Le SCFP demande au gouvernement fédéral de :
Établir un programme national d’assurance-médicaments et exclure les soins de santé des accords commerciaux, en commençant par l’AECG.
La population canadienne a besoin d’un programme national d’assurance-médicaments qui lui garantira un accès universel aux traitements, des règles de sécurité encadrant leur prescription ainsi qu’un bon rapport qualité-prix. Les médicaments d’ordonnance sont largement exclus de l’assurance-maladie. Les programmes en place sont hétéroclites; ils coûtent cher, excluent des millions de personnes et exposent la population à des pratiques déficientes en matière de réglementation et de prescription.
Tout programme national d’assurance-médicaments devrait comprendre : un régime public et universel avec couverture au premier dollar des médicaments essentiels figurant dans une liste officielle; l’achat en vrac des produits pharmaceutiques; l’évaluation et la prescription des médicaments sur la base de données probantes; le resserrement des règles sur la commercialisation des produits par les sociétés pharmaceutiques. À brève échéance, le gouvernement fédéral doit rejeter la demande de l’Union européenne en matière de protection des patients, qui se solderait par une hausse de la facture des médicaments de 2,8 milliards de dollars par an.
Un grand nombre de Canadiens n’ont pas les moyens d’acheter des médicaments essentiels et l’accès aux produits pharmaceutiques est inéquitable.
- Près de huit millions de personnes n’ont pas d’assurance-médicaments. et près d’une personne sur dix n’a pas les moyens de faire remplir une prescription, de la renouveler ou de la suivre
- L’accès aux médicaments est inéquitable; il dépend de la situation géographique et du revenu, ainsi que de l’âge, du sexe, de l’état de santé et de la situation d’emploi.
La prescription non sécuritaire des médicaments est répandue et la réglementation sur la sûreté des médicaments est déficiente. Les réactions indésirables continuent d’être une cause importante de décès au Canada.
Le gouvernement fédéral contribue au problème en faisant abstraction des préoccupations touchant l’innocuité des médicaments après leur commercialisation, en gardant secrètes des données importantes sur les essais et l’approbation des produits, et en laissant les sociétés pharmaceutiques :
- solliciter les médecins et influencer les chercheurs, exploitant ainsi les lacunes de matière de règles ;
- mener des essais cliniques contraires à l’éthique ;
- faire rédiger des articles par des prête-plume et cacher des résultats négatifs ;
- faire la promotion directe des médicaments auprès des consommateurs ;
- élargir la définition des maladies et abaisser les critères en matière de traitement ; et
- influencer indûment le mécanisme de réglementation des produits.
Santé Canada cherche à affaiblir le dispositif de réglementation et à accélérer le processus d’approbation. Selon le vérificateur général, le ministère ne publie pas ses avis de sécurité en temps opportun, retient de l’information sur les essais cliniques et n’intervient pas en cas de conflit d’intérêt.
Les Canadiens dépensent beaucoup pour les médicaments d’ordonnance, plus que nécessaire.
- Les médicaments figurent au deuxième rang des dépenses en matière de santé; celles-ci ont augmenté en moyenne de 9,4 % par an depuis 1985.
- L’expiration des brevets de médicaments vedettes et les nouvelles politiques provinciales en matière d’approvisionnement ont ralenti la progression des dépenses; toutefois, l’avènement de la médecine de pointe et des médicaments spécialisés se traduit par des coûts sans précédent. Les Canadiens continuent de payer très cher les produits d’ordonnance : leur prix dépasse de 30 % la moyenne internationale.
Un programme national d’assurance-médicaments permettrait d’améliorer la sécurité et l’accès, tout en nous faisant épargner beaucoup d’argent.
- Dans notre optique, un programme de ce genre offrirait une couverture au premier dollar pour les médicaments nécessaires, tout en favorisant leur usage sécuritaire et efficace. La prise en charge des médicaments onéreux permet aujourd’hui de payer les factures astronomiques, mais elle ne suffit pas. Nous avons besoin d’un régime public complet pour les médicaments essentiels, assorti d’un programme d’achat en vrac, d’un mécanisme de prescription et d’évaluation fondé sur des données probantes et de règles plus strictes en matière de commercialisation.
- Un régime public d’assurance-médicaments permettrait aux Canadiens d’économiser 10,7 milliards de dollars par an ou 43 % de la facture actuelle des médicaments d’ordonnance.
Le Canada est le seul pays doté d’un régime d’assurance-maladie universel qui ne rembourse pas les médicaments d’ordonnance. De nombreux pays, dont la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède, le Danemark, la Suisse, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, les prennent en charge. Il leur en coûte moins cher que le Canada pour offrir un accès meilleur et plus équitable.
