Au Canada, les administrations municipales sont toujours aux prises avec des demandes de services qui dépassent leurs revenus. Le financement fédéral en matière d’infrastructure aide, mais il ne répond pas à tous les besoins. En fin de compte, il faudra trouver d’autres sources de revenus durables et progressives.
Les municipalités sont responsables de la construction, du fonctionnement et de l’entretien de près de 60 pour cent de l’infrastructure publique au pays. Pourtant, elles n’obtiennent qu’environ 12 cents de chaque dollar d’impôt payé au Canada. Moins de 20 pour cent des dépenses totales des administrations municipales vont aux investissements dans les immobilisations d’infrastructure. Plus de 80 pour cent vont directement aux services, ainsi qu’à l’exploitation et à l’entretien. Il n’est ni viable ni possible d’assumer ces coûts d’infrastructure avec seulement 12 cents de chaque dollar d’impôt, même si les gouvernements fédéral et provinciaux fournissent une partie du financement.
Les municipalités canadiennes dépendent fortement des taxes et des frais qu’elles ont le droit de percevoir. Elles sont très limitées quant aux sources de revenus directs qu’elles peuvent utiliser. En comparaison, la plupart des villes européennes et américaines ont plus facilement accès aux impôts sur le revenu et aux taxes de vente. Les Canadiens se retrouvent par conséquent avec des taux d’impôts fonciers parmi les plus élevés au monde, deux fois la moyenne de ceux des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Les municipalités doivent pouvoir compter sur des sources de revenus plus diversifiées qui croissent au même rythme que l’économie. Elles doivent aussi surveiller attentivement les effets de leurs taxes et de leurs sources de revenus sur les familles à faible et moyen revenu. De nombreuses sources de revenus municipaux, comme l’impôt foncier et les frais d’utilisation, sont régressives et obligent les plus pauvres à payer une plus grande part de leur revenu pour les taxes ou les frais que ceux dont les revenus sont plus élevés. Le système fiscal du Canada est devenu plus inéquitable au cours des trois dernières décennies et a contribué à l’augmentation des inégalités. Le recours accru à des sources régressives comme les frais d’utilisation, les taxes foncières et les taxes sur la consommation y ont aussi contribué.
Ces taxes et ces frais d’utilisation régressifs ne plaisent pas au public et avec raison. Il est crucial, pour notre santé sociale et économique, que les municipalités aient accès à de nouvelles sources de financement qui permettent de répartir les coûts équitablement en fonction de la capacité de payer des citoyens.
Pour favoriser la discussion sur la nécessité d’un financement adéquat et équitable pour les municipalités, le SCFP a publié Financer un avenir meilleur : des sources de revenus progressives pour les municipalités du Canada. Ce rapport de recherche énumère en détail les options progressives de financement qui s’offrent aux municipalités canadiennes. Le SCFP a aussi produit un document d’information sur le sujet intitulé Pour de meilleures communautés : trousse d’outils pour un financement équitable pour les municipalités du Canada. On peut se procurer les deux ouvrages à scfp.ca/municipalites.
Ces documents présentent les différentes sources de revenus actuelles et potentielles des municipalités en évaluant les avantages et les inconvénients de chacune et en analysant leur équité. Ils permettent aussi de mieux comprendre les finances municipales, ce qui est pertinent tant pour les cadres municipaux que pour le public.
Bien que presque toutes les municipalités du Canada dépendent lourdement des impôts fonciers et des frais d’utilisation pour la majeure partie de leurs revenus, certaines provinces permettent aux municipalités d’avoir accès à d’autres sources de revenus : le partage de revenus spécifiques, des mesures de partage des taxes et des surtaxes régionales sur les carburants. Ce sont des avancées positives qui devraient inspirer les autres provinces.
Dans de nombreux cas, les municipalités ne tirent pas avantage des sources de revenus directs qui sont disponibles. Ces sources pourraient amener des revenus additionnels et empêcher les réductions de services, voire les améliorer, et tout cela de manière progressive.
Toutefois, les revenus associés à beaucoup de ces sources sont en général inférieurs à ce qui pourrait être perçu grâce à des taxes de vente et à des impôts sur le revenu plus élevés. Dans bien des pays, les municipalités ont accès à ces sources de revenus. Les provinces auraient intérêt à permettre aux municipalités d’avoir accès à d’autres sources plus importantes de revenus dédiés.
Le SCFP a étudié et évalué les sources de revenus et de soutien suivantes, autant actuelles que possibles :
Les taxes foncières sont généralement régressives, mais elles peuvent être rendues plus progressives en haussant les taux commerciaux et en exigeant des taux plus élevés pour les propriétés résidentielles dont la valeur est plus grande. Dans son budget 2018-2019, la Colombie-Britannique a augmenté les droits de mutation immobilière et les taxes scolaires pour les propriétés résidentielles évaluées à plus de trois millions de dollars. Ces propriétaires paient un taux plus élevé que les propriétaires de résidences moins luxueuses.
Les frais d’utilisation touchent de manière disproportionnée les personnes à faible revenu et peuvent accroître les inégalités et l’exclusion sociale. Les coûts administratifs reliés à leur perception sont élevés et ils ne constituent pas une façon très efficace de gérer l’utilisation ou la consommation. Depuis 15 ans, les frais pour les services d’eau potable et d’eaux usées ont augmenté plus que tout autre bien ou service au Canada. Dans certains cas, ces services rapportent plus d’argent qu’il en coûte pour les fournir.
Le partage des revenus et les taxes sur les carburants : certaines provinces offrent aux municipalités une part de leurs taxes sur les carburants, les ventes ou les revenus, mais seules quelques municipalités au Canada (Vancouver métropolitain, Victoria et Montréal) prélèvent des taxes locales sur les carburants. Les municipalités pourraient réclamer une partie de la tarification provinciale du carbone et des taxes sur le cannabis, puisqu’elles assument une bonne partie des coûts dans ces dossiers.
Les droits de mutation fournissent des revenus importants à de nombreuses municipalités (plus de 700 millions de dollars pour Toronto en 2018, selon les estimations). Ces droits sont plus progressifs si on applique des taux plus élevés aux propriétés d’une plus grande valeur.
Des organismes de financement municipaux fonctionnent dans de nombreuses provinces. Ils peuvent réduire de manière significative le coût des emprunts et fournir d’autres services précieux aux municipalités.
Les redevances d’aménagement n’arrivent souvent pas à couvrir le coût complet des nouveaux développements et de la croissance urbaine.
D’autres sources de revenus et de financement, incluant les taxes sur les entreprises, les taxes d’amélioration locale et les taxes d’amusement et de publicité, sont offertes dans certaines provinces, mais pas toutes.
Enfin, les administrations municipales doivent comprendre que le financement privé (qu’il provienne d’un partenariat public-privé, de la Banque de l’infrastructure du Canada ou d’autres mécanismes) ne constitue pas une nouvelle source de revenus ni une solution à leurs problèmes de financement. En effet, les prêts ou les investissements effectués par des entreprises privées devront éventuellement être remboursés à même les fonds publics ou par une hausse des frais d’utilisateurs.
Le SCFP soutient les municipalités qui veulent avoir accès à un éventail plus large de sources de revenus progressives. Cette diversification nous aidera à bâtir ensemble des communautés encore plus solides.