Kelti Cameron | Employée du SCFP
Graham Cox | Employé du SCFP 

Des manifestant(e)s défilent dans le centre-ville d’Ottawa dans le cadre de la marche mondiale pour le climat en 2019. Photo : Pierre Ducasse
La justice climatique est publique. Il est de plus en plus évident que les gouvernements qui continuent de suivre l’exemple du secteur privé et les règles du système économique actuel seront incapables de composer avec la crise climatique. Les jeunes générations, elles, comprennent bien l’urgence de sauver la planète et le fait qu’une transition énergétique vers des alternatives à faible émission de carbone et une baisse de la consommation ne doit pas reposer sur les entreprises et leurs « solutions » mercantiles. 


On constate, au fil du processus, une croissance de la légitimité d’exercer des pressions sur les gouvernements par le biais d’actions de masse et dans la solidarité avec les communautés autochtones et vulnérables du Sud.  

Une nouvelle génération de leaders de tous les secteurs de la société s’alimente de colère et de déception face à l’incapacité des gouvernements à affronter la crise climatique. Après tout, les incendies sont incontrôlables, tandis que la hausse des températures et les catastrophes naturelles évitables tuent des populations et des écosystèmes entiers. Comment pouvons-nous les soutenir ? Comment pouvons-nous les rejoindre ?

Le Programme syndical pour un avenir énergétique public à faible émission de carbone

La plupart sont d’accord sur le problème, moins sur la solution. En prévision de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP26) de l’année dernière, on a créé le Programme syndical pour un avenir énergétique public à faible émission de carbone à Glasgow, en Écosse. Dirigé par Trade Unions for Energy Democracy (TUED), ce programme tente de rallier le mouvement syndical international derrière un effort politique ambitieux pour provoquer un changement fondamental dans les politiques climatiques et énergétiques.

Il s’agit d’un effort remarquable visant à définir concrètement les changements nécessaires pour corriger les défaillances du libre marché et garantir que la transition énergétique requise soit socialement juste, économiquement viable et efficace dans l’atteinte des objectifs climatiques.

TUED, avec le soutien du SCFP, propose des alternatives pro-secteur public qui remettent en question les politiques de « croissance verte » des entreprises et s’organise autour du caractère essentiel de la main-d’œuvre et du mouvement syndical mondial comme élément clé de la solution. Les travailleuses et travailleurs du monde entier craignent l’impact de la transition énergétique sur leur emploi, leurs moyens de subsistance, et à juste titre, puisque les emplois seront affectés.

Le travail du SCFP avec TUED a jeté les bases qui positionnent les travailleurs et travailleuses non pas comme des victimes de la crise, mais comme des visionnaires capables de mettre en œuvre des solutions justes. La propriété publique et le contrôle démocratique sont des aspirations non négociables.

Une transition juste vers des solutions publiques

Étant le plus grand syndicat du Canada, le SCFP intervient depuis des années en réponse à la crise climatique. Cette crise s’intensifiant, il est temps de renforcer notre position. Et les politiques de transition juste sont centrales à notre réponse. Nous avons la responsabilité de donner un exemple environnemental positif ; les membres du SCFP peuvent faire partie de la solution et contribuer à la construction d’une économie plus durable.

La transition juste est une philosophie du changement dans laquelle on s’assure que les travailleuses, les travailleurs, leurs proches, leur communauté et l’économie en général soient épargnés par l’impact négatif des changements massifs dans la production et le travail. L’humanité tout entière est confrontée aux changements climatiques, mais tout le monde ne contribue pas de manière égale au problème et tout le monde n’y est pas aussi gravement exposé.

Les solutions pro-secteur public intègrent l’idée qu’une transition juste, au-delà de la création d’emplois, ne doit oublier personne. Celle-ci doit aussi défendre la propriété publique et le contrôle démocratique de l’énergie, des transports et des autres services publics essentiels.

En mars 2019, un groupe de femmes, déléguées du SCFP et d’autres syndicats, ont quitté les réunions de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies pour se joindre aux étudiantes rassemblées dans les rues de New York pour exiger une action urgente contre les changements climatiques. Photo : Hatnim Lee
Sans propriété publique ou prise de décision démocratique, nous courons le risque de dépendre du même secteur corporatif qui nous a mis dans ce pétrin avec sa promotion de solutions mercantiles et sa volonté d’accaparer les terres et les profits aux dépens de la planète.


Les intérêts du secteur privé sont fondamentalement différents des nôtres, en plus de perpétuer les inégalités sociales. Nous devons donc revenir à des méthodes de travail plus durables, partager les bienfaits de la transformation économique et fournir un emploi décent à tout le monde.

