Fred Hahn, président du SCFP-Ontario, estime que le nouveau projet de loi omnibus, dont le gouvernement conservateur accélère l’adoption par l’Assemblée législative de l’Ontario, apportera des changements radicaux qui corrompront notre démocratie et accroîtront l’influence des grandes entreprises sur les décisions de l’État.
Le projet de loi 57, intitulé Loi visant à rétablir la confiance, la transparence et la responsabilité, fera l’objet d’une seule audience publique, ce lundi, à peine deux semaines après son premier dépôt.
Ce texte éliminera le contrôle exercé par l’État en rayant les postes d’intervenant en faveur des enfants et des jeunes, de commissaire à l’environnement, de commissaire aux services en français et de commissaire aux conflits d’intérêts. Il permet également au gouvernement de suspendre tous les autres agents indépendants de la législature, comme la vérificatrice générale, le commissaire à l’intégrité, le directeur général des élections et l’agent d’accès à l’information.
« Ce sont précisément ces personnes qui doivent veiller à ce qu’aucun gouvernement n’abuse de son pouvoir ou ne l’utilise pour son gain personnel, souligne M. Hahn. Le projet de loi 57 donnera au premier ministre Ford la possibilité de les suspendre si elles sont sur le point de publier un rapport en sa défaveur. Les conservateurs ont été les premiers à louer la vérificatrice générale lorsqu’elle a exposé des problèmes dans la comptabilité des gouvernements libéraux précédents. Maintenant qu’ils sont aux commandes, ils modifient les lois pour les museler, elle et ses collègues. C’est très alarmant. Nous devrions tous craindre pour l’avenir de notre démocratie. »
M. Hahn explique que la semaine dernière encore, le gouvernement Ford annonçait la vente de la centrale électrique Hearn pour des centaines de millions de dollars de moins que sa valeur, sans procédure appropriée. L’un des principaux acheteurs est un grand promoteur dont la famille a donné plus de 11 000 $ à la campagne à la chefferie du premier ministre et 30 000 $ à la campagne à la mairie de son frère.
« Ce que les gens doivent comprendre, c’est qu’il s’agit là d’une question qui dépasse les simples accords financiers lucratifs pour les amis du premier ministre, ce qui est déjà assez grave », renchérit Candace Rennick, secrétaire-trésorière du SCFP-Ontario. « Ce gouvernement fait cadeau de centaines de millions de dollars qui devraient aller aux services publics dont nous avons tous besoin. Il y aura donc moins d’argent pour les personnes âgées dans les établissements de soins de longue durée, les soins de santé et les écoles de nos enfants. Nous payons tous le prix de ces décisions. »
Le projet de loi modifie également la structure de Metrolinx. Il apporte des changements qui permettront au premier ministre de vendre la Place de l’Ontario. Il dissout le Fonds Trillium créé pour financer les améliorations nécessaires à l’infrastructure de la province.
« Ne vous y trompez pas, prévient M. Hahn. Les personnes qui devraient s’inquiéter le plus de ces changements, c’est “le peuple” dont le premier ministre parle tout le temps. Va-t-il vendre la Place de l’Ontario pour retourner l’ascenseur à ses grands donateurs par le truchement d’un autre accord foncier douteux ? Les modifications apportées à Metrolinx entraîneront-elles des plans de privatisation plus coûteux ? Que fera le premier ministre avec les 6 milliards de dollars actuellement dans le Fonds Trillium ? Compte tenu de sa tentative de museler les personnes chargées de surveiller son gouvernement, une autre question cruciale se pose : serons-nous même en mesure de le savoir ? »
Le projet de loi 57 supprime également le contrôle des loyers sur les nouveaux édifices et abroge la Loi sur la transparence salariale, créée pour empêcher les entreprises de dissimuler les salaires lorsque les employés masculins sont mieux payés que les femmes occupant des fonctions équivalentes.
« Ces modifications vont remplir encore plus les poches des promoteurs en gonflant leurs revenus locatifs, déplore Mme Rennick. Et elles permettront aux entreprises d’économiser sur leur masse salariale en continuant à sous-payer les femmes. C’est moralement inacceptable. Quand on lit ce projet de loi, on a l’impression d’un paquet de mesures sans lien les unes avec les autres, mais il suffit de se demander à qui tout cela profite pour comprendre sa thématique générale : faire primer les intérêts corporatifs sur ceux de la population. »
« La cerise au sommet de tout ce gâchis, conclut, M. Hahn, c’est que le projet de loi ramène l’argent des grandes entreprises au centre du financement politique, par le biais de collectes de fonds donnant accès aux élus et de dons directs d’entreprises. Les conservateurs de Ford ont beau parler de “loi visant à rétablir la confiance, la transparence et la responsabilité”, ce texte porte atteinte à notre démocratie. Il démolit la responsabilité de l’État et il ouvre largement les portes à une influence encore plus grande du privé sur les décisions gouvernementales. Les gens vont payer et les entreprises vont en profiter, point final. »