Imposer les profits tirés de la pandémie

Le directeur parlementaire du budget (DPB) a récemment estimé qu’imposer une seule fois les entreprises dont les profits ont augmenté pendant la pandémie générerait 7,9 milliards de dollars de recettes. Un tel impôt avait été instauré pendant la Seconde Guerre mondiale, l’idée étant que les entreprises qui avaient réalisé des profits grâce au conflit devaient contribuer aux coûts de reconstruction.

Le taux d’imposition des profits excessifs au Canada pendant la Seconde Guerre mondiale était de 100 %. L’estimation du DPB est basée sur un taux d’imposition fédéral sur le revenu des entreprises pour les profits jugés « excédentaires », soit supérieure aux marges moyennes de 2014 à 2019, qui passerait de 15 à 30 %. Le DPB a limité son examen aux entreprises dont le chiffre d’affaires annuel était de 10 millions de dollars ou plus au cours d’une année entre 2016 et 2020. Elles sont nombreuses.

Une étude réalisée par l’organisation Canadiens pour une fiscalité équitable a constaté qu’Extendicare, qui possède et exploite des établissements privés de soins de longue durée, est l’une des entreprises qui paieraient un impôt sur les profits excessifs. Pendant une pandémie qui a tué des milliers de personnes âgées dans les soins de longue durée, la marge bénéficiaire d’Extendicare est passée de 2,8 à 5,1 %.

Le manque de données masque les inégalités

Pendant la pandémie, les décideurs canadiens en matière de politiques publiques ont constaté que la plupart des données disponibles ne contiennent pas d’éléments spécifiques qui permettraient de s’attaquer aux inégalités existantes. Bien que la plupart des données recueillies par le gouvernement fédéral comprennent de l’information sur deux sexes (les hommes et les femmes), il est moins courant d’avoir de l’information offrant un éclairage sur les façons dont la discrimination et l’oppression fonctionnent couramment dans notre société, ce que procureraient davantage de données sur la race, l’indigénéité, l’orientation sexuelle et l’expression du genre.

Heureusement, la situation évolue, mais lentement. Le recensement de 2021 a innové en posant des questions sur le sexe à la naissance et l’identité de genre. Pendant la pandémie, l’Enquête sur la population active a commencé à recueillir des données ventilées par race, demandant aux gens d’indiquer à quelles populations racisées ils appartiennent. Le budget fédéral de 2021 prévoit aussi une enveloppe de 172 millions de dollars sur cinq ans pour la réalisation d’un plan d’action sur les données désagrégées qui améliorera les statistiques fédérales sur la race, le sexe et l’orientation sexuelle. De telles informations pourraient aider les gouvernements à identifier la discrimination systémique et à prendre de meilleures décisions pour y remédier.