La lettre à la rédaction qui suit est signée par Louise Riley, présidente du comité des soins de longue durée du SCFP-Nouvelle-Écosse. Elle a été publiée en anglais dans le Chronicle Herald du 5 juin 2020.

En janvier, à peine deux mois avant le confinement dû à la COVID-19, le personnel d’un établissement de soins de longue durée de New Glasgow s’est porté volontaire pour des quarts non rémunérés afin de participer à un projet pilote. Ce « work in » a été organisé par le Syndicat canadien de la fonction publique. L’employeur, Glen Haven Manor, l’a appuyé avec enthousiasme.

Sur une période de 24 heures, les aides-soignants sont allés travailler dans leurs temps libres afin d’augmenter le ratio résidents-personnel, dans l’une des unités, à 4,1 heures de soins par résident par jour. Le ratio actuel résidents-personnel en Nouvelle-Écosse est de 2,45 heures de soins. Ce ratio n’a pas bougé depuis vingt ans, même si l’âge et la fragilité de la clientèle ont changé de façon spectaculaire. Considérez que les établissements de soins de longue durée construits dans les années 1990 avaient des stationnements pour les résidents, car beaucoup d’entre eux conduisaient encore. Ce n’est plus le cas.

Bien qu’il ne s’agissait que de la première phase d’une étude plus longue, les résultats ont été remarquables. Avec seulement quatre résidents à s’occuper au lieu de huit, les aides-soignants ont pu répondre plus rapidement aux besoins. Cela signifie moins de chutes (aucune, en fait, au cours de cette période de 24 heures) et aucun incident comportemental. Le personnel a eu le temps de parler aux résidents afin de mieux comprendre leurs besoins et a également eu le temps de faire des tâches comme nettoyer les placards, couper les ongles et friser les cheveux. Il y a même eu un petit karaoké sur l’heure du midi! Un résident qui, normalement, passait son temps à dormir est resté debout toute la journée, captivé par ce nouveau niveau d’activité. Les sonneries d’appel et de lit, qui sont une toile de fond constante dans une journée normale, brillaient par leur silence.

Le personnel, en ayant suffisamment de temps pour s’occuper de chaque résident de manière respectueuse, a ressenti plus de satisfaction au travail et rapporté moins de blessures. Un membre du personnel a remarqué à la fin de son quart de travail de douze heures, qu’elle n’était pas fatiguée, qu’elle n’avait pas mal au cou et qu’elle était ravie d’avoir de l’énergie pour rentrer à la maison et préparer le souper. Une autre a souligné qu’elle n’aurait pas besoin de pleurer dans sa voiture à la fin de son quart.

Pour le personnel des établissements de soins de longue durée, les résidents sont comme des membres de la famille. Le travail est terre-à-terre : soulever, habiller, laver, nourrir. Le fait d’avoir si rarement le temps d’interagir devient décourageant. Dans de nombreux établissements, un aide-soignant dispose de moins de dix minutes pour préparer chaque résident pour la journée.

En Nouvelle-Écosse, les aides-soignants travaillent souvent en effectif réduit, puisque la plupart des établissements n’ont pas suffisamment de personnel pour couvrir les congés de maladie, les vacances ou les départs. Donc, en plus d’avoir à peine assez de temps pour effectuer ses propres tâches, il faut faire celles des absents. En 2019, environ 75 pour cent des membres du SCFP dans le secteur des soins de longue durée ont déclaré qu’ils travaillaient régulièrement en effectif réduit. Trente-six pour cent ont déclaré que c’était leur réalité au quotidien.

La faiblesse des salaires et des avantages sociaux, les longues heures de travail et le travail par quarts compliquent le recrutement et la rétention du personnel. Les heures supplémentaires obligatoires sont monnaie courante dans de nombreuses installations. L’an dernier, près de la moitié des membres du SCFP travaillant en soins de longue durée ont été contraints de faire des quarts de travail supplémentaires. La durée moyenne d’un quart de travail supplémentaire est de 15,7 heures, avec un maximum de 38 heures. Il s’agit d’une situation intenable qui mène à l’épuisement professionnel, aux accidents de travail, à la baisse du moral des troupes et au déclin de la main-d’œuvre.

Cela fait des années que le SCFP réclame une stratégie de recrutement et de rétention. Nous avons demandé au gouvernement d’augmenter les salaires et les avantages sociaux afin d’attirer et de garder du personnel, sans oublier d’augmenter le financement des établissements pour hausser le ratio résidents-personnel.

Nous avons réclamé un soutien financier accru pour les étudiants du programme d’aide-soignant. L’an dernier, le gouvernement a répondu à cet appel en rétablissant un programme de bourses qu’il avait annulé auparavant. Pas mal, mais c’est encore loin du système de gratuité et de bourses que le syndicat demandait.

La pandémie de COVID-19 a braqué les projecteurs sur la crise de dotation en personnel dans les soins de longue durée. Cette crise existe depuis plus d’une décennie. Alors que la pandémie passera, la crise dans nos établissements de soins de longue durée continuera. Il est plus urgent que jamais d’augmenter les niveaux de dotation dans ce secteur, si nous voulons être en mesure de fournir des soins de qualité, sûrs et appropriés à nos personnes âgées.

Louise Riley est aide-soignante et présidente du comité des soins de longue durée du SCFP-Nouvelle-Écosse.