L’obligation d’adaptation ou d’accommodement est un concept général d’égalité qui s’applique à tous les motifs de discrimination couverts par les lois protégeant les droits de la personne et les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés relatives au droit à l’égalité.
Toutes les lois sur les droits de la personne au Canada protègent les travailleurs et travailleuses contre la discrimination au travail, y compris la discrimination fondée sur le handicap. Il peut y avoir discrimination chaque fois qu’une règle en milieu de travail, qu’une exigence du poste, qu’une politique ou qu’une pratique crée une barrière pour la personne handicapée.
Lorsqu’il existe une telle barrière dans le milieu de travail, l’employeur (ainsi que le syndicat, s’il y en a un) est tenu par la loi « d’accommoder » le travailleur, dans la mesure où cela ne lui cause aucune contrainte excessive. (Pour en savoir plus, lisez la section Qu’est-ce qu’une contrainte excessive? ci-dessous. L’accommodement peut consister en une modification de certains aspects du poste de travail, des tâches, de l’horaire, du nombre d’heures de travail ou de d’autres conditions de travail, afin que la personne puisse demeurer productive. L’accommodement peut se traduire par une réaffectation temporaire ou permanente à d’autres tâches.
Peu importe la forme que prend l’accommodement (et il en existe plusieurs autres), au final il consiste traiter la personne handicapée différemment afin qu’elle puisse être traitée avec égalité et conserver sa dignité.
Une définition large du handicap
Il existe une longue liste de problèmes pouvant nuire à la capacité à travailler d’une personne et qu’on nomme handicaps du point de vue des droits de la personne. Il y a les déficiences physiques, comme les problèmes de l’ouïe et de la vue, les maladies cardiaques, les lésions de tissu mou, le daltonisme; les déficiences d’ordre psychologique comme la dépression, le syndrome de stress post-traumatique, l’alcoolisme et la toxicomanie (qu’on classe à la fois parmi les déficiences physiques et mentales); les sensibilités chimiques et environnementales; les affections épisodiques, récurrentes et chroniques comme le VIH-sida, le diabète, le lupus et certains cancers; enfin les troubles d’apprentissage comme la dyslexie et les troubles de la mémoire.
L’employeur a l’obligation de s’adapter au handicap du travailleur ou de la travailleuse. Il doit examiner sérieusement la possibilité de modifier ses conditions de travail pour lui permettre de conserver son emploi, à moins que cela ne cause une contrainte excessive à l’employeur, au syndicat ou aux collègues de cette personne. Le syndicat, lui, a l’obligation de ne pas faire obstruction à un accommodement raisonnable et de ne pas inscrire dans la convention collective des clauses discriminatoires.
Pour bien comprendre les limitations fonctionnelles de son employé et, du coup, le besoin de s’adapter à son handicap, l’employeur a habituellement besoin de renseignements médicaux. Néanmoins, toutes les parties explorant de possibles accommodements tenteront de protéger autant que possible la confidentialité des renseignements médicaux. (Pour en savoir plus, lisez la section Les devoirs du demandeur d’accommodement ci-dessous.)
Parfois, la personne handicapée peut faire l’objet de discrimination, même si celle-ci n’est pas fondée sur son handicap. C’est qu’il arrive que l’employeur fasse des présuppositions arbitraires à propos du handicap ou des limites qu’il impose. La loi protège aussi le travailleur contre ce type de discrimination fondée sur les perceptions.
Explorer la voie de l’accommodement : une enquête commune
La recherche d’un accommodement raisonnable se fait conjointement. Dans un milieu de travail syndiqué, trois parties participent à cette recherche : l’employé, l’employeur et le syndicat. L’employeur ne peut pas exclure le syndicat de cette démarche.
L’obligation de se renseigner de l’employeur
Une fois informé (par le syndicat ou l’employé) de l’existence d’un handicap nécessitant un accommodement, l’employeur doit se mettre à la recherche d’une solution raisonnable. La démarche commence par un examen sérieux des besoins de la personne relatifs à son handicap.
Dans certaines circonstances, on s’attend ce que l’employeur s’enquiert par lui-même de l’existence possible d’un handicap nécessitant un accommodement (par exemple, si une personne affiche un comportement inhabituel au travail ou s’il est trop souvent absent).
Les devoirs du demandeur d’accommodement
Le travailleur ou la travailleuse qui demande un accommodement a le devoir de dévoiler la nature globale de son handicap et les restrictions que devra respecter l’employeur. Ces renseignements permettront à l’employeur de l’accommoder adéquatement. On doit donner suffisamment d’information sur les limitations fonctionnelles, mais il n’est pas toujours nécessaire de communiquer le diagnostic à l’employeur. Autant que possible, on évitera de le faire.
Pendant toute la démarche d’accommodement, le travailleur ou la travailleuse devra collaborer avec l’employeur et le syndicat en communicant avec eux et en acceptant un accommodement raisonnable.
