Le nord de la Saskatchewan, une région remarquable pour sa beauté naturelle et sa culture foisonnante, se démarque par ses petites communautés tissées serrées et la grande richesse de leurs traditions, de leurs langues et de leurs modes de vie. De nombreuses personnes y parlent mitchif, cri ou déné et vivent selon des traditions ancrées dans le partage, le don, la pêche, la chasse et la cueillette. Or, malgré la richesse de son patrimoine, cette région nordique est aux prises avec un sous-investissement chronique et une grande pauvreté.
 
À cet égard, le SCFP s’est lancé dans une nouvelle initiative ciblée : un projet pilote d’engagement avec les communautés autochtones et nordiques afin d’aborder ces défis dans le respect des modes de vie locaux, de manière à instaurer un lien de confiance mutuelle et à faire entendre la voix des populations du nord de la Saskatchewan. 
 
Ce projet pilote est né d’un constat : les communautés nordiques sont celles qui connaissent la plus forte croissance démographique de la province. Toutefois, dans ces communautés, autochtones pour la plupart, les modes de vie et les cultures ont évolué loin des centres urbains de la province. En 2022, l’Université de la Saskatchewan a publié les résultats d’un projet de recherche mené en coopération avec sept communautés nordiques. Il en ressort que les gens du Nord veulent des emplois bien rémunérés, des services éducatifs pour leurs enfants dans leur communauté, davantage de ressources dans leur région, et la possibilité d’y vivre toute leur vie. 
 
Le SCFP est le syndicat par excellence de l’action communautaire. Plutôt que de reproduire les modèles syndicaux urbains existants, nous voulons adapter notre approche aux réalités locales et offrir aux communautés nordiques des outils pouvant être utilisés dans leurs revendications pour de meilleures ressources, une meilleure qualité de vie et de meilleurs emplois. Notre objectif est d’établir des relations constructives, de mobiliser les membres autochtones du SCFP et de devenir un partenaire inclusif et digne de confiance dans cette région où l’éloignement et les barrières culturelles entretiennent la méfiance historique à l’égard des institutions coloniales. 
 

Des gestes sincères

Trop souvent, les organisations font des efforts de rapprochement qui se limitent à des journées de commémoration, à des reconnaissances territoriales ou à des activités ponctuelles. Le projet pilote d’engagement avec les communautés autochtones et nordiques cherche à aller beaucoup plus loin. Soucieux de comprendre les besoins réels des communautés, que ce soit dans le cadre de négociations en milieu de travail ou de conditions de vie, en passant par les difficultés de tous les jours, nous nous engageons à écouter véritablement les travailleuses et travailleurs autochtones et à devenir un allié fiable qui se dresse contre l’injustice. 
 
Nous serons près d’eux pour entendre leurs préoccupations en lien avec la précarité d’emploi, faire le point sur les conditions de travail abusives et comprendre les immenses défis liés au coût de la vie. Ces enjeux ont des répercussions disproportionnées sur les populations des régions isolées – et en particulier les femmes – où les produits de première nécessité sont chers, les salaires souvent dérisoires et les services essentiels parfois limités.
 
Cette manière d’oeuvrer sur le terrain est en phase avec notre engagement national en faveur de la réconciliation. En effet, l’Orientation stratégique du SCFP nous invite à revendiquer des changements politiques pour corriger les injustices historiques. Elle vise également à améliorer la représentation des membres autochtones dans notre syndicat, à soutenir le leadership au sein de nos sections locales, à consolider nos relations avec les organismes autochtones progressistes et à améliorer la qualité de vie des peuples autochtones. 
 
Le projet pilote d’engagement avec les communautés autochtones et nordiques constitue notre feuille de route pour réaliser ces objectifs par l’action communautaire en Saskatchewan, en plaçant l’aspect relationnel au coeur de chaque stratégie. 
 

