Emily Turk | Services des communications du SCFP
Terrill Budd et ses collègues de la bibliothèque centrale de Calgary savent que la crise des opioïdes est à leurs portes. La succursale de Mme Budd est située dans le Downtown East Village, un quartier qui connaît un taux élevé d’interventions des services médicaux d’urgence pour des incidents liés aux opioïdes. On envisage d’ouvrir un site de consommation supervisé dans les environs.
« Au congrès, raconte-t-elle, j’ai parlé de deux de mes collègues qui, à la fermeture, ont trouvé une femme qui ne réagissait pas dans une toilette. Ils ont dû faire des manœuvres de réanimation jusqu’à l’arrivée des ambulanciers. Ce fut très troublant. »
Les bibliothèques et leurs employés ont toujours répondu aux défis sociaux et communautaires. Or, alors que le gouvernement provincial coupe dans le budget des services sociaux, les bibliothèques sont devenues les nouvelles lignes de front de l’itinérance, de la pauvreté et d’une situation d’urgence dans le domaine de la santé publique, c’est-à-dire la crise des opioïdes.
« Je vois l’impact qu’elle a sur la communauté », affirme Mme Budd, première déléguée syndicale du SCFP 1169, le syndicat des employés des bibliothèques de Calgary et de Cochrane. « C’est déchirant à voir et on le voit à tous les jours. »
Les bibliothèques canadiennes se doivent faire face depuis quelques années à la crise des opioïdes. Elles se sont dotées de politiques qui ont suscité un vaste débat sur la pertinence, pour leurs employés, d’intervenir de manière médicale, lorsqu’ils soupçonnent un cas de surdose.
Certaines bibliothèques publiques ont offert à leur personnel une formation volontaire sur l’administration de naloxone, mais celle de Calgary a plutôt choisi de munir de naloxone les agents de sécurité privés de ses succursales du centre-ville. Selon Mme Budd, il a fallu un certain temps à la bibliothèque pour décider qui administrerait ce médicament.
« Les bibliothécaires se soucient des usagers. Ils vont essayer d’aider. Cependant, nous ne sommes pas réellement formés pour gérer ces situations et, pour la plupart d’entre nous, ce n’est pas pour cela que nous avons choisi cette profession. »
Mme Budd sent une tension chez les bibliothécaires qui sont partagés entre leur rôle d’aidants voulant être utiles et faire preuve de compassion envers les usagers et les limites nécessaires de leur description de tâches. « Selon moi, c’est un problème de santé et de sécurité. Le personnel de la succursale doit se sentir en sécurité au travail. Je veux bien aider, mais en tant que bibliothécaire et non pas comme travailleuse sociale ou comme infirmière. »
« C’est un équilibre difficile à atteindre, ajoute-t-elle.
Peu importe le type de politique adoptée, elle insiste sur le fait que la participation du personnel doit être volontaire et que les travailleurs, quel que soit leur statut d’emploi, doivent être soutenus lors d’événements traumatisants. « Je me sens appuyée par mon organisation, mais je travaille dans une grande succursale, où j’ai de nombreux collègues sur qui compter. Les employés des petites succursales ressentent beaucoup plus d’anxiété. »