L’inflation demeure si basse depuis si longtemps, au Canada comme dans beaucoup d’autres pays, que les banques centrales qui tentent de la pousser vers le haut, sont à court d’explications pour comprendre le phénomène.

L’inflation a atteint une moyenne de 1,5 % par année depuis 2008, ce qui est bien inférieur à la cible de 2 % visée par la Banque du Canada.

Comme le chef du service monétaire et économique de la Banque des règlements internationaux, Claudio Borio, l’a affirmé :

Les banques centrales ont probablement l’impression d’être passées de l’autre côté du miroir. Et ça se comprend. Elles avaient l’habitude de se débattre pour ralentir ou contrôler l’inflation. Voilà qu’elles se démènent pour l’accélérer. Elles craignaient les hausses salariales ; aujourd’hui elles les encouragent. Elles craignaient la relance budgétaire ; elles vont jusqu’à la réclamer. La lutte à l’inflation a défini la génération de banquiers centraux de l’après-guerre. Son encouragement pourrait bien définir la génération d’aujourd’hui.

Pourquoi les banques centrales veulent-elles stimuler l’inflation ? Elles cherchent notamment à éviter la déflation, soit des chutes des prix répétées, comme ce fut le cas durant la Grande Dépression. La déflation peut avoir des conséquences encore plus graves que l’inflation. Si une inflation plus importante est accompagnée d’une hausse des salaires plus forte, la situation financière des familles risque de s’améliorer, ce qui donnera plus de marge de manœuvre aux banques centrales pour intervenir dans l’avenir.

La plupart des facteurs qui limitent les augmentations de salaire, comme la mondialisation et le boom de la technologie de l’information, semblent aussi contribuer à freiner l’inflation et à limiter la hausse des prix à long terme. Mais peut-être que l’inflation prend simplement plus de temps à se matérialiser ? Avec le resserrement de l’économie, la Banque du Canada s’attend à ce que l’inflation progresse de 2 % dans la seconde moitié de 2018 et qu’elle se maintienne à ce niveau par la suite.

Alors que les économistes et les banques centrales ont de la difficulté à expliquer le comportement global de l’inflation, les Canadiens ordinaires, particulièrement les membres des familles à petit ou à moyen revenu, sont frappés de plein fouet par la hausse des prix.

La volatilité des prix de l’énergie et des aliments provoque les plus grandes variations au niveau de l’inflation et les impacts négatifs les plus importants pour les familles à faible revenu et la classe moyenne. Depuis 15 ans, les prix de l’énergie et des aliments augmentent plus rapidement que l’inflation moyenne.

Le coût du logement a bondi, mais la faiblesse des taux d’intérêt a gardé les prêts hypothécaires abordables. Or, les taux d’intérêt vont grimper, puisque la Banque du Canada a augmenté son taux directeur. Une hausse des taux d’intérêt d’un point de pourcentage fera augmenter les versements hypothécaires d’environ 50 dollars par mois ou de 600 dollars par année pour chaque tranche d’emprunt de 100 000 dollars amorti sur 20 ans.

Les autres coûts qui ne cessent d’augmenter ces derniers temps sont les tarifs que facture l’État pour les services publics, comme l’eau, l’éducation postsecondaire, le transport collectif ainsi que les services sportifs et récréatifs communautaires. Ces tarifs ont tous augmenté plus rapidement que l’inflation moyenne, car les gouvernements transfèrent toujours plus de coûts vers l’usager au lieu de financer les services avec les impôts prélevés. Dans certaines régions, on augmente même les tarifs exigés pour l’eau afin de compenser les baisses d’impôts !

D’ailleurs, depuis 15 ans, les tarifs exigés pour l’eau ont augmenté plus vite, en moyenne, que tout autre élément entrant dans le calcul de l’indice des prix à la consommation. On parle, à l’échelle nationale, d’une hausse annuelle de 6 %, ce qui totalise 141 % en 15 ans. C’est en Saskatchewan et en Ontario que les tarifs pour l’eau ont augmenté le plus. Le Québec, lui, a enregistré une baisse.

On ne connaît peut-être pas les causes de l’inflation globale, mais on sait pourquoi certains prix augmentent. Malheureusement, ce sont ceux qui font le plus mal aux travailleurs.

Water Rates Winter 2018