Syndicat canadien de la fonction publique
Proposition soumise au Comité permanent des finances de la Chambre des communes
Consultation prébudgétaire, septembre 2003
Introduction
Le Syndicat canadien de la fonction publique est le plus grand syndicat du Canada. Il représente plus de 550 000 travailleuses et travailleurs canadiens, regroupés en 2 300 sections locales. Les membres du SCFP travaillent dans des collectivités urbaines et rurales à travers le pays. Nos membres sont au service de municipalités, d’hôpitaux et d’établissements de soins de longue durée, de bibliothèques d’universités, d’organismes de services sociaux, de commissions de services publics, de compagnies aériennes et d’autres institutions publiques qui offrent des services aux Canadiennes et aux Canadiens. Le SCFP soutient et défend nos collectivités depuis très longtemps et joue un rôle clé en veillant à ce que les gouvernements répondent aux besoins et aux intérêts de leurs citoyennes et citoyens.
Le SCFP est heureux d’avoir l’occasion de présenter son opinion et de discuter du prochain budget fédéral avec le Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Aujourd’hui, nous aborderons d’importantes questions qui ont une incidence sur la vie et les collectivités des Canadiennes et des Canadiens.
Nous croyons que le temps est venu d’accroître l’investissement du gouvernement fédéral dans notre secteur public. Les Canadiennes et les Canadiens ne devraient pas se voir refuser les services publics et les collectivités dynamiques auxquels ils ont droit. Le prochain budget fédéral doit être un budget qui renouvelle l’infrastructure publique et la participation démocratique.
L’économie canadienne dans un contexte mondial
Le prochain budget fédéral arrivera pendant une période d’incertitude dans l’économie internationale. Même si l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prévoit une remontée économique mondiale menée par les États-Unis, elle reconnaît aussi que le stimulus monétaire et fiscal américain est le facteur qui sous-tend cette remontée et juge qu’il est « inquiétant » (OCDE, « Perspectives économiques pour les pays de l’OCDE : Une évaluation intérimaire », 3 septembre 2003).
L’administration Bush est en train de créer un déficit sans précédent cette année pour payer les réductions d’impôts, de même que la guerre et la privatisation de l’Irak. Les travailleuses et travailleurs américains pourraient subir les pertes d’emplois les plus importantes depuis la Crise de 1929. La privatisation et la déréglementation aux États-Unis ont rendu les infrastructures vulnérables et provoqué des faiblesses économiques. Il est temps que le gouvernement canadien envisage des solutions de rechange à une stratégie d’intégration profonde aux États-Unis.
Le Canada peut être un leader dans les questions économiques et sociales. Il n’est pas nécessaire que les États-Unis soient notre guide dans ces matières. Et le gouvernement ne devrait pas non plus plier sous la pression de riches Canadiens qui veulent d’autres baisses d’impôts et moins de dépenses sociales. Notre société connaît de graves problèmes qui exigent un débat démocratique et des solutions participatives. Au mois d’août de cette année, le taux de chômage a grimpé à 8 pour cent, son niveau le plus élevé depuis décembre 2001. L’un des aspects troublants du rapport de Statistique Canada, c’est que les emplois à temps plein diminuent, alors que les emplois à temps partiel augmentent. Les plus durement touchés ont été les travailleuses et travailleurs de la santé et des services sociaux (Statistique Canada, Le Quotidien, 5 septembre 2003). Notre économie se polarise, mais nous pouvons renverser cette tendance.
Statistique Canada signale que l’économie canadienne a décliné de 0,1 % au cours du deuxième trimestre de 2003. Il s’agissait de la première diminution trimestrielle depuis le troisième trimestre de 2001, mais ces faiblesses sont attribuables à une série d’événements (SRAS, maladie de la vache folle, feux de forêts, protectionnisme américain), plutôt qu’à une menace réelle de récession. Ainsi qu’elle le signalait au début du mois de septembre 2003, l’OCDE prévoit que la croissance au Canada sera de 2,7 pour cent cette année et de 3,4 pour cent en 2004. Au cours de la dernière décennie, les Canadiennes et les Canadiens ont payé très cher pour la restructuration de l’économie canadienne. À l’évidence, nous avons les moyens économiques d’assurer un avenir plus équitable et plus sûr aux Canadiennes et aux Canadiens.
