Il y a crise partout au Canada quant à la disponibilité et l’accessibilité des logements. Jour après jour, nos membres constatent les conséquences de la crise du logement sur leur vie et leur communauté. Les travailleuses et travailleurs doivent pouvoir s’offrir un logement près de leur lieu de travail, et les communautés ont besoin que les travailleuses et travailleurs de première ligne aient la possibilité de vivre là où ils travaillent.
C’est l’augmentation du coût du logement qui est à l’origine de cette crise. Les prix des logements dépassent largement les revenus partout au pays. En 1980, le logement moyen coûtait 2,5 fois le revenu du ménage moyen. Aujourd’hui, le logement moyen coûte 8,8 fois le revenu moyen. À Toronto et à Vancouver, la situation est encore plus désastreuse, les logements coûtant respectivement 13,2 et 14,4 fois le revenu moyen[i]. Les loyers ont également augmenté de manière considérable, soit de +7,9 % entre avril 2023 et avril 2024[ii]. L’écart entre le salaire de location – soit le salaire horaire qu’un travailleur doit gagner pour que son loyer n’absorbe pas plus de 30 % de son revenu avant impôt – et le salaire minimum est plus important qu’il ne devrait l’être dans toutes les provinces du Canada[iii].
Nombre de travailleuses et travailleurs, qu’ils soient locataires ou propriétaires de leur logement, consacrent plus de 30 % de leur revenu au logement, ce qui les place dans une situation de besoin impérieux de logement. Les travailleuses et travailleurs appartenant à des groupes en quête d’équité, notamment les travailleurs autochtones, noirs et racialisés ainsi que les travailleuses et travailleurs en situation de handicap, sont particulièrement exposés au risque d’insécurité en matière de logement.
Nos membres ne sont pas à l’abri du manque généralisé de disponibilité et d’accessibilité de logements, du fléau des rénovictions ou des taux hypothécaires inabordables. Au Canada, le droit au logement – un droit fondamental de la personne – n’est pas respecté.
Le SCFP adopte des résolutions sur le logement depuis 1969, demandant au gouvernement fédéral de mettre en place un plan national pour le logement et d’offrir des prêts à faible coût (voir les résolutions et les orientations stratégiques sur le logement aux annexes A et B). Le logement est un enjeu fondamental pour notre syndicat, car c’est à la base de la stabilité et de la sécurité de nos membres. C’est un besoin universel et tout le monde mérite un logement sûr, accessible et abordable.
À la lumière de l’actuelle crise du logement, le SCFP renforce et renouvelle la prise de position sur le logement.
La financiarisation du logement est à l’origine de la crise du logement
Traiter le logement comme une marchandise génératrice de profits, plutôt que comme un droit fondamental garanti, est l’une des causes profondes de la crise du logement. L’expression « financiarisation du logement » désigne un problème qui s’étend de grandes entreprises qui réalisent d’énormes profits sur les logements locatifs au gouvernement fédéral qui fournit des pensions publiques insuffisantes et considère l’accession à la propriété comme un élément clé de la sécurité de la retraite.
Les logements locatifs ont été ciblés par de grands investisseurs, notamment des sociétés de capital d’investissement, des sociétés d’exploitation immobilière, des fonds d’investissement immobilier, des gestionnaires d’actifs et des investisseurs institutionnels tels que des fonds de pension. Ces sociétés considèrent les logements comme une classe d’actifs dont elles peuvent tirer un bénéfice. Pour ce faire, elles évincent des locataires à faibles revenus au profit de locataires à revenus plus élevés en haussant les loyers de manière inabordable et en procédant à des rénovictions.
Les fonds de pension des travailleuses et travailleurs sont un des acteurs qui font grimper le coût des logements locatifs. Plusieurs fonds de pension se sont engagés dans des efforts controversés – et en violation de droits – pour déplacer des locataires à faibles revenus ou vendre des propriétés au plus offrant[iv].