Les travailleuses et travailleurs au cœur de la transition économique

La transition vers une économie carboneutre va nécessiter des investissements massifs, mais aussi beaucoup de travail. La plupart des tâches reliées au développement de systèmes et de services résilients face aux changements climatiques (en dehors de la production, de la transmission, de la distribution et du stockage d’énergie) sont réalisées par de la main-d’œuvre de première ligne, essentiellement du secteur parapublic. La mise à niveau des infrastructures, la maintenance des systèmes de contrôle de l’environnement dans les bâtiments et l’installation de nouvelles technologies écoénergétiques pour créer des environnements de travail durables sont essentielles à la réduction des émissions.

Et la lutte pour une économie durable passe par la rétention de métiers spécialisés, de personnel d’entretien, de services de haute technologie et de services de soutien axés sur les personnes au sein des institutions publiques. Or, pour retenir et recruter des gens qualifiés, il faut offrir un salaire décent, des conditions de travail sûres et un accès juste et équitable à la formation et à l’apprentissage, en plus d’éliminer la précarité d’emploi.

Pour préparer une transition juste et équitable, nous devons valoriser le travail des gens qui rendent la transition possible.

Et on ne parle pas de reconnaître uniquement les gens qui maintiennent notre lieu de travail, mais aussi ceux et celles qui fournissent des services de première ligne à nos proches pendant que nous sommes au travail, qui forment la prochaine génération dans les écoles et les universités, qui nous transportent au travail et aux activités récréatives, et qui prodiguent les soins de santé et services sociaux pour que nous puissions tous et toutes participer pleinement à la transformation positive de notre économie et réduire notre empreinte.

La transition nécessitera beaucoup d’argent et de ressources, et ceux-ci devront profiter équitablement aux gens, sans quoi elle ne se fera pas. C’est aussi vrai au Canada que partout ailleurs.

La justice climatique comme priorité mondiale

Des milliers de manifestant(e)s, dont un grand nombre de jeunes et de syndiqué(e)s, ont défilé dans le centre-ville de Montréal le 23 septembre 2022 dans le cadre de la marche pour le climat qui est devenue une tradition annuelle depuis la présence de Greta Thunberg à la grève de l’automne 2019.
À l’échelle mondiale, les syndicats, les groupes confessionnels, les peuples autochtones, les agriculteurs et agricultrices, les réseaux de justice raciale ou soutenant les personnes migrantes travaillent à l’avènement de la justice climatique. Ils représentent les communautés les plus touchées par les changements climatiques.


Ils se trouvent souvent, mais pas exclusivement, dans des pays « en développement » où les pays riches, comme le Canada, sous-traitent leur production pour bénéficier d’une main-d’œuvre à bas salaire et utilisent des procédés plus nocifs pour l’environnement. C’est là aussi que des multinationales extraient des ressources, détruisant les terres et pillant la richesse minérale.

Dans ce contexte, la lutte pour la propriété publique de l’énergie nécessite notre solidarité avec les mouvements démocratiques de ces pays, notre opposition à la politique étrangère et notre plaidoyer pour l’imposition des sociétés canadiennes qui accélèrent la crise climatique ou qui empêchent les politiques d’y faire face.

Mettre en œuvre une transition juste signifie s’assurer que tous les travailleurs et travailleuses et toutes les communautés sont non seulement inclus dans la transition, mais jouent un rôle démocratique dans les décisions concernant les changements qui se produiront et les gens qui bénéficieront de l’investissement. Le processus de transition démocratique doit inclure les voix et le vécu de tous les peuples. Et cette transition inclusive doit intégrer la justice raciale, historique et autochtone dans la planification et la mise en œuvre d’une économie durable.

C’est dans nos milieux de travail que nos efforts vers une économie durable se matérialisent. Et ceux qui sont syndiqués préparent le terrain pour intégrer les travailleuses et travailleurs au débat sur les meilleures façons de mettre en œuvre une transition juste et équitable.

Si nous élargissons cette approche ascendante, démocratique et inclusive de la justice climatique à tous les milieux de travail, nous pourrions élaborer des pratiques exemplaires et les partager dans tous les aspects de notre société.

Le travail du SCFP avec Trade Unions for Energy Democracy, les syndicats mondiaux et les mouvements sociaux vise à élargir notre réseau et à assurer l’existence d’un système de soutien pour la nouvelle génération de leaders qui réclameront la propriété publique comme principe fédérateur de notre avenir.

Téléchargez la mise à jour de la Politique environnementale du SCFP en réponse à l’aggravation de la crise climatique et abordez les questions de justice climatique par des propositions d’articles à votre prochain cycle de négociations collectives.