Susan Kearsey, deuxième vice-présidente de la section locale 1615 du SCFP à l’Université Memorial de Saint-Jean à Terre-Neuve, voulait partager son expérience de la maladie mentale. Son récit jette un éclairage franc sur un problème important, mais trop souvent caché en raison de la crainte de stigmatisation.

Susan Kearsey, deuxième vice-présidente de la section locale 1615 du SCFP à l’Université Memorial de Saint-Jean.Si vous ou quelqu’un que vous connaissez êtes aux prises avec des problèmes de santé mentale :

  1. Trouvez de l’aide et vérifiez les ressources disponibles auprès de l’Association canadienne pour la santé mentale
  2. Informez-vous sur vos droits au travail en consultant les fiches d’information sur l’obligation d’accommodement du SCFP

Voici le récit de Susan.

Cela fait déjà plusieurs années que je songe à écrire cet article. Le sujet est délicat, et j’aimerais l’expliquer clairement. Je souffre d’une maladie mentale. La dépression et l’anxiété sont des maladies invisibles qui peuvent être très difficiles à expliquer à ceux qui n’en ont jamais été atteints. J’écris cet article parce que je crois que tout le monde devrait comprendre ce que ressentent les personnes qui en sont visctimes.

Ma lutte contre la dépression a commencé il y a environ 15 ans. Au début, je n’étais pas certaine de ce qui m’arrivait. Tous les jours, je revenais du travail exténuée. À la fin de la journée, je me jetais sur le canapé, je regardais la télé puis j’allais me coucher. Je répétais cette routine jour après jour. Le vendredi soir, je rentrais chez moi, je fermais ma porte à clé et je ne mettais pas le nez dehors jusqu’au lundi matin. Je ne vivais pas vraiment. J’étais épuisée tous les jours parce qu’à chaque minute, je faisais semblant que tout allait bien. Je souriais, je riais, je conversais et je travaillais, mais à l’intérieur, j’étais paralysée. Susan n’était plus là. Si j’étais silencieuse et que quelqu’un me demandait si tout allait bien, je répondais que j’avais mal à la tête ou que mon dos me faisait souffrir. Il était plus facile de mentir que d’admettre, aux autres comme à moi-même, que j’étais sérieusement malade.

Pourtant, je n’avais pas de qualité de vie. J’étais vide à l’intérieur. Je ne voulais rien faire. Ma télécommande était ma meilleure amie. J’évitais la famille et les amis. La meilleure façon de décrire cette période est d’imaginer que j’étais emprisonnée dans un trou noir très profond.

Voici une liste de ce qui m’arrive pendant une période de dépression :

  • perte de concentration
  • perte d’appétit
  • perte de mémoire
  • perte d’énergie (physique et mentale)
  • comportement antisocial
  • immense impression de vide et de paralysie
  • maux de tête et douleurs musculaires
  • pleurer sans raison
  • sautes d’humeur qui causent habituellement un sentiment de tristesse
  • manque d’intérêt pour quoi que ce soit
  • sentiment de solitude totale
  • manque de confiance
  • crises de panique, variant de moyennes à intenses
  • périodes de sommeil prolongées

Ma sœur s’est aperçue de ce qui se passait et je l’en remercie. Elle a eu une courte conversation avec moi pour me dire que je n’étais pas obligée de vivre de cette façon. Je ressentais alors tous ces symptômes depuis quatre ou cinq mois. J’ai enfin suivi ses conseils et j’ai pris rendez-vous avec mon médecin. Je lui faisais entièrement confiance, mais ce fut une rencontre difficile, parce qu’il fallait que je sois complètement honnête à propos d’une situation que je cachais depuis des mois. Lorsque je lui ai décrit mes symptômes, elle a posé plusieurs questions et m’a rappelée que je devais être franche. Je savais qu’elle poserait la « grande » question : Est-ce que j’avais déjà pensé au suicide? Je lui ai dit qu’il m’importait peu de m’endormir pour ne plus me réveiller. Elle a conclu que je souffrais de dépression.

Il a fallu quelques mois pour que mon cerveau s’habitue aux antidépresseurs. J’ai commencé par une faible dose que j’ai augmentée petit à petit au fil des semaines. J’ai rencontré mon médecin régulièrement, et ce, jusqu’à ce que la bonne dose soit identifiée.