Les devoirs du syndicat
Le syndicat doit participer activement à la démarche d’accommodement. Il peut être d’une grande utilité dans la détermination des adaptations possibles, en plus de défendre les intérêts du membre dans les rencontres avec l’employeur. En outre, le syndicat doit protéger les intérêts des autres membres, pour que l’adaptation ne leur cause pas une contrainte excessive. Dans certains cas, il devra peut-être faire preuve de flexibilité dans l’application de sa propre convention collective, comme lever certaines clauses, par exemple pour l’affichage du poste ou le droit d’ancienneté.
Exemples d’adaptation
Nombreux sont les lieux de travail mal pensés pour les travailleurs, handicapés ou non. Ainsi, certaines adaptations sont simples et profiteront à tout le personnel, par exemple :
- installer des rampes d’accès et des portes automatiques;
- augmenter l’éclairage;
- baisser les tablettes et les appareils pour les rendre accessibles aux personnes à mobilité réduite;
- adopter une « politique sans parfum » et d’autres mesures pour qu’aucune sensibilité chimique ne puisse être déclenchée;
- ajouter des feux clignotants au système d’alarme, pour que les personnes malentendantes comprennent que l’alerte est déclenchée.
Il existe de nombreuses autres formes d’accommodement, selon les besoins du demandeur. Voici quelques exemples supplémentaires :
- tolérer un niveau d’absentéisme élevé en raison du handicap;
- modifier ou regrouper certaines tâches pour que l’employé puisse continuer à travailler;
- modifier les horaires ou la durée des quarts de travail;
- accorder à l’employé accommodé une période d’essai à son nouveau poste;
- permettre à l’employé de continuer à accumuler de l’ancienneté pendant ses périodes d’absentéisme ou d’heures réduites liées à son handicap;
- tolérer un rendement inférieur;
- muter le demandeur à un lieu de travail moins exigeant ou qui simplifie ses allers-retours au travail;
- dans certains cas, établir de nouvelles modalités d’emploi qui permettront à l’employé de conserver un emploi productif.
Il y a autant d’accommodements possibles que de personnes ayant besoin d’un accommodement. Le devoir de l’employeur consiste à s’adapter, tant que cela n’entraîne pas une contrainte excessive.
Qu’est-ce qu’une contrainte excessive?
L’obligation d’accommodement s’arrête :
- lorsque le travailleur ou la travailleuse a été accommodé avec succès (cependant de nouveaux besoins peuvent survenir et l’employeur aura alors le devoir de s’adapter à nouveau);
- lorsqu’on atteint le stade de la contrainte excessive à l’employeur ou au syndicat ou aux autres employés.
Les préjugés arbitraires ne constituent pas une contrainte excessive. Il faut pouvoir démontrer la présence d’une telle contrainte.
La Cour suprême du Canada a identifié certains facteurs à considérer pour déterminer si la contrainte excessive est atteinte, soit :
- le coût;
- la sécurité au travail;
- l’atteinte à la convention collective;
- l’effet de l’accommodement sur le moral des autres travailleurs;
- l’interchangeabilité des postes ou des lieux de travail;
- la taille de l’entreprise.
Le coût et la sécurité au travail sont les facteurs les plus importants.
Le coût financier doit être lié directement l’accommodement. Il doit être démontré et non seulement hypothétique. Il doit être substantiel, c’est-à-dire qu’il doit mettre en péril la viabilité de l’employeur.
On prendra toujours au sérieux les éléments concernant la sécurité au travail. Il arrive qu’un employeur cherche se défiler de son obligation d’accommodement en prétendant qu’il se préoccupe de la sécurité des travailleurs. Les problèmes de sécurité au travail servant à déterminer s’il y a contrainte excessive devront être raisonnables, réels, et non hypothétiques. Il peut s’agir de la sécurité de la personne qui recherche un accommodement, de ses collègues, des clients, des patients, etc.
Faire respecter le droit à l’accommodement
Les personnes syndiquées ont un avantage que les non syndiquées n’ont pas. Si leur employeur n’assume pas son devoir d’accommodement, elles peuvent déposer un grief, voire aller en arbitrage. À ce chapitre, les membres du SCFP connaissent beaucoup de succès. À travers le pays,les délégués syndicaux du SCFP aident quotidiennement les personnes ayant besoin d’accommodements. Le personnel du SCFP négocie des ententes d’accommodement et des protocoles de retour au travail, en plus d’offrir à ses membres de la formation sur l’obligation d’accommodement.
Le travail du SCFP dans les dossiers liés aux droits des personnes handicapées est orienté en partie par le Groupe de travail national des personnes ayant un handicap. Ce comité est composé de membres ayant un handicap qui conseillent le syndicat dans les enjeux touchant les personnes handicapées.