Message d'avertissement

Attention : cette page est tirée de nos archives. Il se pourrait que notre site Internet contienne des informations plus récentes sur ce sujet. Pour le savoir, utilisez notre moteur de recherche.

Margot Young

« La syndicalisation est bénéfique non seulement pour la main-d’œuvre du secteur, mais également pour les enfants qui fréquentent des garderies syndiquées, leurs parents et pour la société dans son ensemble.»1

Depuis des siècles, les syndicats sont au cœur des revendications des travailleurs et des travailleuses et interpellent en leur nom les employeurs et les gouvernements. Plus récemment, ils sont devenus partenaires de l’élaboration de politiques sociales et économiques et de la promotion d’un système universel de services de garde à l’enfance accessibles, abordables, financés à même les fonds publics, responsables, inclusifs et propices au développement des enfants. La participation des syndicats à ce mouvement militant a été fondamentale pour l’avancement des services de garde dans la sphère publique et politique et pour l’amélioration des conditions de travail quotidiennes, des salaires et des avantages sociaux des travailleuses et travailleurs de ce secteur.

Au Canada, cette collaboration sur les politiques de services de garde à laquelle participent syndicats, groupes de pression et organisations professionnelles est unique en son genre et a permis à la problématique des services de garde de demeurer au cœur des débats publics malgré le manque d’actions à ce jour de la plupart des gouvernements pour instaurer un système pancanadien de services éducatifs et de garde à l’enfance.

Ce document examine les quatre principaux moyens utilisés par les syndicats dans le passé et aujourd’hui pour favoriser la création d’un système de services de garde à l’enfance de qualité au Canada : l’action militante, la promotion du professionnalisme dans le secteur, la négociation de salaires et de conditions de travail et la syndicalisation. Y sont aussi décrites certaines des luttes importantes qui ont été menées pour obtenir un système universel de services de garde financés à même des fonds publics.

L’action militante

Les syndicats ont plusieurs raisons de s’impliquer dans la lutte pour un système pancanadien de services de garde : promouvoir un sain équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, faire progresser le dossier de l’égalité des femmes, favoriser la solidarité sociale et défendre nos infrastructures publiques. Beaucoup de syndicats ont des comités de services de garde dynamiques et déterminés à porter le dossier des services de garde et ses enjeux, à l’interne, auprès des membres et à l’extérieur, dans la sphère publique. Au nombre des différentes campagnes syndicales, on retrouve l’effort soutenu des syndicats pour obtenir un système pancanadien de services de garde, les pressions exercées sur les gouvernements provinciaux pour adopter des plans de développement et des programmes de financement des services de garde, augmenter les subventions aux services de garde et améliorer les salaires du personnel, et les collaborations avec des parents et des conseils d’administration de garderies pour faire pression sur les administrations municipales afin qu’elles améliorent la qualité de leurs garderies, qu’elles augmentent le salaire de leur personnel et qu’elles réduisent les tarifs.

Les syndicats au Canada ont été des partenaires importants du mouvement pour un système public de services de garde à l’enfance en mesure de répondre aux besoins des familles modernes, estimant qu’un tel système (complété par des congés de maternité, parentaux et familiaux) aide les parents à concilier travail et famille.

Les syndicats reconnaissent également l’importance cruciale des services de garde au chapitre de l’égalité des femmes, sachant que les femmes sont encore celles qui ont la responsabilité première des enfants. Plus de 73 % des mères d’enfants âgés de moins de six ans sont actives sur le marché du travail, mais seulement 15 % des enfants de douze ans et moins ont accès à une place dans un service de garde réglementé. La plupart des mères qui travaillent à l’extérieur du foyer doivent se débrouiller avec des services de garde non réglementés, dont la qualité est inégale. Une étude de Statistique Canada réalisée en 20082 révèle que les femmes paient cher le fait d’avoir des enfants : les femmes sans enfants gagnent 12 % de plus que celles qui en ont. De plus, les écarts de revenu se creusent pour les femmes qui ont une formation universitaire.

