaimerais dire que nous sommes heureux que le gouvernement songe à modifier la loi afin de permettre la fabrication au pays de médicaments rétroviraux génériques pour lutter contre le VIH-SIDA en Afrique subsaharienne et dans dautres régions du monde en développement. Nous sommes convaincus que cette loi devrait aussi permettre aux Canadiennes et aux Canadiens atteints du VIH-SIDA d’avoir accès à des équivalents génériques.
Toutefois, nous constatons que le gouvernement na pas fixé de délais précis pour la mise en uvre de ces changements et quil nen a pas encore examiné les détails. Nous incitons le gouvernement à apporter ces modifications rapidement afin que les 38 millions de personnes et plus dans le monde qui sont infectées par le VIH-SIDA puissent commencer à recevoir des traitements moins chers. Cette mesure est nécessaire aussi pour permettre aux économies dévastées par le grand nombre de décès dans leur population de récupérer.
La Loi sur les brevets ne devrait pas être un bouclier derrière lequel se cachent les fabricants de médicaments dorigine pour faire des profits excessifs aux dépens de lhumanité.
Les membres du Comité permanent de la santé devraient exiger dune seule voix que cesse cette horrible hécatombe causée par le VIH-SIDA.
Nous surveillerons lévolution de vos travaux ainsi que les mesures que prendra le gouvernement.
Merci encore une fois de mavoir permis de prendre la parole devant vous. Le SCFP soumettra un mémoire plus détaillé au cours des prochaines semaines.
siepb 491/as dossier: HC-National/speakers note/oct.9/03.fr