Des réalités bien différentes

La vie dans le nord de la Saskatchewan est bien différente de celle dans les régions au sud. L’économie y repose sur de petits milieux de travail disséminés et les emplois s’y font rares, ce qui confère aux employeurs une autorité considérable sur leur personnel. Ajoutons à cela le coût élevé des articles de première nécessité comme les aliments et le logement, et ce déséquilibre de pouvoir rend les travailleuses et travailleurs encore plus vulnérables. 
 
Or, une étude récente du Centre for Future Work a démontré que les conventions collectives que les syndicats négocient contribuent à combler les écarts salariaux, à obtenir des avantages sociaux et à stabiliser les emplois pour les groupes d’équité. Ces constatations, qui légitiment nos efforts pour renforcer les négociations collectives et procurer des améliorations tangibles sur le terrain, touchent directement les communautés autochtones du nord de la Saskatchewan, qui doivent composer avec le haut coût de la vie, une pénurie d’emplois bien rémunérés et des obstacles de taille pour contester les pratiques déloyales des employeurs. 
 
L’adhésion à un syndicat permet aux travailleuses et travailleurs de s’impliquer activement pour améliorer leurs milieux de travail, les rendant plus représentatifs et mieux adaptés à leurs réalités culturelles et en assurant la transparence des cheminements de carrière. De plus, en sensibilisant leurs membres aux pratiques antidiscriminatoires, les syndicats favorisent la sécurité et l’équité dans les milieux de travail et les communautés. À long terme, un engagement communautaire sincère et la négociation collective peuvent produire des améliorations concrètes, tant du point de vue des moyens de subsistance individuels que sur le plan du bien-être collectif.
 
Bien que la syndicalisation constitue un outil puissant, notre démarche initiale n’a pas pour objectif de gagner de nouvelles adhésions. Au SCFP, nous chercherons plutôt à tendre l’oreille pour comprendre les réalités de ces communautés, à apprendre de leurs leaders, à être un allié lors des rassemblements communautaires et à raconter des histoires qui illustrent les avantages pour tous et toutes d’unir nos forces.

Des divisions scolaires unies 

L’une de nos priorités est de soutenir le personnel de l’éducation dans l’ensemble de la Saskatchewan, en particulier dans les divisions scolaires du nord de la province. À l’heure actuelle, chacune de ces 16 divisions scolaires mène des négociations individuelles. Si les grandes divisions scolaires des centres urbains sont relativement bien dotées en ressources, les petites divisions scolaires des régions éloignées ont, quant à elles, du mal à atteindre la parité. Cette fragmentation des négociations affaiblit le pouvoir de négociation des travailleuses et travailleurs et se traduit par des écarts en matière de salaires, d’avantages sociaux et de sécurité d’emploi. 
 
En encourageant les divisions scolaires à se concerter et à mettre en place une stratégie commune, nous pouvons les aider à obtenir une rémunération juste, une répartition plus équitable des ressources et plus de stabilité. 
 
Notre syndicat est déjà présent à certains endroits comme la communauté métisse d’Île-à-la-Crosse, où le personnel de soutien de la division scolaire locale est affilié au SCFP. Nous tablerons sur ces relations pour en tirer des enseignements, identifier des personnes pour représenter les communautés et partager de l’information sur l’évolution de leurs conditions de travail grâce aux conventions collectives. Ces témoignages pourraient inciter d’autres personnes, dans les localités voisines, à envisager de se syndiquer pour défendre l’équité au travail. 
 

Éduquer et mettre en commun nos apprentissages 

Notre projet pilote a également pour but de sensibiliser les membres et le personnel du SCFP aux droits des peuples autochtones, aux réalités culturelles et au paysage social du Nord. Beaucoup d’entre nous vivent et travaillent dans de grandes villes et ne comprennent pas nécessairement les obstacles auxquels les communautés nordiques sont confrontées. En multipliant les occasions d’apprendre des communautés du Nord – par des visites sur place, des séances de formation, la présence aux activités culturelles ou la prise de contact avec les groupes locaux – nous approfondirons notre compréhension et le respect mutuel afin d’établir une véritable collaboration.
 
