Les récentes déclarations du premier ministre relayées par les médias montrent une « insensibilité » à l’égard de la crise dans les hôpitaux, où l’engorgement a progressé de 30 % depuis 2018, précise Michael Hurley, président du Conseil des syndicats d’hôpitaux de l’Ontario du SCFP (CSHO-SCFP), en faisant référence à la bévue commise par Doug Ford à propos des patient(e)s en surnombre qui avaient la possibilité de recevoir un traitement dans un nouvel hôpital vétérinaire.
Michael Hurley participait à une conférence de presse virtuelle pour dévoiler les conclusions d’une nouvelle étude évaluée par les pairs (en anglais seulement), laquelle sonne l’alarme sur la pénurie de personnel en Ontario qui nuit au bien-être des employé(e)s et aux soins prodigués aux patient(e)s.
L’étude Running on Empty, parue dans New Solutions: A Journal of Environmental and Occupational Health Policy, a été coécrite par les docteurs Margaret Keith et James Brophy, qui ont dirigé trois autres études depuis 2017 sur les conditions de travail dans le secteur des soins de santé de l’Ontario. Le Dr Craig Slatin, chercheur américain dans le domaine de la santé, est cochercheur.
« Le personnel de la santé nous met en garde quant à l’avenir de notre système public, affirme la Dre Keith. Ces personnes ont exprimé un profond sentiment d’insatisfaction, de désespoir, de tristesse, de colère et de frustration à l’égard de leurs conditions de travail et de la qualité des soins aux patient(e)s. Dans l’ensemble, elles se sentent abandonnées, surmenées et méprisées, une situation qui résulte du sous-financement chronique et du manque de personnel. »
Elle fait remarquer que l’Ontario se classe parmi les dernières provinces au pays en matière de mesures de financement essentielles en santé, et au dernier rang quant aux dépenses hospitalières par habitant, avec 18 % de personnel hospitalier en moins comparativement au reste du Canada.
D’après l’étude, même si les problèmes de dotation existaient avant la pandémie, les conditions de travail se sont détériorées depuis 2020 avec l’augmentation du nombre de patient(e)s et la baisse de personnel. Résultat : les travailleuses et travailleurs sont constamment appelé(e)s à prendre soin d’un plus grand nombre de patient(e)s et à effectuer des heures supplémentaires, ce qui entraîne fatigue et épuisement professionnel.
« Notre téléphone sonne sans arrêt pour nous demander de remplacer un(e) collègue. On peut finir de travailler et recevoir un appel avant même d’avoir mis les pieds dans le stationnement pour savoir si on peut rester. On peut nous appeler de temps en temps, mais ça a lieu littéralement chaque jour », précise un(e) employé(e) sondé(e) pour l’étude.
Avec la pénurie de personnel qui entraîne une fermeture sans précédent des salles d’urgence, une hausse du temps d’attente et une augmentation du ratio infirmière/infirmier-patient(e)s, les travailleuses et travailleurs constatent une baisse marquée de la qualité des soins. Une infirmière ou un infirmier de salle d’opération a déclaré aux chercheurs :
« On voit des gens rester dans leur lit pendant un ou deux jours, parfois trois ou quatre, parce que les salles d’opération sont trop encombrées. Et quand la personne arrive à nous, elle empeste ses propres excréments tellement elle est sale. Soit les draps n’ont pas été changés, soit la personne n’a pas été adéquatement tournée et positionnée. La patiente ou le patient présente des plaies de pression, ce qu’on ne devrait jamais voir dans un hôpital. »
La recherche a été réalisée en collaboration avec le Conseil des syndicats d’hôpitaux de l’Ontario du SCFP (CSHO-SCFP), à partir d’entretiens approfondis menés avec 26 travailleuses et travailleurs hospitaliers, notamment du personnel infirmier, des préposé(e)s aux services de soutien à la personne, du personnel d’entretien et du personnel de bureau.
Les conclusions de l’étude qualitative confirment les résultats du récent sondage effectué auprès de 775 membres du CSHO-SCFP : 62 % des personnes interrogées déclaraient être épuisées et très stressées; 41 % disaient redouter d’aller au travail et 44 % mentionnaient avoir du mal à dormir.
« La forte dégradation de leurs conditions de travail nuit à leur bien-être physique et mental. Mais ce qui est particulièrement éprouvant pour ces personnes, c’est qu’elles se sentent abandonnées par le gouvernement et, souvent même, par leur employeur, explique le Dr Brophy. C’est comme si votre maison était en feu et qu’il y avait une foule autour, mais que personne ne venait vous aider. On en vient à ne plus faire confiance au système. »
Le syndicat reproche au premier ministre ses propos insensibles
« Aux dernières élections, le premier ministre a promis de mettre fin à la médecine de couloir. Aujourd’hui, 1 400 personnes attendent sur une civière », souligne Michael Hurley.
Ce dernier précise que la capacité hospitalière est limitée par le manque de personnel qui pourrait s’aggraver avec la pénurie imminente de 70 700 infirmières et infirmiers et préposé(e)s aux services de soutien à la personne d’ici 2027 (en anglais seulement), d’après un document gouvernemental ayant été divulgué.
« On pensait que le gouvernement serait sur un pied de guerre et mobiliserait toutes ses ressources, ajoute-t-il. Mais même si le ministre des Finances affirme que les finances provinciales se portent très bien (en anglais seulement), le financement des hôpitaux par le Parti conservateur est insuffisant pour maintenir les niveaux de service actuels, encore moins améliorer la qualité des soins. »
Par ailleurs, le syndicat a souligné la « publication de renseignements erronés » du gouvernement en réponse aux conclusions de l’étude.
D’après des représentant(e)s du gouvernement, la province a « embauché 30 000 infirmières et infirmiers » dans les deux dernières années, mais Michael Hurley indique que ce chiffre représente uniquement les nouvelles inscriptions et ne tient pas compte des personnes qui se sont désinscrites ou qui ont cessé d’exercer leur profession. Il ajoute, citant les récentes données de l’Ordre des infirmières et infirmiers publiées en août 2024, que le nombre d’infirmières et d’infirmiers en fonction n’a augmenté que de 11 263 (63 % de moins que la cible déclarée par le gouvernement).
« Le gouvernement publie les données qui font son affaire, avoue-t-il. Dans ce cas-ci, la donnée la plus pertinente est le nombre d’infirmières et d’infirmiers en exercice, qui ne suit pas le rythme des besoins des patients. La réalité, c’est que le gouvernement ne fait rien pour retenir les employé(e)s, qui sont de plus en plus démoralisé(e)s face aux coupes constantes. »