L’infrastructure publique – Notre priorité
Depuis quelques années, le Canada a dû relever d’importants défis imposés par le déclin de la qualité de notre infrastructure. Nous partageons le point de vue du gouvernement qui soutient qu’une infrastructure bien développée est un déterminant crucial d’une croissance économique durable et d’une amélioration de la qualité de vie. Nous sommes encouragés par le fait que le programme d’infrastructure du gouvernement fédéral accorde la priorité à une infrastructure municipale verte. Là où nous divergeons de la position du gouvernement, c’est dans notre soutien sans équivoque à une infrastructure publique entièrement financée par les deniers publics.
En général, on s’entend sur le fait que l’infrastructure du Canada est très insuffisamment financée, mais ce n’est pas uniquement une question de financement. Il ne suffit pas non plus d’imposer une réglementation publique sévère aux sociétés privées. À notre avis, une infrastructure moderne, inclusive et durable d’un point de vue environnemental est essentielle à la santé de nos collectivités, au bien-être de tous les habitants du Canada et à la prospérité économique, tant au Canada qu’ailleurs dans le monde.
Les défenseurs de la privatisation soutiennent que l’État ne peut pas se permettre les investissements financiers nécessaires à l’amélioration de l’infrastructure et que, par conséquent, celui-ci doit se tourner vers le secteur privé pour trouver du financement. Ils suggèrent de plus que le secteur privé peut rendre la prestation des services plus économique et que ce sont les consommateurs qui en profiteront. Enfin, ils soutiennent que les sociétés privées ont accès à un savoir-faire et à des technologies que les municipalités ne peuvent pas s’offrir.
L’analyse du SCFP aboutit à des conclusions différentes. Sur la question du financement, l’expérience a montré que le secteur public peut obtenir de meilleures conditions de financement que le secteur privé, parce que les gouvernements ont de meilleures cotes de crédit que les entreprises privées. Dans un partenariat public-privé, une partie de l’argent qui aurait pu servir à un fonds de réserve pour de futures dépenses en infrastructure ira plutôt aux profits de la société privée. Dans un partenariat public-privé, le partenaire public paie le plus souvent l’amélioration et l’automatisation, mais c’est la société privée qui profite du système amélioré. Les ententes 3P ajoutent au fardeau des finances publiques. Avec un système public, il y a de meilleures possibilités que les ressources financières servent à l’entretien et à l’exploitation, au lieu de se transformer en profits.
Quant aux économies, le système public peut éviter les perturbations qui résultent des échecs ou des prises de contrôle des sociétés dans une économie mondiale. La propriété et la gestion à long et même à court terme des entreprises privées sont souvent instables. Les municipalités qui choisissent la privatisation doivent assumer de nouveaux types de risques financiers et d’opération à cause de l’instabilité de leur partenaire privé. Aucun règlement ne peut empêcher les entreprises d’abandonner la prestation de services une fois qu’elles se sont effondrées ou si elles jugent qu’elles ne retirent pas suffisamment de profits du système.
Le système public peut adopter de nouvelles technologies, économies et pratiques responsables d’un point de vue environnemental. Le système public peut garder l’infrastructure entre des mains canadiennes et éviter le dédoublement et les coûts plus élevés qui résultent de la multiplicité des fournisseurs de services. La privatisation fragmente le système et entraîne des problèmes d’exploitation et de planification. En outre, des systèmes exploités par le secteur public assurent l’accès à des services de qualité.
Les sociétés privées ne gèrent pas toujours leurs opérations aussi efficacement qu’elles veulent bien nous le faire croire. Elles doivent payer des impôts et faire des profits, ce qui ajoute à leurs frais d’exploitation, et une société privée peut refiler des coûts cachés à son partenaire public. Par exemple, le coût de la négociation et du contrôle d’un contrat 3P est habituellement absorbé par le public.
Sur la question du savoir-faire, le secteur public peut compter sur un personnel extrêmement compétent. Par des processus d’appels d’offres concurrentielles, les gouvernements peuvent acheter le matériel et la technologie, ainsi que l’expertise voulue et assurer la reddition de compte et la participation des citoyennes et des citoyens. Dans la plupart des cas de partenariats public-privé, le contrat limite la responsabilité du secteur privé. Les services d’électricité privés, par exemple, n’ont pas le mandat de protéger l’intérêt du grand public. Ce sont des personnes morales qui existent pour maximiser les profits et les rendements pour leurs actionnaires.
.