D’ici là, nous établirons le dialogue avec les travailleuses et travailleurs non syndiqué(e)s en leur transmettant des documents culturellement adaptés en anglais, mitchif, cri et déné pour expliquer qui nous sommes et de quelles façons nous pouvons travailler à leurs côtés. Notre objectif est de démystifier les syndicats, d’apaiser la méfiance envers les procédures complexes et de créer un espace bienveillant propice au dialogue et au suivi.
 

Joindre le geste à la parole

Le projet pilote d’engagement avec les communautés autochtones et nordiques encourage le parrainage d’activités communautaires autochtones (festivals, rassemblements, célébrations), la participation à ces activités ainsi que la prise de contact préalable avec les leaders des communautés afin de leur apporter notre soutien. Nous installerons des kiosques et susciterons des conversations individuelles pour renseigner les gens sur les actions et les campagnes du SCFP, telles que L’eau, c’est la vie. Une fois les tentes démontées, nous resterons également en contact afin de maintenir les liens que nous aurons alors tissés. Notre engagement se veut cohérent et durable : nous voulons établir de véritables partenariats qui peuvent durer dans le temps. 
 
Notre approche tient compte des torts du passé, que nous nous engageons à aborder en collaborant avec les communautés, plutôt qu’en leur imposant des  solutions. Cette approche préparera le terrain pour de futures démarches de syndicalisation plus tangibles, adaptées aux cultures autochtones, où les politiques en milieu de travail seront déterminées par les valeurs locales. Le travail de longue haleine que mène le SCFP en faveur de la réconciliation témoigne de nos efforts sincères pour nous rapprocher des peuples autochtones et travailler à leurs côtés pour défendre les questions qui leur importent le plus. Notre stratégie se veut une invitation au respect mutuel et au dialogue ouvert afin de démontrer que les membres du SCFP se soucient réellement des priorités du Nord. 
 

Un modèle pour l’avenir

Bien que ce projet pilote vise les communautés autochtones et éloignées de la Saskatchewan, qui ont trop souvent été négligées, les leçons que nous en tirerons pourront être transposées à nos efforts de rapprochement avec les peuples autochtones ailleurs au Canada. Au fur et à mesure que nous obtiendrons des résultats concrets – comme de meilleures conditions de vie et de travail – nous pourrons adapter ce modèle à d’autres provinces et territoires. En effet, de nombreuses communautés autochtones sont confrontées à des problèmes similaires : éloignement, coût de la vie exorbitant, vieilles habitudes de mise à l’écart des décisions importantes.
 
L’établissement de relations solides dans les régions éloignées ne se fera pas du jour au lendemain. Ce travail demandera du temps, de la patience et un dialogue sincère. Nous devrons être présents, faire preuve de constance et d’écoute pour apprendre des expériences vécues dans les communautés, et nous engager sur le long terme pour obtenir des résultats qui améliorent la vie des travailleuses et travailleurs. Les communautés nordiques méritent d’être entendues. Elles méritent que l’on respecte leur réalité locale. Ce faisant, nous espérons bâtir un mouvement syndical plus inclusif, qui permet aux voix autochtones de se faire entendre, de définir elles-mêmes leurs pratiques syndicales et d’aborder de front leurs besoins. 
 
Ce travail de réconciliation, c’est l’affaire de tout le monde. Nous sommes le plus grand syndicat canadien et nous avons un rôle majeur à jouer à cet égard. S’il est couronné de succès, ce projet pilote marquera une étape importante vers une véritable réconciliation et des communautés plus fortes et plus en santé. Nous entrevoyons un avenir où les travailleuses et travailleurs des communautés autochtones et nordiques auront conscience de leur pouvoir au travail et dans leur communauté. Plus que des efforts éphémères, nous mettrons en place des partenariats durables dans notre lutte commune pour ce qui compte le plus. Nous avons la conviction que cette approche peut apporter un changement durable, non seulement dans le nord de la Saskatchewan, mais aussi dans l’ensemble du pays.