Les mesures adoptées pour prévenir la propagation de la COVID-19 ont eu de très grands impacts sur les travailleurs, mais ces impacts ont été ressentis de façon inégale et différente par rapport aux récessions récentes. En avril dernier, plus de 30 % des travailleurs canadiens ont été mis à pied ou ont vu leurs heures de travail diminuer. Les impacts immédiats sur l’emploi ont été particulièrement sévères dans les secteurs à prédominance féminine, comme les services de restauration, le tourisme, la culture, les loisirs et la vente au détail. La fermeture des écoles et des garderies a posé un grand défi aux travailleurs de l’éducation et aux parents. Dans ces secteurs, plus de femmes que d’hommes ont été mises à pied ou ont dû réduire leurs heures de travail pour prendre soin de leurs proches.

Il s’agit d’un grand contraste par rapport aux récessions précédentes. Souvent, les ralentissements économiques sont d’abord ressentis dans les secteurs à prédominance masculine, comme le secteur de la fabrication ou celui des ressources naturelles. Il arrive même parfois que la participation des femmes au marché du travail augmente en période de récession, car les femmes cherchent à travailler plus d’heures pour compenser la perte de revenu d’un membre masculin de leur famille qui a perdu son emploi.

Mais cette fois, la participation des femmes au marché du travail a chuté à des niveaux qu’on n’avait pas vus depuis 30 ans. Et les choses pourraient empirer. Comme certaines garderies ont été fermées de façon permanente et que les frais de garde ont augmenté, les services de garde sont désormais plus chers et moins accessibles qu’avant le début de la pandémie. Statistique Canada a constaté que plus du tiers des parents qui ont travaillé de la maison craignent que l’inaccessibilité des services de garde ne limite leur capacité à continuer à travailler. La situation est pire chez les femmes ayant un enfant de moins de 6 ans : 56 % d’entre elles partagent cette inquiétude. L’incertitude entourant les plans de retour en classe et la santé des élèves pourrait aussi inciter des parents à garder leurs enfants à la maison, ce qui obligerait davantage de femmes à quitter le marché du travail.

Les gouvernements réagissent généralement aux récessions en investissant dans la construction d’infrastructures, comme des routes et des ponts, afin de créer des emplois pour les travailleurs qui ont perdu leurs postes. Créer des emplois en construisant les infrastructures dont nos communautés ont besoin nous permet d’obtenir un bon retour sur nos investissements publics de relance. Ces investissements contribuent aussi à soutenir d’autres activités économiques, car les routes permettent aux entreprises d’acheminer leurs produits et de rejoindre leurs clients plus facilement.

Mais la récession actuelle est différente et elle a eu un impact différent sur les travailleurs, les familles et leurs communautés. Cette fois-ci, le modèle dépassé des projets d’infrastructure « prêts à démarrer » ne devrait pas être notre priorité. Nous devrions plutôt investir dans les services sociaux, incluant l’éducation et les garderies, qui nous donneront le meilleur retour sur investissement.

Des services sociaux dynamiques et accessibles permettront à chacun de participer à la vie active, ce qui sera essentiel tout au long de la reprise économique. L’embauche d’un plus grand nombre de travailleurs pour occuper des postes sécuritaires et bien rémunérés dans les garderies, les écoles, les soins à domicile et les soins de longue durée facilitera le respect des mesures de distanciation sociale et la prévention de la propagation de la COVID-19 dans les établissements publics. Le fait de savoir que leurs proches sont en sécurité permettra aux parents et aux aidants familiaux non rémunérés de reprendre leur travail habituel, tout en garantissant un lieu de travail plus sécuritaire aux travailleurs qui promulguent les services.

Tout comme les routes et les ponts, les services sociaux constituent un fondement important de l’économie. Avant la pandémie, les provinces sous-finançaient ces services. Nous devons maintenant investir adéquatement dans les services sociaux, sans quoi nous verrons des conséquences dévastatrices pour notre économie et pour toute une génération de femmes.