Depuis les deux dernières décennies, nous avons été témoins de la troublante tendance vers la privatisation au Canada et ailleurs dans le monde. Les effets nocifs de la privatisation ont attiré l’attention de la Banque mondiale et du Programme de développement des Nations Unies. Des rapports récents sur les immenses investissements privés en infrastructure dans les pays en développement confirment bon nombre des problèmes que vivent les pays de l’OCDE. (Rapport mondial sur le développement humain pour 2003 – PNUD ; Banque mondiale, « La participation privée à l’infrastructure des pays en développement : tendances, impacts et leçons pour les pouvoirs publics », mars 2003). L’absence de transparence dans l’octroi des contrats et l’achat de biens publics, la difficulté de trouver du financement pour la privatisation à cause des échecs dans le marché boursier, les augmentations de tarifs qui font mal aux pauvres, et la diminution de l’obligation de rendre compte ne sont que quelques-unes des principales faiblesses que les institutions internationales ont reconnues.
L’infrastructure publique
Le budget fédéral de 2003 prévoyait 3 milliards de dollars pour les dix prochaines années. De cet argent, 2 milliards de dollars ont été alloués au Fonds canadien sur l’infrastructure stratégique. Ce montant doit être apparié par un financement des gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi que de sociétés privées. Un milliard de dollars ont été alloués aux municipalités dans le Fonds sur l’infrastructure municipale rurale. Le gouvernement fédéral souhaite accroître cet investissement à 7 milliards de dollars, ce qui signifie que nous pouvons nous attendre à voir plus de projets de partenariats public-privé en infrastructure.
Le budget fédéral de 2003 ne prévoyait pas suffisamment d’investissement dans l’infrastructure municipale, l’eau et l’environnement. Ce dont nous avions besoin l’année dernière, et ce dont nous avons besoin maintenant, c’est un engagement clair à financer l’infrastructure municipale, surtout en ce qui a trait à la gestion de la distribution de l’eau potable et du traitement des eaux usées.
Le SCFP demande au gouvernement fédéral :
· de créer un Programme national d’investissement en infrastructure environnementale, avec un investissement annuel de 6 milliards de dollars, partagé également par tous les paliers de gouvernement
· de créer une Régie nationale de l’investissement en infrastructure, avec un financement de départ de 500 millions de dollars ;
· d’intégrer les systèmes publics d’électricité à travers le pays, de développer un réseau canadien, d’assurer un approvisionnement en électricité sûr et à prix abordable et de favoriser le contrôle démocratique de nos systèmes d’énergie ;
· de privilégier les partenariats public-public en infrastructure. La coopération entre municipalités dans une région ou un comté pour acheter des biens comme des produits chimiques et de l’électricité à meilleur prix et partager les ressources pourrait réduire les coûts de façon significative et assurer le contrôle public des opérations ;
· de limiter la participation du secteur privé à la conception et à la construction de l’infrastructure, ce qui est le rôle qu’il a toujours joué. Le financement, la location, l’exploitation, l’entretien et la gestion de ces projets devraient revenir au secteur public afin de limiter les coûts pour la population et d’optimiser le contrôle public et la reddition de comptes ;
· de financer correctement les besoins en infrastructure des collectivités de tout le Canada. Les municipalités se laissent souvent convaincre d’envisager la privatisation parce qu’elles craignent les immenses coûts d’immobilisation nécessaires pour la rénovation et l’expansion de l’infrastructure ;
· de travailler avec les provinces, les territoires et les municipalités à mettre en œuvre des systèmes d’établissement du coût du cycle de vie qui tiennent compte du coût à long terme de l’exploitation, de l’entretien et de la rénovation de l’infrastructure; à fournir des subventions ou les prêts à faible taux d’intérêt pour faciliter la transition vers la comptabilisation du coût complet, qui ne devrait dépendre uniquement de frais d’utilisation ;
· de fournir aux communautés des Premières Nations une aide financière et technique spéciale pour régler les problèmes d’infrastructure aigus qu’elles vivent depuis longtemps.
L’environnement
Dans le budget de 2003, le gouvernement fédéral allouait 710 millions de dollars sur deux ans aux projets liés au changement climatique, surtout pour la technologie de développement durable.
Nous avons besoin d’un engagement beaucoup plus solide en environnement et pour la santé des Canadiennes et des Canadiens.
Le SCFP demande au gouvernement fédéral :
· de créer un Fonds de mise en œuvre de l’accord de Kyoto de 1,25 milliard de dollars chaque année au cours des sept prochaines années, afin d’assurer une formation et des indemnités aux travailleuses et travailleurs déplacés, de contribuer à atteindre les objectifs de l’accord de Kyoto, d’investir dans de nouvelles technologies vertes et de faire du Canada un leader mondial dans le domaine des industries durables ;
· de consacrer de nouveaux fonds au nettoyage des mines abandonnées et des aires contaminées, et de créer de nouveaux parcs nationaux et de nouvelles aires protégées ;
· d’élaborer de nouvelles normes en matière de conservation, d’efficacité énergétique et de durabilité environnementale à long terme.