Les syndicats reconnaissent qu’un réseau de services de garde à l’enfance de qualité favorise la solidarité sociale au-delà des frontières des classes sociales, de l’origine ethnique, de la race, de la culture, de la langue, de l’orientation sexuelle, des capacités et de la situation géographique.

Les syndicats qui représentent des travailleuses et travailleurs en garderie revendiquent pour un système de services de garde à l’enfance parce qu’il s’agit d’un moyen d’obtenir suffisamment de financement pour garantir la qualité des services et de bons emplois dans le secteur. Les études démontrent que les services de garde publics et/ou sans but lucratif sont de meilleure qualité que les autres parce qu’ils affectent toutes leurs ressources financières aux services, parce que les parents, la collectivité et les gouvernements participent à leur planification et parce qu’ils ont tendance à adopter des pratiques qui favorisent la qualité, comme embaucher des éducatrices et des éducateurs formés et bien les payer. D’ailleurs, les groupes de pression et les syndicats enjoignent les gouvernements à s’assurer que tous nouveaux fonds publics pour les services de garde soient investis uniquement dans des services de garde publics et/ou sans but lucratif de manière à éviter les contestations commerciales qui ouvriraient la voie aux grandes chaînes de garderies commerciales et permettraient qu’elles s’installent fermement au pays.

Le professionnalisme

Le mouvement syndical a contribué de bien des façons au renforcement du professionnalisme dans le secteur des services éducatifs et de garde à l’enfance, notamment en revendiquant pour un système public de services de garde réglementés et tenus de rendre des comptes, en négociant des conventions collectives et en participant au Conseil sectoriel des ressources humaines des services de garde à l’enfance.

Les syndicats ont toujours réclamé la réglementation des services de garde. Ils estiment que c’est un moyen important de promouvoir le professionnalisme. Seulement 11 % environ des responsables de garde en milieu familial et à domicile au pays sont assujetties à une réglementation. Faute de réglementation, souvent, le niveau de qualité de ces services est faible et les travailleuses, peu formées. Les bas tarifs demandés dans le secteur non réglementé ont un effet à la baisse sur les salaires du secteur réglementé, ce qui peut entraîner une baisse de la qualité des services.3

La négociation collective est également un facteur déterminant pour renforcer le professionnalisme. Par la négociation, les syndicats exercent des pressions pour accroître le professionnalisme dans le secteur des services de garde. Notamment, ils ont négocié des clauses au chapitre de l’éducation et de la formation ainsi que du perfectionnement professionnel pour maintenir les connaissances à jour. Ils ont négocié de bons salaires, qui correspondent à la valeur du travail, et des conditions de travail pour soutenir les éducatrices et les éducateurs dans l’exercice de leurs fonctions.

Les preuves du rôle important que jouent les syndicats dans le renforcement et la promotion du professionnalisme des travailleuses et des travailleurs en garderie sont nombreuses. L’étude sur la syndicalisation et la qualité4 a démontré que, dans l’ensemble, les éducatrices et éducateurs syndiqués avaient plus accès que leurs homologues non syndiqués à de la formation en milieu de travail et à du perfectionnement professionnel en dehors du cadre de la garderie. Ils sont plus susceptibles d’avoir droit au remboursement de leurs frais d’inscription et d’être libérés et remplacés pour participer à des activités de perfectionnement professionnel. Aussi, ce n’est pas par hasard qu’ils sont plus susceptibles d’avoir des pauses, du temps de préparation et des heures supplémentaires payés.

Par l’intermédiaire du Conseil sectoriel des ressources humaines des services de garde à l’enfance, les syndicats participent à de nombreux projets, études et initiatives importantes qui font la promotion du professionnalisme dans le secteur des services de garde à l’enfance. Le Conseil s’intéresse à de nombreux dossiers : normes professionnelles, stratégie de formation, certification ou reconnaissance professionnelle, stratégie de promotion de la carrière et de recrutement, programme de recherche sur le marché du travail et mesures pour contrer les pénuries de main-d’œuvre dans le secteur. Les syndicats ont beaucoup à apporter à ces discussions étant donné leur expérience au chapitre des ressources humaines et, aussi, à cause de l’importance de ces questions pour leurs membres.

