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Le premier ministre de l’Alberta, Ralph Klein, et la ministre de la Santé et du Bien-être, Iris Evans, ont annoncé le 12 juillet 2005 ce que leur « troisième voie » allait changer au système de santé. Intitulé Moving Ahead With Better Health Care (Agir pour améliorer les soins de santé), le document de 11 pages décrit 12 mesures.

Le programme de la « troisième voie » comporte des éléments positifs, toutefois assombris par des intentions de privatisation. La démarche la plus inquiétante est l’approbation de frais d’utilisation des hôpitaux pour des « biens et services médicaux perfectionnés ». Les encadrés mettent en lumière les points clés du plan du gouvernement albertain et sont suivis d’une brève analyse.

Mesure 8 : Modifier la législation et la réglementation

Étape 1 : Modifier la réglementation

  • Les récents changements réglementaires permettent à la population albertaine de recourir à une assurance privée pour des services de podiatrie et de chiropratie autres que ceux couverts par le régime d’assurance santé provincial.
  • À compter de septembre, les autorités de santé pourront facturer aux patients l’hébergement hors norme (supérieur à une chambre standard) et « les biens et services médicaux perfectionnés au-delà de ce que les médecins estiment médicalement nécessaire – par exemple, un dispositif particulier de remplacement de la hanche) ».

Étape 2 : Considérer une nouvelle Loi sur la prestation de soins de santé pour l’Alberta

  • La nouvelle législation consoliderait 39 lois provinciales existantes et plus de 100 règlements applicables au secteur de la santé. Elle pourrait :
  • établir les paramètres d’« attente raisonnable » et de « garantie de soins »;
  • dicter des « principes d’orientation du système »;
  • engager à « fournir un accès raisonnable aux services médicaux généraux médicalement nécessaires » couverts par le régime provincial d’assurance maladie et définir « les services pouvant être couverts par une assurance privée »;
  • fixer des normes, des lignes directrices, des protocoles et des pratiques exemplaires.

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Le gouvernement albertain a invité les autorités régionales de la santé à imposer des frais d’utilisation pour les services médicaux. Il s’affaire à créer un cadre juridique pour définir quels services de santé seront couverts par l’assurance publique, ouvrant la voie au secteur des assurances pour tous les autres biens et services de santé. Klein et son gouvernement qualifient les services couverts par l’assurance maladie publique de « généraux » et ceux ouverts à une assurance privée de « non essentiels » pour calmer les craintes qu’inspire une médecine à deux vitesses. Ils ont également présenté ensemble les frais d’utilisation de services médicaux comme une chirurgie de la hanche – ce qui est une première – et les frais d’hébergement hors norme – quelque chose qui existe depuis des années. La facturation aux patients de technologies ou de procédures nouvelles et améliorées, comme le resurfaçage Birmingham de la hanche, enfreint clairement le principe d’égalité d’accès instauré par la Loi canadienne sur la santé. Le fait de combiner ces frais d’utilisation à ceux d’une chambre privée cache l’ampleur du changement.

Les principes établis par une nouvelle loi albertaine sur la santé pourraient toucher l’« accès raisonnable ». Combiné à la proposition de garantie de soins, cet élément pourrait servir à justifier la dérogation au principe d’égalité d’accès contenu à la Loi canadienne sur la santé.

L’établissement de « normes, lignes directrices et pratiques exemplaires » constitue un pas en avant si c’est un groupe indépendant de fournisseurs de services médicaux, d’analystes de politiques en matière de santé, d’éthiciens et de groupes d’intérêts qui les élaborent et les surveillent dans un but de renforcement du système public de soins de santé. L’Alberta ferait par contre reculer l’assurance maladie publique en suivant le modèle du Royaume-Uni, assorti de contrats de rendement. Là-bas, la rigidité des normes a biaisé les priorités de planification du secteur de la santé, alourdi le fardeau administratif et déstabilisé le système public. Ces normes ont été mises au point dans le cadre de réformes du secteur de la santé favorisant le secteur privé. Vu l’inclinaison du gouvernement albertain pour un système de santé à deux vitesses, ce modèle pourrait bien être celui qu’il préfère.