La financiarisation du logement s’est traduite par l’achat d’un nombre croissant de logements par de petits investisseurs qui possèdent plusieurs propriétés. Le nombre
de lieux de travail offrant des régimes de retraite stables à prestations définies ayant diminué, les propriétaires en sont venus à compter sur le logement comme moyen d’assurer leur retraite. Il en résulte un environnement où l’abordabilité croissante du logement – autrement dit, la baisse des prix de l’immobilier – est perçue par de nombreux propriétaires au Canada comme une menace pour leur sécurité à leur retraite. Par ailleurs, d’autres ont dû carrément renoncer à l’achat d’un logement.
La financiarisation est associée à l’augmentation des coûts autant pour les locataires que pour les propriétaires. Il est important de l’aborder et d’augmenter la quantité de logements sociaux, sans but lucratif et coopératifs. Ces deux mesures aideront à diminuer le coût des logements locatifs et le prix des maisons.
Le droit fondamental au logement doit être le moteur des actions en matière de logement
Le SCFP soutient que le financement public doit être aligné sur le droit au logement
tel qu’il est reconnu dans le droit international et dans la Loi sur la stratégie nationale sur le logement.
En vertu de la Stratégie nationale sur le logement (SNL), adoptée par le gouvernement fédéral en 2017, plus de 82 milliards de dollars ont été alloués au logement. Cependant, ces fonds ont été majoritairement canalisés vers des sociétés de logement à but lucratif qui construisent des logements largement inabordables. En outre, il n’existe aucune définition cohérente du terme « abordable ». Même la SCHL utilise de multiples mesures de l’accessibilité dans ses programmes et ses publications, dont 80 % ou moins du « loyer du marché » ou moins de 30 % du revenu médian avant impôt
d’un ménage[v] .
Un système de logement fondé sur le marché ne permettra jamais de respecter le droit universel au logement. Le gouvernement fédéral doit intervenir en investissant de manière considérable dans le logement social, sans but lucratif et coopératif, incluant des logements à loyer indexé sur le revenu. Les logements hors marché – incluant les logements sociaux, sans but lucratif et coopératifs – ont des besoins précis et chaque type de logement a un rôle à jouer pour assurer le respect du droit fondamental au logement.
Un plan des travailleuses et travailleurs en matière de logement
Dans l’optique d’ériger un système de logement assurant que les membres du SCFP – et l’ensemble des travailleuses et travailleurs – peuvent s’offrir un logement sûr et accessible dans les communautés où ils travaillent, le SCFP adopte la position suivante :
- Un cadre pour le droit au logement doit être intégré dans l’ensemble des politiques et fonds publics en matière de logement.
- Les deniers et terrains publics doivent être utilisés dans l’intérêt public, et non pour engendrer des profits dans le secteur privé :
- Le gouvernement fédéral doit augmenter considérablement le parc de logements hors marché, dont de logements sociaux, sans but lucratif et coopératifs, qui comprennent des logements à loyer indexé sur le revenu;
- Le gouvernement fédéral doit travailler de concert avec les autres ordres
de gouvernement pour veiller à ce que les fournisseurs de logements hors marché bénéficient de subventions pour le fonctionnement et l’entretien en continu afin de maintenir les loyers à un maximum de 30 % du revenu avant impôt des ménages; - Reconnaissant les différents défis des petites communautés et des communautés rurales, le gouvernement fédéral doit développer des approches ciblées pour accroître l’offre de logements abordables avec des fonds dédiés à celles-ci;
- Le gouvernement fédéral doit financer et soutenir les efforts des gouvernements provinciaux et des municipalités pour réparer et revitaliser les logements sociaux et améliorer l’intégrité structurelle et l’habitabilité de ces derniers;
- Le gouvernement fédéral doit élargir son fonds d’acquisition pour permettre
à des organismes publics, sans but lucratif et coopératifs d’acheter des logements afin de maintenir l’abordabilité; - Les terres publiques ne doivent être accessibles qu’aux organismes publics, sans but lucratif et coopératifs pour des projets immobiliers et doivent rester sans but lucratif de façon permanente.
- Des règlements et des restrictions doivent être mis en place pour les grands investisseurs dans l’immobilier résidentiel, y compris les fonds de pension et les fonds d’investissement immobilier. Par exemple :
- éliminer les échappatoires fiscales pour les fonds de placement immobilier (FPI);
- hausser davantage les impôts sur les gains en capital pour les investisseurs à grande échelle;
- limiter le nombre d’unités immobilières résidentielles que les investisseurs privés peuvent détenir;
- adopter des règlements sur les investissements dans l’immobilier résidentiel détenus par les fonds de pension.