Au lieu de chercher à rattraper son retard, le gouvernement canadien s’emploie ces jours‑ci à négocier un accord commercial avec l’Union européenne (AECG) qui ferait augmenter le coût annuel de nos médicaments d’ordonnance de 2,8 milliards de dollars. Les grandes pharmaceutiques prétendent que le prolongement des monopoles stimulera l’innovation; rappelons toutefois que celles-ci consacrent deux fois plus de fonds au marketing qu’à la recherche et au développement, dont la moitié du budget provient de subventions Une forte proportion de Canadiens (69 %) s’oppose aux dispositions sur les brevets de médicaments prévues dans l’AECG.
La couverture des médicaments d’ordonnance faisait partie à l’origine du projet de régime d’assurance-maladie; au fil des ans, toute une série de commissions gouvernementales et d’experts ont réclamé sa mise en place. Des provinces et des territoires s’unissent aujourd’hui pour acheter en vrac plusieurs médicaments mais nous aurons besoin d’un programme plus ambitieux, sans parler d’une ferme volonté politique de la part du fédéral, si nous voulons faire en sorte que tous les Canadiens aient accès à des médicaments abordables et sûrs.
1 M.-A. Gagnon, Argumentaire économique pour un régime d’assurance-médicaments : Coûts et bénéfices d’une couverture publique pour tous, Centre canadien de politiques alternatives et Institut de recherche et d’informations socio-économiques (2010), http://www.iris-recherche.qc.ca/wp-content/uploads/2011/09/R%C3%A9gime-universel-dassurance-m%C3%A9dicaments1.pdf
2 M.R. Law, L. Cheng, I.A. Dhalla, D. Heard et S.G. Morgan, « The effect of cost on adherence to prescription medications in Canada », Canadian Medical Association Journal 184(3) (21 février 2012): 297-302, http://www.cmaj.ca/content/184/3/297.full.pdf+html
3 Conseil canadien de la santé, Report to Canadians (annexe A.5, 2005), http://hcc-ccs.com/report/Annual_Report/exec_sum/ExecSumGER.pdf; M. Coombes, S. Morgan, M.C. Barer et N. Pagliccia, « Who is the Fairest of them All? Which Provincial Pharmacare Model Would Best Protect Canadians Against Catastrophic Drug Costs? » Longwoods Review 2(3) (2004): 13-26.
4 Statistique Canada, Enquête sur le milieu de travail et les employés : compendium, 71-585-XIE (2005): 50, http://www.statcan.gc.ca/pub/71-585-x/71-585-x2008001-fra.htm
5 A. Rochon-Ford et D. Saibil (dir.), The Push to Prescribe: Women and Canadian Drug Policy (Toronto: The Women’s Press, 2009).
6 Fondation canadienne de recherche sur les services de santé, « Mythe : Un médicament mis sur le marché est un médicament sans danger », À bas les mythes, http://www.fcass-cfhi.ca/publicationsandresources/Mythbusters/ArticleView/10-10-01/f1ca3fcf-f9aa-4dcb-a64c-a95f2bbadd8d.aspx;C. Fuller, « Reporting Adverse Drug Reactions: What Happens in the Real World? », in Rochon-Ford et Saibil (dir.), The Push to Prescribe: Women and Canadian Drug Policy (Toronto: The Women’s Press, 2009).
7 M.E. Wiktorowicz et al., Surveiller les médicaments d’ordonnance, veiller à la sécurité des Canadiens. Système actif de surveillance de l’innocuité et l’efficacité des médicaments au Canada et dans le monde (Conseil canadien de la santé, novembre 2010), http://publications.gc.ca/collections/collection_2011/ccs-hcc/H174-21-2010-fra.pdf
8 Vérificateur général du Canada, Rapport d’automne 2011. Chapitre 4 – La réglementation des médicaments – Santé Canada (2011); E. Wright, « Why Canada’s drug-approval process isn’t as safe as you think », this magazine (16 mars 2011). http://this.org/magazine/2011/03/16/drug-approval/
9 J.P. Kassirer, On the Take: How Medicine’s Complicity with Big Business Can Endanger Your Health (Oxford University Press, 2004); A. Fugh-Berman et S. Ahari, « Following the Script: How Drug Reps Make Friends and Influence Doctors », PloS Medicine 4(4) (2007), http://www.plosmedicine.org/article/info:doi/10.1371/journal.pmed.0040150; M.-A. Gagnon et J. Lexchin, « The Cost of Pushing Pills: A New Estimate of Pharmaceutical Promotion Expenditures in the United States », PLoS Med 5(1) (2008), http://www.plosmedicine.org/article/info:doi/10.1371/journal.pmed.0050001
10 J.A. Fisher, Medical Research for Hire: The Political Economy of Pharmaceutical Clinical Trials (Rutgers Press, 2009).