Le logement à prix abordable
Nous savons qu’il y a une immense pénurie de logements à prix abordable au Canada. À Toronto seulement, 64 000 personnes sont inscrites sur les listes d’attente des logements sociaux. Selon le recensement de 1996, 516 000 familles avec enfants vivent dans des logements qui ont besoin de réparations majeures, sont surpeuplés ou leur coûtent plus que 30 % de leur revenu avant impôt.
En 2001, une entente fédérale-provinciale engageait le gouvernement fédéral à assurer une contribution de 680 millions de dollars en 5 ans au logement à prix abordable. Après la signature d’ententes avec chaque province et territoire, les provinces ou un tiers devront apparier le financement fédéral. Cette entente a ouvert la porte toute grande aux partenariats public-privé et aux profits dans la fourniture de logements aux personnes à faible revenu.
Le budget de 2003 accordait 320 millions de dollars en cinq ans pour compléter le Projet de logements à prix abordable, mais n’allouait que 80 millions de dollars au cours des deux premières années. Cet argent ne créera que 2 500 nouveaux logements par année dans l’ensemble du pays. Nous sommes très loin d’un programme national de logement entièrement financé et complet qui répondrait aux objectifs fixés par le gouvernement ; en effet, il en coûterait environ 2 milliards de dollars annuellement pour construire de 20 000 à 30 000 unités. Le gouvernement a aussi renouvelé son engagement envers l’actuel projet communautaire pour les sans-abri et fournit 128 millions de dollars chaque année pour la rénovation d’unités existantes pendant trois ans.
Le budget de 2003 poursuit les lents progrès réalisés par le gouvernement fédéral au cours des trois dernières années, mais la crise nationale du logement et le désastre des sans-abri se sont aggravés.
Le SCFP demande au gouvernement fédéral :
· d’accorder 2 milliards de dollars en trois ans pour la création de nouveaux logements, incluant un programme flexible de subventions pour aider les provinces et les municipalités qui travaillent avec les organisations communautaires en logement ;
· de créer un programme durable de logement social qui permettrait de construire 20 000 nouvelles unités et de rénover 10 000 logements chaque année.
L’égalité sociale
Depuis quelques années, des milliards de dollars ont été supprimés des transferts de paiements fédéraux. Avec les changements au Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS) est aussi venu l’amalgame des transferts. Des montants précis ne sont plus réservés à chaque secteur. Les provinces peuvent ainsi dépenser le financement comme elles le veulent. Il devient également plus difficile de déterminer les montants que les provinces ont consacrés à chaque secteur, ce qui diminue d’autant la transparence et la reddition de comptes au public.
Dans le budget fédéral de 2003, des militantes et des militants avaient espéré un bon versement initial pour une stratégie de réduction de la pauvreté et la création d’un programme pancanadien de garderies, ainsi qu’un certain progrès en matière de logement. Nous avons été déçus par le modeste niveau de financement qui a été accordé pendant les deux premières années critiques de la stratégie du gouvernement et par le faible accord en matière de services de garde à l’enfance.
Dans le dernier budget, le gouvernement fédéral s’engageait à verser 2,195 milliards de dollars en trois ans pour la défense et la sécurité nationale. Les Canadiennes et les Canadiens ont besoin plus que des frontières nationales sûres. Nous avons besoin de sécurité sociale. La diminution du TCSPS au fil des ans, de milliards de dollars, a durement frappé le secteur des services sociaux. La part du lion du financement du TCSPS va à la santé et à l’éducation postsecondaire, et le secteur des services sociaux se retrouve avec le financement le plus faible. À l’heure actuelle, rien n’oblige les provinces à consacrer ce financement du TCSPS à l’aide sociale et aux services sociaux.
Malgré des chiffres récents qui montrent un mouvement croissant de la population autochtone vers les centres urbains, le gouvernement n’a accordé qu’un maigre 17 millions de dollars en deux ans à un projet urbain destiné aux Autochtones.
Le taux de pauvreté infantile du Canada est l’un des pires dans les 23 pays industrialisés. Un rapport publié par Campagne 2000 (mai 2002) montre que 18,5 % ou 1,3 million d’enfants canadiens vivent dans la pauvreté. La faim chez les enfants persiste au Canada. En tant que Canadiennes et Canadiens, nous devrions être indignés, et le budget devrait s’attaquer à ce problème.
