On estime à environ 235 000 le nombre d’itinérants au Canada, principalement dans nos municipalités. La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) estime qu’un nombre beaucoup plus élevé, soit 1,7 million de ménages, sont vulnérablesparce que leur logement est malsain, inadapté ou inabordable. 

Ces ménages sont dirigés de manière disproportionnée par une femme. En outre, les Autochtones, les personnes handicapées, les immigrants, les réfugiés, les jeunes, les personnes âgées et les membres des communautés racisées y sont tous sur-représentés.

Le Canada, en tant que signataire de la Convention des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels, est tenu de garantir le droit de tous ses citoyens à un logement convenable. Un logement convenable est un logement abordable, en bon état, avec sécurité d’occupation et de territoire. Il est culturellement approprié et doit inclure l’accès aux services et infrastructures publics, aux écoles et à l’emploi. Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le logement convenable a clairement indiqué que l’obtentiond’un logement convenable pour tous passe par des stratégies nationales en matière de logement,assorties de politiques et de programmes gouvernementaux progressistes, qui traitent le logement comme un droit plutôt qu’un produit de consommation. 

En vertu de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, le Canada est également tenu de garantir le droit des peuples autochtones à participer à l’élaboration et à la définition des programmes de logement les concernant et leur droit à l’autogestion de ces programmes. Le Canada s’est également engagé envers leProgramme de développement durable à l’horizon 2030, qui requiert l’élimination de l’itinérance d’ici là.  

Les municipalités canadiennes luttent depuis longtemps contre la crise du logement, crise aggravée par le manque de fonds, le vieillissement du parc de logements et les forces du marché qui ont rendu les habitations inabordables dans certaines villes, même pour les ménages bien nantis. La stratégie nationale sur le logement,publiée par le gouvernement Trudeau en 2017, est bienvenue, mais demeure insuffisante.

Budget fédéral 2018

Le budget 2018 du gouvernement fédéral, le premier depuis le lancement de la Stratégie nationale sur le logement, engageait un milliard de dollars sur cinq ans pour le logement des Premières nations, des Inuits et des Métis, mais la majeure partie de cet argent provient de fonds existants. Le gouvernement a également permis à la SCHL d’augmenter de 2,5 milliards de dollars à 3,75 milliards de dollars les prêts qu’elle peut offrir dans le cadre de son Initiative de financement de la construction de logements locatifs, afin d’accroître l’offre de logements. Cependant, ce budget ne prévoyait pas un financement suffisant pour le logement socialet abordable. 

En tant que tel, ce budget a très peu contribué à clarifier ou à concrétiser les engagements pris dans la Stratégie nationale sur le logement :

  • Bien que le gouvernement s’attende à ce que la bonification de l’Initiative de financement de la construction de logements locatifs se traduise par la création de 14 000 logements locatifs et un allègement de la pression sur la classe moyenne dans les grandes régions métropolitaines comme Toronto et Vancouver, ces mesures ne feront rien pour rattraper le retard accumulé sur les réparations et les rénovations nécessaires au maintien du parc actuel de logements abordables.
  • L’Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine (ACHRU) a demandé au gouvernement fédéral d’accorder un financement dédié à la réparation et à la rénovation des logements sociaux existants, ainsi qu’un financement dédié à l’ajout de logements sociaux. Cela ne figurait pas dans le budget. 
  • La Fédération canadienne des municipalités a souligné que le gouvernement fédéral a raté une belle occasion de donner un coup d’envoi à la Stratégie nationale sur le logement. La FCM déplore aussi que le fédéral reporte à plus tard le financement nécessaire aux réparations cruciales, prêtes à aller de l’avant.
  • L’introduction d’un programme d’amélioration énergétique pour les ménages à faible revenu permettrait à la fois de réduire les dépenses de ces ménages et d’être bénéfique pour l’environnement. Le budget ne prévoit pas d’argent en ce sens.