Le modèle de la Colombie-Britannique, avec des « ententes sur le rendement », est aussi à éviter. Ces ententes relient la rémunération de la direction des autorités de la santé à des objectifs de rendement. La cible la plus spécifique et concrète des ententes en vigueur dans cette province est la réduction des dépenses de services de soutien et d’administration. Depuis que ces ententes sont entrées en vigueur, les autorités de la santé ont privatisé 8 500 emplois et amputé les services dans de nombreux domaines. Ceux et celles qui ont conservé leur emploi ont subi une diminution de salaire de 15 %, tandis que les chefs de la direction recevaient d’imposants bonis pour avoir dépassé les cibles de réduction. La Loi 8 fait référence à des « ententes d’imputabilité et de rendement » qui pourraient suivre la même voie.

Si le gouvernement albertain cherche véritablement à améliorer l’imputabilité et l’adhésion aux pratiques exemplaires, il utilisera un processus démocratique pour renforcer le système public de soins de santé. Les normes de qualité et lignes directrices dans le domaine de la santé doivent être mises au point par les fournisseurs de services, les patients et les groupes communautaires, de concert avec le gouvernement. Les administrateurs et fournisseurs doivent être tenus responsables envers les collectivités qu’ils servent mais pas dans le but d’atteindre des cibles de réduction de coûts telles qu’établies ci-dessus. Il n’y a pas de place pour la participation du secteur privé ni pour des objectifs et processus visant à réduire les services et à privatiser.

Mesure 1 : Mettre en place une politique globale sur la santé

  • Le gouvernement provincial annoncera, d’ici janvier 2006, un plan de services de santé élaboré par les conseils de la santé. Il « précisera quels services de santé la population albertaine peut s’attendre à recevoir, dans quels délais et où. »
  • Élaborer un plan stratégique de santé publique.
  • Élaborer et mettre en oeuvre une stratégie de recherche provinciale. Promouvoir le secteur de la santé albertain comme important facteur de développement économique provincial.

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Le plan de services de santé semble compléter les modifications réglementaires de la Mesure 8, plus précisément en ce qui a trait à la définition des « services médicalement nécessaires » et de la garantie de soins.

Le plan stratégique de santé publique pourrait être positif, mais il risque aussi de blâmer les individus pour leurs problèmes de santé plutôt que d’aborder les causes systémiques et de proposer des solutions communautaires.

La stratégie de recherche ressemble davantage à une stratégie de développement économique qu’à une stratégie de santé publique, favorisant sans doute l’investissement privé plutôt que public dans la recherche sur la santé. Cela signifie habituellement davantage de recherches biomédicales et pharmaceutiques que de recherches sur les déterminants de la santé, la santé publique et les soins primaires.

Mesure 2 : Améliorer l’accès et l’efficacité

  • Détailler l’information contenue au registre pour des traitements et services clés.
  • Étendre un récent projet pilote de centralisation des rendez-vous de chirurgie et de procédure diagnostique afin d’accélérer l’accès.

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À première vue, une meilleure gestion des listes d’attente et de l’information semble être une réforme positive. Toutefois, dans le contexte de la stratégie de privatisation du gouvernement, le registre d’attente et les projets pilotes ne font qu’effleurer le problème. Pour faire face aux pressions des listes d’attente, le gouvernement doit investir substantiellement dans le système public de soins de santé plutôt que de transformer les autorités de santé régionales en entrepreneurs se faisant concurrence pour recevoir du financement privé.

Déjà, la prolifération des cliniques privées en Alberta draine les ressources du système public et allonge les listes d’attente. L’expérience du Royaume-Uni, de la France et d’autres provinces canadiennes prouve que l’ajout de services de santé privés draine le système public de son personnel médical, infirmier et autre. Si l’Alberta souhaite réellement réduire le temps d’attente, le gouvernement doit cesser d’accorder des licences de clinique privée et se concentrer sur des solutions publiques.

Mesure 3 : Parler sérieusement de bien-être et de prévention

  • Remettre un prix aux employeurs faisant la promotion de milieux de travail sains.
  • Campagne « Healthy U » (Restez en santé) insistant sur la saine alimentation et l’activité physique des enfants.
  • Rendre obligatoires les sièges d’enfants.
  • Promouvoir la prévention des blessures à la maison. Renseigner tous les foyers sur les coûts des soins de santé et sur ce que les gens peuvent faire pour rester en santé.
  • Lancer une nouvelle stratégie sur le VIH, l’hépatite et les maladies transmissibles sexuellement.
  • Éventuellement créer des incitatifs fiscaux et autres pour promouvoir un mode de vie sain.
  • Lancer une nouvelle stratégie d’immunisation des enfants.
  • Promulguer la Loi sur les lieux sans fumée d’ici janvier 2006.