Les Canadiennes et les Canadiens sont aux prises avec une inégalité sociale croissante au Canada. Les travailleuses et les travailleurs de couleur, les personnes handicapées, les personnes des Premières Nations, les gais, les lesbiennes, les transgendéristes, toutes ces personnes doivent faire entendre leur voix, qui sont différentes de celles du milieu des affaires et qui ne seront jamais entendues si elles n’ont pas de soutien financier. Pendant que le gouvernement fédéral réduisait le financement accordé aux groupes de défense, il augmentait les subventions aux organisations comme le Conseil canadien des sociétés publiques-privées pour consolider l’appui aux 3P dans l’ensemble de la société.
Le SCFP demande au gouvernement fédéral :
· de réserver un financement spécifique à l’aide sociale et aux services sociaux afin de ramener le financement à son niveau de 1996-1997 et de tenir les provinces responsables de la distribution équitable de cet argent ;
· d’accroître les contributions de dépense à 25 pour cent des dépenses provinciales et territoriales ;
· d’établir des normes nationales en matière d’aide au revenu ;
· d’augmenter le plancher de revenu à 60 % du SFR et de l’augmenter de 75 % d’ici 2004 ;
· d’augmenter de 10 pour le Supplément de revenu garanti, et de l’augmenter de nouveau en 2004 ;
· de créer une Fondation de participation de 200 millions de dollars pour appuyer et restaurer le travail crucial des militantes et militants sociaux et des groupes de défense des droits du Canada ;
· de s’engager financièrement à favoriser la paix, la justice et le développement durable.
L’éducation de la petite enfance
Après des années de paralysie dans les services de garde à l’enfance, le gouvernement fédéral a prévu un programme national de garderies de qualité dans le budget de 2003. 935 millions de dollars seront accordés en 5 ans. Mais seulement 100 millions de dollars seront versés au cours des deux premières années, dont un maigre 25 millions de dollars la première année. Le montant s’élèvera à 75 millions de dollars en 2004-2005. Pendant la première année, à peine 3 000 nouvelles places seront créées. Ce nombre est totalement insuffisant, compte tenu du fait que la présence sur le marché du travail des mères d’enfants de tous les âges continue de croître : le taux pour les mères d’enfants de 3 à 5 ans est passé de 68 % à 73,4 % (1992-2001). Environ 3,3 millions d’enfants ont des mères qui sont sur le marché du travail.
En conséquence, la plupart des parents à l’extérieur du Québec seront toujours privés de services de garde à l’enfance. À l’heure actuelle, 40 pour cent des 600 000 places de garderie réglementées au Canada se trouvent au Québec. Environ 12 % des enfants de moins de douze ans ont accès à des services de garde.
L’entente-cadre a trait aux services réglementés. Par réglementation, on entend des programmes qui répondent à des normes de qualité, établis et contrôlés par les gouvernements provinciaux et territoriaux. Mais aucun repère n’est établi, ce qui permet aux provinces d’instaurer des normes de qualité inférieures à celles auxquelles ont pourrait s’attendre d’un programme vraiment réglementé.
Dans l’entente-cadre, les dépenses sont permises pour un éventail d’investissements, comme le financement des immobilisations et des opérations, la subvention des frais, l’amélioration des salaires, la formation, l’information des parents et l’orientation. Malheureusement, les gouvernements provinciaux pourraient continuer de financer l’information et l’orientation avec cet argent, et ne pas améliorer ni élargir les services de garde. Aucun financement n’est prévu pour les programmes destinés aux enfants de 6 à 12 ans, même si en 2001, près de 2 millions d’enfants de ce groupe d’âge avaient des mères qui faisaient partie de la main-d’œuvre rémunérée. Les études suggèrent systématiquement que les services de garde à but lucratif sont moins susceptibles d’offrir un environnement de soins de grande qualité dans lequel les jeunes enfants pourront s’épanouir.
Il n’existe aucun mécanisme de règlement des différends – une exigence de l’Entente-cadre de l’union sociale pour les ententes intergouvernementales. Aucune sanction n’est prévue pour le non-respect des normes. Rien n’exige qu’une province dépense cet argent ni qu’elle présente un rapport pour l’année où elle a reçu le financement.
Le gouvernement a augmenté la prestation fiscale pour enfants maximale à 3 243 $. Mais cette augmentation s’étend sur une période de cinq ans, et ne cible que les familles à très faible revenu. C’est encore beaucoup trop peu. Si on ne met pas fin au recul dans les augmentations de la prestation fiscale pour enfant, il n’y aura aucun avantage pour les familles assistées sociales.