Enfin, j’étais sortie du trou noir. Je reprenais ma vie en main. Je me sentais comme une prisonnière sortie de l’isolement. Le soleil brillait à nouveau. C’était magnifique. Je ne voulais plus jamais revenir à mon état d’avant le traitement. Mais vivre avec la dépression était une expérience nouvelle pour moi. De plus, je ne réalisais pas que je pouvais retomber dans mon trou noir.

Au fil des ans, mon dosage a dû être ajusté. Il y a quelques années, j’ai commencé à avoir des crises de panique. C’était nouveau pour moi. J’ai eu une importante crise au travail. Quelle expérience gênante! J’ai été secoué par des tremblements, intérieurs et extérieurs. Mon souffle était court et rapide. J’ai eu très peur et cela a aggravé la crise. Merci à mes collègues de travail qui se sont rendu compte de ce qui se passait et qui m’ont aidée à traverser cette crise.

Après, je suis retournée chez le médecin. J’ai reçu de nouveaux médicaments. Le processus de changement de médicaments a été difficile. En un mois, tout s’est cependant arrangé et je me sentais mieux. Mais, car il y a toujours un « mais » avec la dépression, j’ai eu une rechute. Ce genre de montagnes russes est loin d’être amusant. Finalement, mon médecin et moi avons trouvé le bon niveau de médication. J’ai retrouvé un certain équilibre. Les crises de panique semblaient se produire surtout le matin. J’ai découvert que je devais faire les choses lentement, parce que si je me dépêchais, j’avais une crise de panique.

J’ai aussi eu recours au programme d’aide aux employés de l’Université Memorial et consulté un psychologue privé. 

Au moment d’écrire ces lignes, je suis heureuse d’affirmer que je me sens bien, mieux que je ne me suis sentie depuis des années. Bien sûr, je suis toujours un peu inquiète parce que vivre avec la dépression est un état permanent. En effet, on ne sait jamais quand une rechute surviendra.  Je ne peux qu’espérer que ce ne sera pas avant très longtemps.

J’essaie d’être honnête et ouverte à propos de ma santé mentale. Je n’en ai pas honte. Mes médicaments me permettent de maintenir certaines composantes chimiques de mon cerveau à des niveaux « normaux ». Pour moi, ce n’est pas différent de quelqu’un qui est diabétique et qui doit prendre de l’insuline. Ce n’est pas parce que je souffre de dépression que je suis une personne faible. C’est tout simplement que certaines parties de mon cerveau ne fonctionnent pas correctement.

C’est tellement difficile de faire comprendre aux autres qu’il ne suffit pas de « se retrousser les manches et de se plaquer un sourire dans le visage ». Je ne peux pas contrôler ce qui se passe dans mon cerveau. Il est très important de comprendre cela, surtout quand on ne souffre pas soi-même de dépression. Si un membre de votre famille, un ami ou un collègue de travail est atteint d’un trouble de dépression, vous devez absolument comprendre ce principe si vous voulez l’aider. Je crois que bien des gens seraient surpris du nombre de personnes dans leur entourage qui sont atteints de dépression.

Beaucoup de personnes ne veulent pas que les autres sachent qu’elles souffrent d’une maladie mentale. Certaines ne veulent pas admettre qu’elles souffrent ce qui les oblige à lutter chaque jour. La stigmatisation à l’égard de la maladie mentale est toujours bien réelle.

Si vous vous demandez si vous souffrez de dépression, appelez votre médecin.  Soyez très honnête avec vous-même et avec votre médecin. Je crois que vous serez soulagé, comme si un lourd fardeau vous était enlevé. Si vous le pouvez, faites-le savoir aux membres de la famille et aux amis. Vous vous sentirez moins seul. Dans mon cas, cette admission m’a donné de la force.

Si vous connaissez quelqu’un qui souffre de dépression et qui est prêt à en parler, posez des questions. Pour une raison que je ne m’explique pas, je me sens mieux maintenant que je sais que mes collègues de travail sont au courant de ma dépression. Lorsque je parle aux gens, je me sens plus forte, parce que, plus souvent qu’autrement, je me rends compte que je ne suis pas seule.