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Le gouvernement se concentre exclusivement sur des solutions individuelles et sur la responsabilité individuelle des problèmes de santé et des coûts connexes. Il est certain que les programmes gouvernementaux devraient donner aux gens les moyens de surveiller leur santé. Toutefois, cet appui à l’individu doit s’insérer dans une plus vaste stratégie de promotion de la santé abordant les causes et permettant aux collectivités de créer des environnements sains. Si on ne l’appuie pas avec de vastes programmes communautaires et des changements dans la politique sociale, cette campagne ressemblera plutôt à un écran de fumée.

Le fait d’informer les ménages des coûts du système de santé et de leur donner des idées sur le « mieux-être » s’insère dans la stratégie de droite ayant pour but de faire porter le blâme des problèmes de santé à la population canadienne plutôt que d’examiner des facteurs structurels comme la pauvreté, le racisme et l’insalubrité de certains logements. Le fait de se concentrer sur l’état de santé individuel attire aussi l’attention ailleurs que sur les principaux facteurs de coût comme les médicaments, les fournitures médicales et l’équipement. Quant aux incitatifs fiscaux pour fréquenter à un club d’exercice, suivre des programmes privés de réhabilitation et acheter des vitamines ne profitera qu’à la classe bourgeoise aisée.

Le fait de créer des incitatifs fiscaux ou d’éliminer les primes liées à la santé pour les personnes ayant un mode de vie sain ajoute aussi un nouveau fardeau administratif. Les ressources nécessaires pour rétablir le système et effectuer la surveillance et la comptabilité seraient mieux investies si on les utilisait pour promouvoir la santé, soutenir le développement communautaire et mettre en place des programmes de soins aux patients chroniques qui aideront réellement les Albertaines et les Albertains à améliorer leur santé.

Les prix remis aux employeurs se limiteront vraisemblablement aux programmes de bonne forme physique et de mieux-être. Ils n’aborderont pas les problèmes plus importants de risques et de blessures au travail qui ont augmenté avec la déréglementation et la privatisation. L’Alberta a récemment diminué la limite d’âge pour permettre aux enfants de travailler sans le consentement d’un tuteur, ce qui ne manquera pas d’entraîner plus de blessures et de décès parmi les jeunes travailleuses et travailleurs.

Mesure 9 : Endiguer la hausse vertigineuse des coûts des médicaments et augmenter la couverture

  • Envisager de consolider les programmes provinciaux de subvention de médicaments et de centraliser l’approvisionnement en médicaments.
  • D’ici octobre, avec d’autres provinces et le gouvernement fédéral, adopter un cadre national régissant les médicaments coûteux pour les maladies rares. Coordonner la recherche pharmaceutique, les revues et les approbations – partager les coûts avec les compagnies pharmaceutiques.
  • D’ici l’automne 2005, commencer à examiner des modèles de rechange pour le programme d’assurance médicaments de l’Alberta, notamment une « approche d’assurance élargie pour couvrir davantage d’Albertains et d’Albertaines en ajustant les frais en fonction des revenus ».
  • D’ici avril 2007, travailler de concert avec les provinces voisines pour établir un consortium d’approvisionnement en médicaments pour l’Ouest canadien.

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Les achats en vrac – par les ministères gouvernementaux et agences publiques albertaines ainsi que par les provinces de l’Ouest éventuellement regroupées – constituent l’un des éléments positifs de la proposition.

Le « cadre national régissant les médicaments coûteux pour les maladies rares » n’est pas défini. Si cela s’applique à la couverture des médicaments, c’est une définition encore plus étroite de l’assurance médicaments que celle des médicaments à impact catastrophique à laquelle on a fait référence dans les discussions nationales. En fait, ce dont nous avons besoin, c’est un plan national d’assurance médicaments financé et administré publiquement et couvrant entièrement, au premier dollar, les traitements thérapeutiques de première ligne.

