Angella MacEwen
« Ce serait formidable si nous pouvions disposer de plus de services publics universels de qualité, mais est-ce que nous pouvons nous les payer? » À chaque campagne électorale, certains politiciens répètent cette rengaine. Et trop souvent, après le vote, nous devons nous contenter de baisses d’impôt pour les entreprises et de réductions ou des crédits d’impôt ciblés pour la « classe moyenne ». Une poignée de citoyens récupèrent ainsi un peu d’argent sur leur déclaration de revenus, tandis que des compressions sont effectuées dans les services au détriment de la majorité des gens.
Il est toutefois possible de faire les choses autrement. Être capable de se payer quelque chose ne se limite pas seulement à la « bière à un dollar » de Doug Ford. En termes de services publics, la capacité de payer doit aussi tenir compte des économies réalisées grâce à ces mêmes services. Par exemple, les familles économiseraient 500 dollars par année avec un régime d’assurance-médicaments universel entièrement financé par le gouvernement. Le programme de services de garde du Québec permet déjà aux familles ayant de jeunes enfants d’économiser des milliers de dollars par année. Le plan du NPD visant à rénover toutes les habitations au Canada d’ici 2050 ferait économiser aux familles au minimum 900 dollars par année.
C’est pourquoi le SCFP encourage ses membres et ses sections locales à s’impliquer dans cette campagne électorale pour faire avancer les enjeux importants pour les travailleurs. Nous avons la possibilité d’élire un gouvernement qui renfor- cera nos services publics et qui créera des emplois bien rémunérés; un gouvernement qui instaurera un régime national d’assurance-médicaments, qui construira des logements abordables et qui adoptera des mesures audacieuses pour lutter contre les changements climatiques.
Rendre les services publics universels présente plusieurs avantages. Comme tout le monde a intérêt à ce que les services soient efficaces et accessibles, il est plus difficile pour les gouvernements d’effectuer des compressions. À l’inverse, les programmes ciblés créent presque toujours des situa tions où une personne a trop d’argent pour avoir droit à l’option publique, mais pas assez pour payer l’option privée. C’est le cas de plusieurs services essentiels comme les médicaments, les soins dentaires, les soins de santé mentale, les services de garde, le transport en commun et le logement. L’universalité réduit les inégalités et favorise la solidarité sociale, comme l’ont montré les auteurs Richard Wilkinson et Kate Pickett dans L’Égalité, c’est mieux.
Même si vous n’avez pas besoin de soins, d’assurance-médicaments ou de services de garde pour l’instant, il est bon de savoir que de l’aide sera là lorsque nécessaire. Nous tirons beaucoup plus de valeur des services publics que ce que nous payons en impôts. Statistique Canada a quantifié exactement la valeur individuelle des dépenses publiques consacrées à la santé, à l’éducation et à d’autres services gouvernementaux comme le logement, les loisirs et la culture. En 2018, on parle de 12 500 dollars par personne. Et ce que les chiffres ne disent pas, c’est que la plupart de ces services coûteraient beaucoup plus cher s’ils étaient offerts par le secteur privé.
L’équité fiscale nous permet de payer
À long terme, les services publics universels de haute qualité sont souvent rentables. Par exemple, les économistes ont démontré que les services de garde subventionnés au Québec rapportent 1,47 dollar pour chaque dollar investi par le gouvernement. Et, à court terme, nous pouvons payer des services publics universels de haute qualité en annulant certains changements apportés au régime fiscal qui ont fait peser la plus grande partie du fardeau sur les épaules des travailleurs.
Au fédéral, le taux d’imposition des entreprises était de 36 pour cent en 1980. Depuis, les gouvernements libéraux et conservateurs qui se sont succédé l’ont diminué et diminué, au point qu’il n’est plus que de 15 pour cent. Pour justifier ces baisses et la création d’échappatoires fiscales, on a prétendu que le secteur privé allait créer de l’emploi et investir dans la recherche pour accroître sa productivité. Or, malgré les baisses d’impôt, l’investissement privé est resté plus ou moins le même. Ce sont plutôt les bénéfices, la rémunération des dirigeants et les inégalités qui ont augmenté.
Au fil du temps, les entreprises ont accumulé des réserves records. Les données de Finances Canada révèlent que les grandes entreprises n’ont pas versé le tiers des impôts dus à l’Agence du revenu du Canada, soit 10 milliards de dollars. Plus tôt cette année, le directeur parle- mentaire du budget estimait que le gouvernement perd 25 milliards de dollars chaque année en raison des échappatoires existants et de l’évasion fiscale illégale dans les paradis fiscaux.
L’organisation Canadiens pour une fiscalité équitable, le Centre canadien de politiques alternatives et l’Institut Broadbent ont tous identifié la réforme fiscale comme un défi de taille pour le prochain gouvernement. La bonne nouvelle, c’est que des chercheurs ont identifié les failles les plus importantes du système et les solutions pour les réparer. Nous avons simplement besoin d’un gouvernement ayant la volonté de rétablir l’équilibre de notre système fiscal en s’attaquant à la fois à l’évitement fiscal (l’utilisation de failles juridi- ques pour éviter de payer des impôts) et à l’évasion fiscale (l’utilisation de méthodes illégales pour réduire ses impôts), notamment par les grandes entreprises.
Heureusement, le NPD fédéral a placé l’équité fiscale au centre de son programme électoral de 2019. Il inclut de nouvelles propositions et prévoit l’annulation des change- ments qui n’ont profité qu’aux super-riches. Par exemple, le NPD s’est engagé à ramener le taux d’imposition des entre- prises à 18 pour cent, à augmenter le taux d’imposi tion marginal le plus élevé pour les particuliers gagnant plus de 210 000 dollars et à instaurer un impôt sur les fortunes supérieures à 20 millions. Le NPD compte aussi annuler l’importante réduction d’impôt sur les gains en capital introduite par l’ex-ministre des Finances, Paul Martin, en 2000. À l’heure actuelle, lorsqu’on vend un placement, seule la moitié de l’augmenta- tion de sa valeur est consi- dérée comme un revenu imposable. Le NPD propose d’augmenter ce taux à 75 pour cent.
Donc, la prochaine fois qu’on vous dira que nous n’avons pas les moyens de nous payer des services publics de qualité, répondez que ces services rendent la vie plus abordable et qu’ils sont d’excellents investissements pour nos communautés. Bref, si nous consacrions moins d’énergie à équilibrer le budget à tout prix et si nous rendions le système fiscal plus équitable pour les citoyens, nous pourrions aisément financer ces éléments essentiels pour une société juste que sont les services publics.