- Notre système de retraite public doit être amélioré pour garantir une retraite digne
à l’ensemble des Canadiens afin que personne ne soit obligé de compter sur l’appréciation de la valeur de son logement pour financer sa retraite. - Pour rendre le logement plus abordable, les différents paliers de gouvernements doivent mettre en place des mesures fiscales, comme l’impôt sur la spéculation et sur les logements vacants. Cet argent amassé doit être retourné dans les services publics.
- Le gouvernement fédéral doit lier le financement fédéral du logement à des normes minimales applicables aux locataires dans les provinces et les territoires, notamment :
- le contrôle des loyers pour limiter l’augmentation du loyer par le propriétaire pour les locataires actuels et futurs;
- le contrôle des logements vacants pour limiter l’augmentation du loyer par le propriétaire lorsqu’un locataire quitte son logement et qu’un nouveau locataire y aménage;
- une protection contre l’éviction abusive.
- Les personnes autochtones ont droit à l’amélioration de leurs conditions de logement. Ils ont le droit d’être impliqués dans l’élaboration et l’établissement des programmes sur le logement qui les affectent et, dans la mesure du possible, d’administrer ces programmes par l’intermédiaire de leurs institutions[vi]. Le gouvernement fédéral doit fournir du financement adéquat afin d’éliminer l’écart en matière de logement pour les communautés autochtones.
- Des protections législatives doivent être mises en place pour les syndicats de locataires.
- La propriété effective des logements, qui exigerait de rendre publics les noms des propriétaires immobiliers, devrait être rendue obligatoire.
Le SCFP s’engage à :
- continuer à soutenir et à outiller les mouvements de locataires et les défenseurs du logement qui font avancer la cause de la justice en matière de logement;
- lutter contre les messages racistes et anti-immigrés en marge de la crise du logement;
- recueillir des données sur les défis associés au logement vécus par ses membres;
- explorer des initiatives syndicales en matière de logement qui soutiennent ses membres et les membres qui travaillent à la construction de logements abordables et inclusifs;
- consulter ses membres sur l’élaboration d’une politique sur les campements de sans-abri ou sans domicile fixe.
[i] Alexandra Flynn et Carolyn Whitzman, « Housing Is a Direct Federal Responsibility, Contrary to What Trudeau Said. Here’s How His Government Can Do Better » (The Conversation, 7 août 2023), http://theconversation.com/housing-is-a-direct-federal-responsibility-contrary-to-what-trudeau-said-heres-how-his-government-can-do-better-211082.
[ii] « Indice des prix à la consommation, données mensuelles, variation en pourcentage, non désaisonnalisées, Canada, provinces, Whitehorse et Yellowknife — Logement » (Statistique Canada, 21 mai 2024).
[iii] David Macdonald et Ricardo Tranjan, « Can’t Afford the Rent: Rental Wages in Canada 2022 » (Centre canadien de politiques alternatives, juillet 2023), https://policyalternatives.ca/publications/reports/cant-afford-rent.
[iv] Voir les articles suivants pour plus d’information sur le rôle que jouent les fonds de pension dans l’immobilier résidentiel : Neal Rockwell, « A Public Pension Fund Is Canada’s Newest Mega-Landlord ⋆ The Breach » (The Breach, 30 mars 2022), https://breachmedia.ca/a-public-pension-fund-is-canadas-newest-mega-landlord/; « BC Housing, Burnaby Reach Financing Deal to Preserve Threatened Co-Op Housing – BC | Globalnews.Ca » (consulté le 30 mai 2024), https://globalnews.ca/news/8981703/burnaby-co-ops-saved-affordable-housing/.
[v] Carolyn Whitzman, Un calcul des pénuries de logements au Canada fondé sur les droits de la personne (Bureau de la défenseure fédérale du logement, novembre 2023), https://www.homelesshub.ca/resource/human-rights-based-calculation-canada%E2%80%99s-housing-shortages.
[vi] Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, Article 21 no. 1 et Article 23 https://www.un.org/development/desa/indigenouspeoples/wp-content/uploads/sites/19/2018/11/UNDRIP_F_web.pdf