Budget fédéral 2019 

Malheureusement, le budget de 2019 ne s’est pas concentré davantage sur les véritables problèmes de la crise du logement abordable. Il a plutôt mis en place un certain nombre de programmes d’incitation, fondés sur le marché, qui augmenteront l’endettement des ménages et retarderont l’entretien et les réparations critiques. 

Le budget 2019 permettra aux acheteurs d’une première maison d’emprunter 35 000 $ de leurs REER pour servir de mise de fond, alors que la limite actuelle est de 25 000 $. Cet argent doit ensuite être remboursé au cours des 15 prochaines années. Le problème, c’est que moins de la moitié des travailleurs âgés de 25 à 33 ans ont un REER, et, pour ceux qui en ont un, le montant médian n’est que de 7 000 $. Cette mesure peut aider quelques personnes à revenu élevé, mais elle ne change en rien les tendances sous-jacentes qui rendent la location ou l’achat d’un logis inabordable.

De même, ce budget permet à la SCHL de prêter à l’acheteur jusqu’à dix pour cent du prix d’achat d’une maison, afin de réduire le montant du prêt hypothécaire requis. Pour être admissible, il faudra ne jamais avoir acheté de maison auparavant, disposer d’au moins 5 pour cent du montant en liquidités pour la mise de fond, avoir un revenu total du ménage inférieur à 120 000 $, et que le montant total du prêt hypothécaire, plus l’incitatif de la SCHL, soit inférieur à quatre fois le revenu annuel du ménage. Cette mesure peut aider les ménages ayant des revenus modérés à élevés sur certains marchés immobiliers, mais elle n’aide en rien ceux qui vivent dans la pauvreté, ceux qui connaissent une insécurité systémique du logement, ou ceux des marchés immobiliers les plus chers du Canada.

Logement abordable : vers une stratégie à long terme 

Selon Jennifer Keesmaat, ancienne planificatrice à la ville de Toronto,« tout le monde au pays doit être hébergé, point final. » Pour ce faire, les municipalités ont à leur disposition des outils, comme la planification stratégique de l’utilisation des terrains, pour zoner des logements abordables là où ils sont rares, ou encore des politiques de démolition et de conversion visant à garantir que le parc de logements répond aux besoins de la communauté. Toutefois, pour que le logement soit abordable pour les ménages à faible revenu, les outils de planification de l’utilisation des terrains doivent être combinés à l’accessibilité à des logements au sein des communautés, mais hors du marché, par le biais de programmes fédéraux-provinciaux correctement financés.

De nombreux membres du SCFP travaillent directement à la fourniture de logements sociaux. Beaucoup d’autres travaillent dans des logements supervisés pour les personnes à risque de devenir itinérantset dans la prestation de services d’aide au logement, tels que des services de soutien en santé mentale et des conseils en recherche d’emploi. Nos membres savent que la sécurité du logement est un droit fondamental de la personne, qui permet aux gens de participer pleinement à la communauté.  

Le Canada possède un parc précieux de logements sociaux qui s’est développé, depuis les années 1950, par le biais d’un assortiment de programmes gouvernementaux disparates. En raison de la négligence du gouvernement, ce parc n’est pas viable; laissant les provinces et les municipalités en position difficile pour répondre aux besoins. Un financement gouvernemental généreux est essentiel pour garantir que ce parc de logements demeure hors du marché, bien entretenu et en bon état.  

Outre la protection de notre parc de logements sociaux, il faut absolument, pour concrétiser le droit au logement, en créer de nouveaux. Les programmes de financement à long terme du logementsocialsont le moyen le plus efficace de garantir ce droit. Ils contribuent à freiner la spéculation immobilière et foncière et la surchauffe des marchés, responsables de la crise du logement abordable qui sévit dans plusieurs régions du pays. Le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de premier plan en fournissant des fonds publics et des terrains pour ces logements. Il doit aussi collaborer avec les gouvernements provinciaux pour mettre en place des programmes de logement social qui augmentent considérablement l’offre de logements abordables et adéquats.