Le gouvernement sait que son engagement est insuffisant. En novembre 2002, le comité de la politique sociale du caucus libéral a recommandé 1 milliard de dollars pour la première année, 2,2 milliards de dollars pour la deuxième année, 3,2 milliards de dollars pour la troisième année et 4,5 milliards de dollars pour la quatrième année, surtout pour augmenter le nombre de places et couvrir les frais d’exploitation pour les enfants de 3 à 6 ans.
L’Union européenne recommande de consacrer au moins un pour cent du PIB à des services de garde financés par l’État. Pour le Canada, 1 % du PIB équivaudrait à dépenser environ 10 milliards de dollars par année.
Le SCFP demande :
· suffisamment de financement fédéral pour mettre sur pied un système de services de garde à l’enfance pancanadien financé par l’État (de la naissance à douze ans) et entièrement inclusif, qui répond aux besoins de chaque enfant – peu importe le revenu et le statut d’emploi de sa famille, où il vit, ses capacités, sa langue ou sa culture ;
· un leadership fédéral dans l’élaboration d’une entente-cadre sociale fédérale-provinciale-territoriale, avec des services de garde à l’enfance autorisés et réglementés comme pierre angulaire des politiques « favorables à la famille » du Canada ;
· l’exigence pour les gouvernements provinciaux et territoriaux de recevoir un financement fédéral qu’ils devront dépenser directement pour l’amélioration et l’accroissement de l’accès à des garderies à coût abordable, de qualité, réglementées, sans but lucratif, universelles et inclusives ;
· l’exigence pour tous les gouvernements provinciaux et territoriaux qui reçoivent un financement fédéral destiné aux services de garde à l’enfance de maintenir ou d’augmenter leurs dépenses en services de garde et d’utiliser les fonds fédéraux pour compléter et non pour remplacer le financement provincial ou territorial destiné aux garderies ;
· des mécanismes pour assurer le contrôle et le respect des conditions des ententes fédérales-provinciales-territoriales, pour élaborer des obligations de présentation de rapports publics qui donnent des données claires sur les améliorations et les progrès réalisés, et pour mettre au point des processus efficaces de résolution de conflits.
La santé
Le gouvernement fédéral doit reconnaître le lien intégral qui existe entre l’orientation politique et le financement. Ce n’est pas avec plus d’argent mais sans leadership politique significatif que nous aurons des programmes sociaux efficaces. Le gouvernement fédéral doit accroître son financement, sans avoir recours aux partenariats public-privé.
Dans le dernier budget fédéral, le gouvernement a été fidèle à lui-même et a copié l’accord des premiers ministres conclu plus tôt dans le mois. Les provinces sont libres de consacrer les transferts en santé à des fournisseurs de soins de santé à but lucratif et à des partenariats public-privé. Ce nouveau financement, sur trois ans, n’est que de 13,7 milliards de dollars. Le nouveau financement sur 5 ans ne s’élève qu’à 29,4 milliards de dollars. En outre, le gouvernement soutient que le projet de Conseil national de la santé s’inscrit dans les nouvelles mesures de reddition de comptes, mais il n’a pas encore formé ce Conseil. Même si le gouvernement obtient l’approbation des provinces, le Conseil ne pourra pas empêcher les dépenses fédérales en santé d’être consacrées à des soins à but lucratif.
Le SCFP demande au gouvernement fédéral :
· d’élaborer des mesures pour obliger le gouvernement fédéral à dépenser les dollars des impôts pour des services fournis par l’État :
· de créer un nouveau Transfert canadien en matière de santé (TCS) dont le financement ne serait destiné qu’à des services de santé fournis par l’État et sans but lucratif – et non à la privatisation ;
· d’augmenter les dépenses en santé de 19 milliards de dollars en trois ans ;
· d’établir un nouveau plancher de financement pour le TCS de 20,2 milliards de dollars d’ici 2005-2006, ou de 25 pour cent des dépenses en santé ;
· d’intégrer tous les soins à domicile et les soins palliatifs à la Loi canadienne sur la santé ;
· de créer une Agence nationale des médicaments et un régime national d’assurance pour les médicaments d’ordonnance ;
· de veiller à ce que ces programmes soient financés à parts égales avec les provinces ;
· d’investir dans des stratégies de rétention et de recrutement du personnel qui aideront à atténuer les crises de dotation en personnel dans les soins de santé dans tout le système national de soins de santé.
De plus, nous demandons au gouvernement d’accorder une attention particulière aux déterminants plus larges de la santé et de prendre les mesures qui s’imposent pour réduire la pauvreté et l’inégalité, améliorer le logement, soutenir le développement de la petite enfance et protéger l’environnement. Ces mesures contribueraient toutes à améliorer la santé des Canadiennes et des Canadiens et, à long terme, à réduire le coût des soins de santé.
