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Le SCFP joint sa voix à celles de 70 groupes des sociétés civiles européenne, canadienne et québécoise pour demander que le Canada et l’Union européenne abandonnent l’idée controversée d’inclure au sein d’un Accord économique et commercial global (AÉCG) un chapitre qui protège de façon disproportionnée les droits des investisseurs.

Les groupes rendent publique aujourd’hui une Déclaration conjointe à la veille de la rencontre ministérielle de deux jours prévue à Ottawa entre le commissaire européen au commerce Karel De Gucht et le ministre canadien du commerce international Ed Fast, qui espèrent relancer les négociations de l’accord et en favoriser la conclusion le plus rapidement possible.

«Nous nous opposerons vigoureusement à tout accord transatlantique qui compromet nos démocraties, les droits humains et des autochtones, ainsi que notre droit de protéger notre santé et la planète», dit la déclaration transatlantique endossée par plus de 70 organisations. «Nous pressons les gouvernements canadien, québécois et de l’Union européenne de suivre l’exemple du gouvernement australien qui refuse désormais de négocier des accords de libre-échange et d’investissement qui contiennent un mécanisme de règlement des différends investisseur-État.
Il est grand temps d’entreprendre une complète réécriture des politiques de commerce et d’investissement pour placer l’intérêt général avant les intérêts particuliers, notamment ceux des entreprises multinationales».

Les règlements des différends investisseurs-État sont un processus que l’on retrouve dans beaucoup d’accords de libre-échange et d’investissement du Canada et de l’Union européenne, que ce soit dans l’ALÉNA ou dans les centaines de traités d’investissement bilatéraux que les États membres de l’UE ont signés entre eux ou avec des pays en voie de développement. Ce mécanisme permet à une entreprise d’un pays de poursuivre le gouvernement d’un autre pays si elle considère que ses droits d’investisseur ont été violés. Concrètement, ces règles d’investissement créent pour les multinationales et investisseurs privés un système juridique parallèle soustrait du droit interne, et sont utilisées de plus en plus fréquemment pour contester des décisions, lois ou mesures protégeant l’environnement, la santé publique ou toute autre mesure entravant le « droit » au profit.

Quelques cas récents: Lone Pine Resources a signalé son intention de réclamer 250 millions de dollars en vertu de l’ALÉNA suivant la décision du gouvernement du Québec d’interdire la fracturation hydraulique le long du fleuve St-Laurent; la firme suédoise d’énergie Vattenfall demande 3,7 milliards d’euros au gouvernement allemand pour sa décision de se retirer progressivement du nucléaire; ExxonMobil et Murphy sont déjà sortis vainqueurs de leur bataille pour profiter de l’exploitation off-shore de pétrole; et le Groupe Renco réclame 800 millions de dollars au Pérou parce qu’on lui exige de réparer la pollution catastrophique causée par sa fonderie dans La Oroya.

« Des recherches qualitatives suggèrent que les accords ne constituent pas un facteur décisif dans la décision d’investir à l’étranger. S’appuyant sur le fait qu’il n’y a pas d’avantages économiques à tirer de ces accords, mais qu’en revanche, ceux-ci menacent l’adoption de mesures de protection de l’environnement, l’Étude d’impact sur le développement durable de l’AÉCG a émis la recommandation que l’Union européenne n’inclue pas de mécanisme de règlement des différends investisseur-État dans l’accord. À l’instar des résolutions du Parlement européen, ce rapport indépendant commandé par la Commission européenne a conclu qu’un mécanisme de règlement des différends d’État à État était la mesure la plus appropriée dans le contexte de l’AÉCG », souligne la déclaration publiée par la société civile des deux côtés de l’Atlantique.

L’an dernier, le gouvernement d’Australie a pris la décision de cesser désormais d’inclure ces clauses et les arbitrages investisseur-État dans ses accords de libre-échange et d’investissement. De nombreux pays, comme l’Afrique du Sud et l’Inde, reconsidèrent leurs traités d’investissements parce que justement les entreprises et les cabinets d’avocats les utilisent pour miner leurs démocraties et leurs politiques publiques. Plusieurs pays d’Amérique latine annulent en ce moment leurs traités d’investissement pour les mêmes raisons.

En 1998, l’opposition européenne et canadienne aux arbitrages État-Investisseurs avait permis de renverser le projet d’Accord multilatéral sur les investissements (AMI), qui aurait étendu ce dispositif d’une protection excessive des investisseurs à toute la région couverte par les accords de l’OCDE. Dans ce même esprit et face à la résurgence de cette initiative inadmissible au sein de l’AÉCG,les organisations européennes, canadiennes et québécoises ci-dessous signataires demandent d’une seule voix « que l’Union européenne et le Canada cessent de négocier un cadre de protection des droits des investisseurs et un mécanisme de règlement des différends investisseur-État dans l’AÉCG.»