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Alvin Gibbs dit, « Ça pourrait à n'importe qui. » (Photo: Didier Debusschère)

Après cinq années, le cauchemar d’Alvin Gibbs semble tirer à sa fin. Faussement accusé d’agressions sexuelles sur des mineurs, l’éducateur membre du SCFP 2718 a été disculpé de tous les chefs d’accusation qui pesaient contre lui. Fauché, ébranlé, meurtri, il tente aujourd’hui de retrouver une vie normale avec l’appui de sa famille, de ses amis et de son syndicat.

« Je ne sais pas où je serai aujourd’hui sans le SCFP, lance M. Gibbs, qui travaille aux Centres de la jeunesse et de la famille Batshaw, une institution montréalaise pour les enfants et adolescents anglophones en difficulté. Je serais probablement en prison pour un crime que je n’ai pas commis. J’aurai pu y laisser ma peau. »

Son histoire est digne d’un roman de Franz Kakfa. Accusé d’agressions sexuelles par des bénéficiaires du centre, Alvin Gibbs est d’abord suspendu de son emploi en octobre 2000. Puis, en mars 2001, il est congédié par son employeur. La direction de Batshaw croit qu’il s’est livré à des activités sexuelles avec des adolescents. En septembre 2001, des accusations criminelles sont portées contre lui.

En novembre 2003, après 23 séances d’audition étalées sur deux ans, l’arbitre de grief Jean-Marie Lavoie rejetait toutes les accusations et ordonnait la réintégration immédiate de l’éducateur dans ses fonctions. En juin 2004, la juge Élisabeth Corté de la Cour du Québec rejetait, elle aussi, les cinq chefs d’accusation criminelle à l’encontre de M. Gibbs.

Tout au long de cette saga judiciaire, convaincus de son innocence, ses consoeurs et confrères n’ont cessé de lui apporter un soutien moral, financier et juridique.

Le Triomphhe de la vérité

À la lumière de la sentence arbitrale et du jugement de la Cour, il est ressorti que les jeunes à l’origine des accusations avaient fait de fausses déclarations à la police. Un des adolescents a même admis s’être prétendu victime afin de pouvoir poursuivre le centre et toucher une compensation monétaire.

« J’ai toujours dit que la vérité triompherait, dit M. Gibbs. Lorsqu’on sait qu’on n’a rien à cacher, on peut mieux supporter une telle épreuve. Cependant, ce qui m’a vraiment troublé, c’est que cette histoire a été tellement longue que les gens qui ne me connaissent pas ont eu le temps de se faire toutes sortes d’idées. Surtout que j’étais accusé des pires horreurs. Des étrangers m’appelaient à la maison pour me dire des bêtises ou ils raccrochaient. C’est ce qui a été le plus pénible. »

On aurait pu croire que l’enfer prendrait fin avec les acquittements. Malgré les jugements, le Centre Batshaw tente de faire casser la décision arbitrale ordonnant le retour de l’éducateur à son emploi. En septembre 2004, la Cour supérieure lui donne une fois de plus raison et rejette la requête en révision judiciaire présentée par l’employeur.

Rebâtir sa vie

Sans ressources financières depuis cinq ans, c’est de peine et de misère que M. Gibbs est arrivé à joindre les deux bouts et garder sa dignité. Il a même dû quitter son domicile pour emménager chez sa soeur.

« D’un salaire à plein temps, je suis passé à l’aide sociale qui me donnait moins de 500 $ par mois pour vivre. Mes collègues et ma section locale passaient le chapeau pour m’aider à tous les mois, sinon j’aurai été sérieusement dans le pétrin. »

Fort de ses victoires devant les tribunaux, M. Gibbs a demandé de récupérer le salaire perdu. Malheureusement, l’arbitre de grief a rejeté sa demande. Même si tous les tribunaux ont reconnu son innocence, l’employeur a fait valoir que la Cour lui avait émis une ordonnance l’interdisant de se trouver en présence de mineurs le temps que la cause soit entendue. En retenant cet argument, l’arbitre l’a privé de trois ans de salaire. M. Gibbs comptait sur cette somme pour rembourser les dettes accumulées, soit environ 60 000 $.

Les délégués au congrès de
Québec ne se sont pas faits prier pour aider leur confrère.

Au Québec, il existe un programme d’indemnisation des victimes d’actes criminels, malheureusement inutile pour Alvin Gibbs, plutôt victime de faux témoignages. Une fois de plus, le syndicat a pris la situation en main.

Au congrès régional du SCFP à Québec, en mai dernier, les individus et sections locales ont contribué près de 15 000 $ au « Fonds Alvin Gibbs ». De plus, Mario Gervais, président du SCFP Québec, et Claude Généreux, secrétaire-trésorier du SCFP national, se sont tous deux engagés à doubler la somme totale recueillie.

« Je viens aujourd’hui même de recevoir un chèque du syndicat qui va me permettre de rembourser une partie de ma dette, se réjouit M. Gibbs. Je vais enfin pouvoir mieux dormir; ma soeur ne perdra pas sa maison à cause de moi. »

Depuis la fin mars 2005, il a repris son travail à Batshaw. Le retour se fait progressivement et il doit éventuellement être à son poste cinq jours semaine. Son employeur lui a donné la charge d’un des groupes les plus difficiles, soit les 14-17 ans.

« Je travaille dans une des sections les plus difficiles du centre, signale-t-il. Un des jeunes, parce que je l’ai discipliné, a fait des graffitis obscènes sur le mur de la salle de bain. C’est dur. Mais je veux prouver [à l’administration] que je suis plus fort qu’ils ne le croient. Mon syndicat et mes collègues ont toujours eu confiance en moi, alors je vais y arriver. »

À tous ceux et celles qui croient que ce genre d’histoire ne pourrait jamais leur arriver, Alvin Gibbs offre un conseil :

« Moi aussi, je me croyais à l’abri, observe-t-il. Mais ça pourrait arriver à n’importe qui – noir, blanc, jaune, peu importe. Dieu merci, mon syndicat était là. »