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Monsieur le Ministre,

Comme vous le savez, le ministre de la Santé du Nouveau-Brunswick, Mike Murphy, songe à faire une plus grande place aux services à but lucratif dans son prochain plan provincial en santé. Lorsque le Globe and Mail vous a interrogé à ce sujet, vous avez affirmé votre soutien à l’assurance publique, mais vous avez du même souffle accordé votre appui à la prestation privée des services. Je vous écris au nom des 560 000 membres du Syndicat canadien de la fonction publique afin de vous inciter à assurer le respect de la Loi canadienne sur la santé et à faire clairement comprendre au ministre Murphy, aux gouvernements qui font la promotion de la privatisation des soins de santé et au public canadien que les incursions dans le secteur à but lucratif sont inacceptables.

Partout dans le monde, la recherche montre les effets négatifs des soins de santé à but lucratif : hausse des coûts, allongement des délais, inégalité d’accès et faibles résultats. Ces conclusions s’appliquent aux services cliniques, aux services de soutien, à l’assurance, à l’infrastructure et à tous les autres aspects des soins de santé.

Les gouvernements, le vôtre inclus, abondent dans le sens des entreprises commerciales qui affirment à tort que l’assurance-maladie et la Loi canadienne sur la santé visent le payeur et non le fournisseur. Les Canadiens ne se laissent pas berner si facilement. La privatisation, tant de l’assurance que des services, réduit l’accessibilité et l’égalité, qui sont des principes de base de la Loi canadienne sur la santé. Elle fait aussi grimper les coûts et détourne des ressources qui devraient être consacrées aux patients.

Il est prouvé que les services de santé à but lucratif coûtent plus cher et donnent des soins de moindre qualité. Des rapports du British Medical Journal et même du gouvernement britannique estiment que la privatisation fait grimper les coûts des hôpitaux de 11 à 47 pour cent. Plus près de chez nous, la chercheure Colleen Fuller signalait, en décembre dernier, que les cliniques privées chargent en moyenne deux fois ce qu’il en coûte aux hôpitaux publics pour des remplacements de la hanche ou du genou. Les données comparant les fournisseurs de soins chroniques par statut de propriété révèlent la même tendance : les services à but lucratif coûtent plus cher.

Les faits montrent aussi clairement que les exploitants commerciaux prennent des raccourcis qui peuvent mener à des décès. Des études publiées dans le Journal of the American Medical Association révélaient que le taux de mortalité est plus élevé dans les hôpitaux et cliniques à but lucratif appartenant à des investisseurs que dans les établissements sans but lucratif.  Les établissements de soins de longue durée sans but lucratif embauchent plus de personnel et ont un meilleur rendement en ce qui a trait aux infections, aux chutes et aux admissions à l’hôpital.

Le ministre Murphy et d’autres laissent entendre que les cliniques privées permettront de réduire les temps d’attente. Mais, dans les faits, elles entraînent une hausse des temps d’attente parce qu’elles drainent des ressources humaines déjà rares et provoquent des conflits d’intérêt. Des données internationales montrent que dans les pays où il existe des systèmes hospitaliers parallèles privés, les listes d’attente et les délais sont plus longs dans le système public. Une étude réalisée en 1997 par des chercheurs de l’Université du Manitoba a montré que les patients attendaient près de trois fois plus longtemps pour subir une chirurgie de la cataracte si leur médecin travaillait à la fois dans le secteur public et dans le secteur privé.

La prestation privée des services de soutien en santé, une autre idée mise de l’avant par le ministre Murphy, est tout aussi à proscrire. La Grande-Bretagne a beaucoup privatisé les services de nettoyage de ses hôpitaux dans les années 90. En réponse à l’immense tollé soulevé par la détérioration des normes de propreté et l’augmentation des infections, le gouvernement a renoncé aux appels d’offres concurrentiels pour les services de soutien en 2001. Les scandales provoqués par les conditions de malpropreté et les infections acquises dans les hôpitaux ont aussi accablé les régies sanitaires de la Colombie-Britannique lorsque l’entretien ménager a été privatisé il y a cinq ans. En 2007, le nombre d’infections acquises en établissement de santé grimpe en flèche. Le roulement élevé, la faible dotation en personnel, la formation inadéquate et l’insuffisance de l’approvisionnement caractérisent l’expansion de l’industrie du nettoyage à but lucratif en santé et contribuent à cette ouverture.

Les partenariats public-privé, que votre gouvernement approuve, sont une autre menace sérieuse à la santé publique au Canada. En santé, comme dans d’autres secteurs, les PPP coûtent plus cher et sont moins souples que les établissements publics sans but lucratif. Ils manquent de transparence et réduisent l’obligation de rendre compte. Et, comme on l’a vu au Royaume-Uni, ils donnent souvent lieu à une réduction du nombre de lits et à des soins de qualité inférieure. Malgré les faits, plusieurs gouvernements canadiens ont mis en œuvre des projets de PPP en santé, ou songent à le faire.  

La privatisation, sous ces formes ou d’autres, s’accélère en santé et le gouvernement fédéral appuie activement cette tendance, ou fait semblant de ne pas la voir. Encore l’année dernière, vous avez omis d’exiger la présentation de rapports adéquats en vertu de la Loi canadienne sur la santé et les sanctions imposées dans les cas de violations de la Loi étaient dérisoires. Quant aux listes d’attente, au lieu de mettre en œuvre les recommandations du Dr Brian Postl et d’appuyer des solutions du secteur public, vous avez appuyé le modèle québécois de garantie des soins qui accroît le rôle des cliniques privées.

Lorsque le gouvernement de l’Alberta a proposé, l’année dernière, de permettre aux médecins d’opérer à la fois dans le système privé et dans le système public, le premier ministre Harper a écrit une lettre disant que cette idée mettrait les médecins en position de conflit d’intérêt. L’Alberta a par la suite abandonné ses plans. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick prend maintenant la tête du train de la privatisation et votre gouvernement doit lui faire savoir clairement que la Loi canadienne sur la santé sera rigoureusement appliquée et que les services sans but lucratif demeurent la façon la plus économique, la plus équitable et la plus sûre de fournir des soins de santé.

Le ministre de la Santé du Nouveau-Brunswick a posé la question : « Les Néo-Brunswickois veulent-ils que certains aspects des soins de santé publics soient assurés par des moyens privés ? »  Les 20 000 membres du SCFP au Nouveau-Brunswick ont répondu par un « non » retentissant et 540 000 membres du SCFP des autres provinces leur ont fait écho.

Nous serons heureux de vous rencontrer pour discuter de ces enjeux aussitôt que cela vous conviendra. Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’assurance de ma considération distinguée.

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