Message d'avertissement

Attention : cette page est tirée de nos archives. Il se pourrait que notre site Internet contienne des informations plus récentes sur ce sujet. Pour le savoir, utilisez notre moteur de recherche.

Loin d’aider les Colombiens, le libre-échange leur nuira

 

Par Denis Lemelin, Paul Moist, John Gordon et George Heyman

 

 

Du 18 au 25 juillet, nous avons séjourné en Colombie au nom d’un million de travailleurs du secteur public canadien. Un de nos objectifs consistait à vérifier sur place si notre opposition à l’accord de libre-échange Canada-Colombie était justifiée. Ce que nous avons vu et appris a confirmé que nous avions raison de nous opposer à cette entente et de la dénoncer au nom des travailleurs colombiens et de leurs familles.

 

Nous avons rencontré les représentants de nombreux secteurs de la société colombienne, dont le ministre colombien de l’Intérieur et d’autres hauts fonctionnaires, l’ambassadeur du Canada et des membres du personnel de l’ambassade, les dirigeants de la Centrale unie des travailleurs (CUT) et des syndicalistes de tous les niveaux, des membres du parti d’opposition Polo Democratico Alternativo, plusieurs membres d’organisations non gouvernementales, des groupes représentant les peuples autochtones et afro-colombiens, de même que des journalistes et des citoyens ordinaires.

 

Nous avons visité les plus pauvres des familles pauvres chassées de leur foyer par les groupes paramilitaires au profit de sociétés transnationales qui veulent défendre les intérêts de la production agricole, minière et autres. Nous avons appris que plus de 4 millions de personnes – 10 pour cent de la population – ont été déplacées sans aucune indemnisation.

 

Nous avons rencontré des mères et des grands-mères chefs de famille qui n’ont ni eau potable, ni égout, ni électricité, qui n’ont que peu d’argent pour acheter de la nourriture et dont les enfants n’ont aucune chance d’aller à l’école. Ces citoyens, qui viennent en grande partie de régions rurales, doivent mendier dans les rues de la ville pour survivre.

 

En particulier, nous nous sommes rendus dans les bidonvilles de Cali, appelés Agua Blanca (eau blanche) et dans la favéla de La Onda, qui surplombe Medellin. Là, nous avons vu une pauvreté abjecte créée par les décisions d’entreprises établies dans des pays très lointains, des décisions qui ont été approuvées par le gouvernement colombien et qui alimentent souvent le conflit armé qui afflige le pays depuis 50 ans.

 

Nos conclusions ont été renforcées par le rapport final du Tribunal populaire permanent, publié après deux ans d’audiences dans six secteurs de l’économie colombienne, dont le secteur public.  Le rapport condamne les innombrables violations des droits de la personne et des droits syndicaux commises par le gouvernement colombien et les sociétés transnationales. Il demande également de mettre fin à l’impunité accordée à ceux qui commettent des « crimes contre l’humanité ».

 

…/2

 

Dans le cas extraordinaire des peuples autochtones, le rapport cite des actes de génocide culturel et communautaire.  Vingt-huit groupes autochtones sont en « danger imminent d’extinction physique et culturelle » et 18 de ces communautés comptent moins de 10 membres. Elles sont « suspendues entre la vie et la mort ».  Le rapport présente également une horrible liste de violations des droits de la personne et du travail qui consterne le monde entier.

 

La Colombie demeure le pays le plus dangereux qui soit sur terre pour les militants des syndicats et de la société civile.  Depuis le début de 2008 seulement, 32 militants syndicaux ont été assassinés.  La Colombie n’est dotée d’aucun cadre juridique en matière de libre négociation collective. Résultat : plus de 95 pour cent de la main-d’œuvre du secteur public n’a aucun droit applicable à cet égard.

 

La signature d’un accord de libre-échange avec la Colombie alors que les syndicalistes sont menacés et que le droit à la libre négociation collective et d’autres droits du travail et de la personne sont constamment violés ne peut que contribuer à une hausse des « crimes contre l’humanité » constatés par le tribunal.

 

Le Comité permanent du commerce international de la Chambre des Communes reconnaît cette situation dans son rapport de juin et recommande que le Canada « s’abstienne de signer et de mettre en œuvre un accord de libre-échange avec le gouvernement de la Colombie » dans la conjoncture actuelle.

 

Dans leur déclaration finale, les membres respectés du tribunal, présidé par le lauréat du prix Nobel de la paix Adolfo Perez Esquivel, soulignent que « malgré une situation très tragique qui dure depuis de nombreuses décennies, une résistance puissante aux injustices continue, de même que la ferme décision de travailler à éliminer la culture de conflit et de guerre et à promouvoir la transformation de la société jusqu’à la création d’un véritable État de droit constitutionnel ».

 

Nous joignons notre voix à celle des membres du tribunal en nous engageant à « transmettre au monde le sentiment d’optimisme montré dans l’esprit de lutte qui ne peut mener qu’à un immense espoir ».

 

À notre avis, l’accord de libre-échange Canada-Colombie ne peut que favoriser le contraire de l’espoir pour la majorité des 45 millions de Colombiens. Il ne doit pas être mis en œuvre.

 

-30-

 

Denis Lemelin est président national du Syndicat des travailleuses et travailleurs des postes, Paul Moist est président national du Syndicat canadien de la fonction publique, John Gordon est président national de l’Alliance de la fonction publique du Canada, et George Heyman est vice-président international du Syndicat national des employées et employés généraux du secteur public.