11 G.I. Spielmans et P. Parry, « From Evidence-Based Medicine to Marketing-Based Medicine: Evidence from Internal Industry Documents », Bioethical Inquiry (2010); J.R. Lacasse et J. Leo, « Ghostwriting at Elite Academic Medical Centres in the United States », PLoS Med 7(2) (2010), http://www.plosmedicine.org/article/info:doi%2F10.1371%2Fjournal.pmed.1000230
12 B. Mintzes, Publicité directe aux consommateurs des médicaments d’ordonnance : Quelles sont les conséquences sur la santé publique?(Conseil canadien de la santé, 2006), http://www.healthcouncilcanada.ca/tree/2.38-hcc_dtc-advertising_200601_f_v6.pdf; Canadian Fondation de recherche sur les services de santé, « Mythe : La publicité s’adressant directement au consommateur permet d’informer le patient » (2007), http://www.fcass-cfhi.ca/PublicationsAndResources/Mythbusters/ArticleView/07-09-01/abdbd399-7dff-471a-8879-0e644abfeabb.aspx
13 R. Moynihan et A. Cassels, Selling Sickness: How the World’s Biggest Pharmaceutical Companies are Turning Us All Into Patients (Greystone Books, 2005).
14 J. Lexchin, Who’s Calling the Tune: Harmonization of Drug Regulations in Canada (Centre canadien de politiques alternatives, 2011), http://www.policyalternatives.ca/newsroom/updates/health-canada-putting-profit-health-drug-regulation-harmonization
16 Vérificateur général du Canada, note 9supra.
17 Institut canadien d’information sur la santé, Tendances des dépenses nationales de santé, 1975 à 2012 (2012), https://secure.cihi.ca/estore/productFamily.htm?locale=en&pf=PFC1952
18 M.-A. Gagnon, Argumentaire économique pour un régime d’assurance-médicaments (Ottawa: Centre canadien de politiques alternatives et Institut de recherche et d’informations socio- économiques 2010: 7), http://pharmacarenow.ca/wp-content/uploads/2010/09/Universal-Pharmacare-Report-e.pdf
19 Coalition canadienne de la santé, En obtenir plus à meilleur compte : Stratégie nationale sur l’assurance-médicaments. (septembre 2007), http://pharmacarenow.ca/wp-content/uploads/2010/06/medicaments.pdf
21 S. Morgan et J.R. Daw, « Canadian Pharmacare: Looking Back, Looking Forward », Healthcare Policy 8(1) (2012): 14-23, http://www.longwoods.com/content/23017
22 S. Morgan et J.R. Daw, « Time to fight for universal Pharmacare », The Vancouver Sun (21 août 2012).
23 P. Grootendorst et A. Hollis, Accord économique et global entre le Canada et l’Union européenne : Évaluation de l’impact économique des dispositions proposées concernant la propriété intellectuelle dans le secteur pharmaceutique (2011), http://www.canadiangenerics.ca/fr/news/docs/02.07.11%20FRE_CETAEconomicAnalysisReport_FINAL11.pdf
24 Gagnon et Lexchin,note 10supra.
25 M.A. Gagnon, « Potential Impact of the European Demands in the Context of Canada-European Union CETA Negotiations », présentation pour Market Access Canada, organisée par Eye for Pharma, 2011; M.A. Gagnon, « L’aide financière à l’industrie pharmaceutique québécoise : le jeu en vaut-il la chandelle? »Revue interventions économiques, 2012: 44, http://interventionseconomiques.revues.org/1611?lang=en
26 Conseil des Canadiens et Coalition canadienne de la santé, « Strong majority of Canadians oppose drug patent extension in Canada-EU trade deal: poll » (communiqué de presse, 16 septembre 2012), http://healthcoalition.ca/strong-majority-of-canadians-oppose-drug-patent-extension-in-canada-eu-trade-deal-poll/
27 Morgan et Daw, note 22supra. Soulignons également la recommandation formulée par le comité sénatorial à la suite de son examen de l’Accord de 2004, soit de travailler à l’établissement d’un programme national d’assurance-médicaments. Comité sénatorial permanent sur les affaires sociales, les sciences et la technologie, Un changement transformateur s’impose : Un examen de l’Accord sur la santé de 2004, mars 2012, http://www.parl.gc.ca/Content/SEN/Committee/411/soci/rep/rep07mar12-f.pdf