L’assurance-chômage
Les derniers chiffres indiquent que le taux de chômage a atteint les 8 pour cent et qu’il est maintenant à son plus haut depuis décembre 2001. Ce taux de chômage, le système d’admissibilité à l’AC et l’ampleur du surplus de l’AC sont une honte nationale.
En 1990, avant la « réforme » de l’assurance-chômage, 74 pour cent des travailleuses et travailleurs sans emploi recevaient des prestations. En 2002, seulement 38 pour cent des chômeuses et des chômeurs en touchaient. En outre, ces réformes ont eu des répercussions profondément négatives sur la protection assurée par l’assurance aux femmes de tous âges.
Les primes d’assurance-chômage ont diminué dans le dernier budget fédéral, tant pour les employeurs que pour les travailleuses et les travailleurs. Une nouvelle prestation de congé pour responsabilités familiales prévoit 6 semaines de congé de compassion, mais ne répond pas aux besoins en matière de programme national de soins à domicile, avec des soins palliatifs financés et fournis par l’État. De nombreux travailleurs et travailleuses à temps partiel, et de nombreuses femmes ne seront pas admissibles à cause du nombre élevé d’heures exigées.
Celles et ceux qui sont admissibles constateront que les prestations sont moins élevées et que la période de couverture a été réduite. Le système actuel, tel qu’il est interprété et appliqué par DRHC, a des répercussions particulièrement négatives pour les travailleuses et les travailleurs de l’éducation postsecondaire.
En 1994-1995, le surplus de l’AC s’élevait à 4 milliards de dollars. On prévoit que ce surplus atteindra les 50 milliards de dollars cette année. Le gouvernement fédéral a rempli ses coffres aux dépens des travailleuses et travailleurs ordinaires. Il s’est servi du surplus de l’AC pour atteindre ses objectifs de réduction du déficit, tout en payant des baisses d’impôts qui profitent aux riches.
Les travailleuses et les travailleurs doivent pouvoir maintenir et améliorer leurs compétences. Ce principe est primordial dans toute bonne stratégie d’innovation. Les Canadiennes et les Canadiens attendent du système d’assurance-chômage qu’il inclue une assurance de formation pour tous les travailleurs et les travailleuses – qu’ils soient sans emploi ou non. La première étape de l’élaboration d’un régime complet d’assurance formation de l’AC pourrait commencer dès cette année par un projet pilote pour les travailleuses et travailleurs de la santé, un secteur où les pénuries de personnel sont aiguës et où il n’existe aucun programme de formation ou d’aide pour l’amélioration des compétences.
Le SCFP demande au gouvernement fédéral :
· d’élargir la définition de l’admissibilité des travailleuses et travailleurs à l’assurance-chômage en instaurant une exigence universelle de 360 heures pour être admissible aux prestations d’assurance, exigence qui s’applique aux prestations normales, de congé de maternité, de congé de maladie et de congé parental ;
· d’augmenter la période d’admissibilité aux prestations normales d’une semaine pour toutes les 30 heures de travail, jusqu’à concurrence de 1 an ;
· d’augmenter les prestations d’AC à au moins 2/3 du salaire hebdomadaire, en fonction des 12 meilleures semaines de gains pendant les 12 mois précédents, et ce pour toutes les formes de prestations d’AC ;
· d’étendre les prestations pour congé de maladie à un an ;
· de répondre aux besoins des travailleuses et travailleurs du secteur de l’éducation postsecondaire qui, à cause de restrictions d’emploi, ne pourront pas effectuer le nombre minimum d’heures requis pour être admissibles à l’AC ;
· d’appuyer une stratégie nationale et publique de formation qui répondrait aux besoins des travailleuses et des travailleurs, jeunes et vieux, et à ceux des travailleuses et des travailleurs qui veulent faire reconnaître leurs attestations étrangères ;
· de cesser d’utiliser le surplus de l’AC pour subventionner les baisses d’impôts ;
· de créer un projet pilote dans le cadre de l’AC pour remédier aux problèmes de pénurie de compétences qui se profilent à l’horizon dans le secteur de la santé, et d’examiner des façons de transformer la formation en avantage normal de l’AC pour tous les travailleurs et travailleuses assurés.
