Depuis quelques semaines, la ministre fédérale Chrystia Freeland tente de rassurer les Canadiens en répétant que l’AÉCG n’entraînera pas ce qui est pourtant écrit noir sur blanc dans l’accord. Les ministres du Commerce du Canada et de l’Union européenne ont même rédigé une « déclaration interprétative » censée répondre aux nombreuses critiques à l’endroit de ce dangereux accord commercial. Or, la semaine dernière, une fuite de document est venue confirmer que cette déclaration est bidon.
En effet, rien ne garantit qu’une telle déclaration soit contraignante. Et même si elle l’était, elle ne change rien aux clauses de l’accord qui vont à l’encontre des intérêts des travailleurs canadiens.
Le mois dernier, le SCFP et d’autres syndicats publiaient une lettre ouverte faisant état des nombreuses lacunes de l’AÉCG. Les signataires demandaient au gouvernement canadien de ne pas ratifier l’accord dans sa forme actuelle. À notre avis, pour améliorer l’AÉCG, il faudrait prendre les mesures suivantes :
Éliminer les règles sur les droits des investisseurs.
Il n’est pas nécessaire de contourner nos tribunaux publics pour recourir à un arbitrage extrajudiciaire qui favorise les entreprises privées. Le système de tribunal d’investissement que propose l’AÉCG n’est guère mieux que le système boiteux de résolution des litiges entre investisseurs et État prévu par l’ALÉNA et d’autres accords commerciaux.
Protéger les services publics contre la privatisation.
L’AÉCG met en danger nos services publics en compliquant le retour des services privatisés dans le giron public et en freinant l’expansion future de nos services publics.
Stopper l’extension des brevets pharmaceutiques.
Les clauses de l’AÉCG qui protègent les brevets pourraient faire grimper le coût des médicaments de plus d’un milliard de dollars par année pour notre système de santé.
Protéger l’approvisionnement public.
Actuellement, l’approvisionnement public de tous les services gouvernementaux et des secteurs qui ne sont pas expressément exclus dans l’accord sont inclus dans l’AÉCG. Cela limite le droit des provinces, des municipalités et des autres entités gouvernementales de favoriser les biens et services locaux et, ainsi, tirer le meilleur parti de leurs dépenses d’approvisionnement.
Ajouter un mécanisme efficace permettant de faire respecter les droits des travailleurs.
Dans sa version actuelle, l’AÉCG ne prévoit aucune sanction significative contre les violations des droits des travailleurs, alors qu’il contient des clauses qui protègent vigoureusement les droits des investisseurs.
Comme la déclaration ayant fait l’objet d’une fuite ne reprend aucune de nos revendications, le SCFP maintient son opposition à l’AÉCG.
Et le SCFP n’est pas seul dans son camp. Des millions d’Européens ont manifesté contre l’AÉCG.
Les ministres du Commerce de l’UE se réuniront la semaine prochaine pour se prononcer sur l’accord. S’ils l’appuient, les représentants de l’UE et du Canada (probablement le premier ministre Trudeau) signeront l’accord plus tard ce mois-ci à Bruxelles. Puis, le Parlement européen se prononcera sur sa ratification vers la fin de l’année ou au début de 2017. Si cela se produit, l’essentiel de l’AÉCG (à l’exclusion de ces éléments les plus controversés, comme le système de tribunal d’investissement) entrera en vigueur immédiatement, mais de « manière provisoire ».
S’il franchit toutes ses étapes, l’AÉCG devra aussi être ratifié par des dizaines de parlements, soit ceux de tous les pays de l’UE et certains gouvernements régionaux. Si l’un d’eux – un seul – rejette l’accord, on se retrouvera en terrain inconnu pour ce qui est de sa mise en œuvre.
Le Canada doit lui aussi ratifier l’AÉCG. Le SCFP demande donc au gouvernement fédéral et à tous les gouvernements provinciaux de reporter la ratification de l’accord jusqu’à ce que les préoccupations que nous avons soulevées soient réglées.
Les membres du SCFP savent que l’AÉCG menace les services publics, les bons emplois et l’avenir même de nos communautés. Nous appuyons le commerce équitable, mais pas les accords commerciaux comme l’AÉCG qui favorisent les entreprises privées au détriment de l’ensemble des Canadiens.