Salaires et conditions de travail

En dépit de nombreuses recherches effectuées au Canada et ailleurs au monde confirmant l’importance des salaires et des conditions de travail pour la qualité des services de garde à l’enfance, la société canadienne continue de reconnaître en paroles uniquement la valeur du travail des éducatrices et éducateurs à la petite enfance. Par conséquent, les conditions de travail et le salaire des travailleuses et travailleurs du secteur demeurent médiocres.

Les niveaux de salaire sont influencés par plusieurs facteurs, notamment le poste de la personne, son statut d’emploi, sa formation en éducation à la petite enfance, ses années d’expérience dans le domaine des services de garde, son ancienneté dans la garderie où elle travaille, la structure organisationnelle de la garderie où elle travaille (sans but lucratif ou commercial), la province ou le territoire où se trouve sa garderie, si sa garderie reçoit des subventions du gouvernement, si sa garderie bénéficie d’un loyer et/ou de services publics gratuits ou subventionnés et enfin, les tarifs demandés aux parents. Dans le cadre de l’étude Syndicalisation et qualité5, on a eu recours à une méthode d’analyse de régression pour examiner l’influence de la syndicalisation et de chacun des facteurs mentionnés précédemment sur le niveau de salaire du personnel éducateur. Lorsque toutes les autres variables sont prises en compte, on constate que le personnel éducateur des garderies syndiquées gagne 8,3 % de plus que les travailleurs et travailleuses des garderies non syndiquées. De plus, les garderies syndiquées sont plus susceptibles que les milieux de garde non syndiqués d’accorder divers avantages sociaux à leurs employées, comme un régime complémentaire de santé, une assurance vie, la bonification des prestations de maternité et des prestations parentales, etc.

Parce que les garderies syndiquées contribuent positivement à la qualité des services et du milieu de garde, leurs taux de roulement sont plus faibles, elles ont moins de mal à recruter et conserver de bons employés et elles favorisent la qualité des programmes éducatifs. Enfin, la qualité de leurs services est mieux cotée que celle des garderies non syndiquées.

La syndicalisation a eu des retombées importantes sur les salaires et les avantages sociaux dans le secteur. Le Québec compte le pourcentage le plus élevé de travailleuses et de travailleurs en garderies syndiqués. Grâce à la syndicalisation, une échelle salariale assortie de hausses régulières et un régime de retraite provinciale ont été implantés à l’échelle du Québec. En Ontario, le taux de syndicalisation est élevé dans les garderies municipales. Leurs salaires et avantages sociaux plus élevés servent de points de repère à la rémunération accordée dans les garderies communautaires.

Structures pour la syndicalisation et la négociation collective

Le taux de syndicalisation des postes à prédominance féminine dans le secteur public est élevé. Plus de 77 % des infirmières et infirmiers sont membres d’un syndicat comme le sont plus de 86 % des enseignantes et enseignants.6 Les enseignantes et les infirmières sont de grandes militantes dans leur domaine et leur profession et elles considèrent que la syndicalisation est une méthode efficace de faire progresser les dossiers dans leurs secteurs respectifs.

Toutefois, en dépit de faibles salaires et de conditions de travail médiocres, il n’est pas facile de faire progresser le taux de syndicalisation dans le secteur des services de garde. Même quand les syndicats font de la syndicalisation dans ce secteur une priorité, les résultats ne sont pas uniformément concluants. Par conséquent, environ 23 % seulement de la main-d’œuvre du secteur des services de garde réglementés est syndiquée7, comparativement à 30 % de l’ensemble des femmes actives sur le marché du travail. (Dans le secteur public, le taux de syndicalisation des femmes est de près de 73 %). Pour découvrir les facteurs qui font le succès d’une campagne de syndicalisation, d’autres analyses devront être faites pour décortiquer les campagnes et mieux comprendre leurs tenants et aboutissants. Les syndicats qui ont de l’expérience dans le secteur des services de garde pourraient travailler ensemble à l’évaluation des stratégies de négociation et de syndicalisation en vigueur et à l’élaboration de nouvelles.