L’éducation postsecondaire
Les étudiantes et étudiants des universités et des collèges doivent de plus en plus souvent accepter des fardeaux d’endettement impossibles ou renoncer à une éducation supérieure. Les établissements d’enseignement postsecondaire ont désespérément besoin de financement pour l’éducation et pour l’infrastructure et doivent se tourner vers la privatisation et la commercialisation. Les travailleuses et travailleurs des universités voient leur charge de travail augmenter et leur travail sous-traité.
Nous savons que l’éducation offre aux travailleuses et travailleurs l’occasion d’atteindre et d’exiger l’égalité et la justice sociale. Notre démocratie est basée sur de simples notions d’égalité, de justice sociale, de droits et de libertés. L’éducation publique est un de ces droits.
Dans le budget de l’année dernière, le gouvernement fédéral a augmenté les exemptions pour les revenus gagnés à l’école et permet une certaine réduction de dette pour le remboursement des prêts. Il a alloué un financement de recherche sous réserve de la conclusion de partenariats privés.
Le SCFP demande au gouvernement fédéral :
· de réinjecter les milliards de dollars qui ont été enlevés à l’éducation postsecondaire depuis 1993 ;
· de réduire les frais de scolarité et d’instaurer des mesures pour éviter l’endettement des étudiantes et étudiants ;
· d’établir un système national de subventions basé uniquement sur le besoin, financé à raison de 750 millions de dollars par année au cours des trois prochaines années ;
· d’adopter une loi fédérale sur l’éducation postsecondaire qui interdira la création d’établissements d’enseignement privés à but lucratif et mettra fin à tout projet qui fait appel à des partenariats public-privé ;
· de cesser de lier le financement accordé à la recherche aux dons du secteur privé et de mettre au sous-financement des conseils de recherche comme le Conseil de recherche des sciences humaines.
Les impôts
Dans le dernier budget, le gouvernement fédéral s’est engagé à augmenter le plafond des cotisations au REÉR à 18 000 $ d’ici 2006. Le budget prévoyait également éliminer l’impôt sur le capital des entreprises d’ici 5 ans.
Ces mesures ont accru les avantages fiscaux d’un système de revenu de retraite qui favorise déjà les personnes qui gagnent un revenu élevé. Elles assurent la déduction fiscale complète des cotisations sur les gains jusqu’à concurrence de 100 000 $. Compte tenu des autres priorités, il est difficile de comprendre comment on peut justifier des avantages fiscaux plus importants aux trois ou quatre pour cent des contribuables qui gagnent le plus.
Le SCFP est opposé aux baisses d’impôts. Les baisses d’impôts mènent au sous-financement des services publics, ce qui les rend vulnérables à la privatisation. Cette privatisation se fait de plus en plus par l’entremise de partenariats public-privé avec des sociétés multinationales, laissant ainsi les services publics à la merci des forces du marché.
Le SCFP demande au gouvernement fédéral :
· d’annuler les baisses d’impôts des entreprises sur trois ans afin de permettre des dépenses de programmes qui répondent aux besoins urgents des Canadiennes et des Canadiens et de combler l’écart de plus en plus large entre les riches et les pauvres du Canada ;
· d’imposer les transferts de plus de 1 million de dollars entre générations ;
· de revenir sur les changements aux gains en capital effectués depuis 2000 ;
· de mettre fin à la régressive Taxe sur les produits et services (TPS).
Conclusion
Des collectivités fortes, saines et dynamiques ne peuvent être soutenues que grâce à des services, à des programmes et à des infrastructures publics correctement financés. Le gouvernement fédéral a fait la sourde oreille aux revendications des gens ordinaires, tout en permettant aux intérêts privés et mondiaux de faire fructifier leurs entreprises commerciales. Il incombe à nos gouvernements de nous fournir des logements à prix abordable, une eau potable sûre, des garderies publiques à bon prix, l’éducation, l’assurance-médicaments et un programme d’assurance-maladie bien financé et stable.
Il est temps que le gouvernement assume ses responsabilités et cesse de promouvoir la privatisation et la destruction des services publics, une idéologie qui coûte aux Canadiennes et aux Canadiens ordinaires leur gagne-pain et leurs collectivités. Il est temps que le gouvernement joue un rôle plus actif dans le renforcement de nos collectivités afin qu’elles deviennent sûres et paisibles, et exempte de violence, de discrimination et de pauvreté, et où toutes les familles pourront s’épanouir dans la dignité.
Nous demandons au gouvernement fédéral d’agir maintenant, dans l’intérêt public, d’investir dans les services publics et l’infrastructure publique et de travailler à la création de collectivités démocratiques, fortes et desservies par le secteur public.
ad:siepb 491
S:ResearchWPTEXTECONOMYBUDGET2004CUPE pre-budget-fr.doc