Les syndicats doivent non seulement faire de la syndicalisation des travailleuses et travailleurs en garderie une priorité, mais ils doivent aussi explorer des approches en matière de syndicalisation et de représentation syndicale qui conviennent aux besoins et à la culture du milieu. Il faudra consentir encore beaucoup d’efforts pour mieux comprendre l’approche à adopter pour arriver à syndiquer cette main-d’œuvre à prédominance féminine. Et il faudra aussi se pencher sur des moyens efficaces et faisables de représenter de petites unités de négociation.

Il faut examiner en profondeur des façons pour les syndicats qui représentent les travailleuses et travailleurs en garderie de renforcer le pouvoir de leurs membres en coordonnant et centralisant les négociations. Les structures et les processus de négociation coordonnés et centralisés peuvent soutenir le personnel, les employeurs et les parents, les aider à influencer collectivement les programmes publics de financement des services de garde et les orientations politiques et leur permettre de trouver des solutions communes aux problèmes qui se présentent dans le milieu de travail.

Défis

La croissance du nombre de places en garderie a ralenti à partir de 2006 lorsque le gouvernement fédéral a mis fin aux ententes provinciales et territoriales sur les services de garde à l’enfance. Même si un sondage d’opinion publique a révélé que près de deux fois plus de Canadiennes et de Canadiens croient qu’il est préférable de créer un programme national de services de garde que de verser une allocation de cent dollars par mois aux parents, aucune politique fédérale n’a été adoptée pour instaurer un tel programme.8

L’approche au Canada pour la création de places en garderie repose sur l’initiative privée et sur les parents qui doivent payer la grosse part des frais de fonctionnement. Pour l’essentiel, les gouvernements au Canada ont failli à leur tâche de fournir aux familles l’accès à des services de garde de qualité et abordables. De nombreuses études internationales placent le Canada au dernier rang des pays développés en ce qui concerne ses investissements dans les services de garde à l’enfance. 9

L’approche marchande en matière de services de garde ne fonctionne tout simplement pas. En cette période de crise économique mondiale, les gouvernements au Canada doivent mettre sur pied des services éducatifs et de garde à l’enfance qui soutiennent les enfants, leurs familles et la relance économique du pays.

Les syndicats sont fermement engagés à bâtir un système de services de garde de qualité. Ils reconnaissent qu’en créant de vastes coalitions et en soutenant leurs partenaires sociaux, comme l’Association canadienne pour la promotion des services de garde à l’enfance, ils aideront à faire de l’accès aux services de garde de qualité et abordables une réalité pour les familles canadiennes. Nous continuerons à promouvoir auprès de nos membres les services de garde, leurs enjeux et leurs revendications, et à nous unir à d’autres militantes et militants dans des campagnes pour obtenir les politiques et le financement requis pour créer un véritable système public de services de garde à l’enfance de qualité.

Margot Young est agente de recherche au Syndicat canadien de la fonction publique et militante de longue date pour un système pancanadien de services de garde à l’enfance financés à même les fonds publics.

1 Doherty, G. (2002). Syndicalisation et qualité des services éducatifs et de garde à l’enfance. Ottawa : Syndicat canadien de la fonction publique.

2 Statistique Canada. L’emploi et le revenu en perspective. Numéro de catalogue 75-001-X1E. Août 2008.

3 Conseil sectoriel des ressources humaines des services de garde à l’enfance (2007). What factors influence wages and benefits in Early Learning and Child Care settings?

4 Doherty, G. (2002). Syndicalisation et qualité des services éducatifs et de garde à l’enfance. Ottawa : Syndicat canadien de la fonction publique.

5 Ibid.

6 Statistique Canada. L’emploi et le revenu en perspective. Numéro de catalogue 75-001-X1E. Août 2008.

7 Conseil sectoriel des ressources humaines des services de garde à l’enfance (2007). What factors influence wages and benefits in Early Learning and Child Care settings?

8 Sondage Nanos réalisé du 4 octobre ou 6 octobre 2008. cf. http://cupe.ca/child-care/Canadians-prefer-chi

9 UNICEF(2008). La transition en cours dans la garde et l’éducation de l’enfant. Bilan Innocenti 8.