Le contrôle des coûts s’exercerait par une formule fondée sur l’expérience nationale, l’établissement des prix en fonction du produit de référence et l’achat en vrac. Il est aussi nécessaire de modifier la législation des brevets pour mettre fin à la « modification progressive » et autres extensions afin d’endiguer le coût des médicaments.

La proposition de coordination de la recherche et des approbations pharmaceutiques entre le gouvernement fédéral, les provinces et les sociétés pharmaceutiques constitue un important recul. Il est risqué d’augmenter d’influence des gouvernements provinciaux orientés vers l’entreprise privée dans la revue nationale des médicaments et leur approbation. En outre, donner un caractère officiel aux intérêts des sociétés pharmaceutiques en leur faisant financer directement le processus menacerait notre système de sécurité pharmaceutique. Les approbations et la réglementation touchant les médicaments sont déjà trop influencées par l’industrie. Cette proposition sanctionnerait officiellement leur influence.

Mesure 10 : Améliorer la qualité des soins de longue durée

  • Augmenter les heures de soins par résidant de 3,1 à 3,4 par jour.
  • D’ici l’automne 2005, annoncer de nouvelles normes d’hébergement et de soins dans les établissements de soins de longue durée inspirées des travaux actuellement en cours du groupe de travail d’un membre de l’assemblée législative.
  • D’ici janvier 2006, conclure une étude actuarielle sur l’assurance des soins permanents.

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Il y a longtemps que l’on aurait dû augmenter le nombre minimal d’heures de soins accordées aux résidants. Le manque de personnel dans les établissements de soins de longue durée a causé des taux de blessure et de maladie excessifs, tant du côté des résidants que de celui des travailleuses et des travailleurs. Nous avons aussi grandement besoin d’autres modifications. Le rapport du vérificateur général du mois de mai fait état de soins inférieurs aux normes dans le tiers des établissements de l’Alberta. La moitié des établissements s’assuraient effectivement que les personnes âgées subissaient un examen médical annuel.

L’accent que l’on met sur l’assurance privée pour des soins de longue durée suggère que le gouvernement a déjà décidé de ne pas augmenter le financement des soins de longue durée ou d’améliorer les normes et la prestation publique.

Mesure 6 : Mettre en place un dossier de santé électronique pour l’ensemble de la population albertaine

  • Accès électronique aux résultats de tests de laboratoire et d’imagerie diagnostique.
  • Information en ligne sur les médicaments délivrés par les pharmacies.
  • Connexion à haute vitesse pour les fournisseurs de soins de santé en région rurale.

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Une meilleure communication de l’information entre les fournisseurs de services de santé est un élément positif, mais ce système d’information demeurera-t-il dans le giron public? Le gouvernement libéral de la Colombie-Britannique a privatisé l’an dernier ses bases de données sur l’assurance médicaments et le plan de services médicaux. Il accepte maintenant les propositions de renseignements infirmiers en ligne. La liste de soumissionnaires a été réduite à deux sociétés multinationales de propriété américaine, et on s’inquiète avant tout de confidentialité. En effet, en vertu du Patriot Act américain, des agences comme le FBI et la CIA peuvent accéder aux dossiers médicaux confidentiels administrés par des sociétés américaines.

Mesure 7 : Soins de santé primaires

  • Lancer neuf réseaux de soins de santé primaires à l’automne 2005, en mettant davantage l’accent sur des équipes multidisciplinaires.
  • De concert avec le gouvernement fédéral, commencer à former des réseaux sur les pratiques interdisciplinaires et la gestion des maladies chroniques.

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Cette orientation est l’un des éléments positifs du plan de 12 mesures. Les projets pilotes en soins de santé primaires datent de plusieurs années alors que le gouvernement fédéral avait accordé un financement ponctuel des soins primaires à la fin des années 1990. Le meilleur modèle serait celui des centres de santé communautaires, offrant une vaste gamme de soins de santé et de services sociaux ainsi que de programmes de développement communautaire et de promotion de la santé. Les fournisseurs y travaillent en équipe et sont salariés. Les centres de santé communautaires sont régis par des conseils d’administration imputables envers leur collectivité locale.

L’expansion des pratiques de groupes de soins primaires alliant médecins, personnel infirmier, pharmaciennes ou pharmaciens et autres fournisseurs de services médicaux constitue également un changement positif.

Autres mesures :

Mesure 4 – Santé des enfants (couverture des médicaments d’ordonnance pour la maladie de Crohn et la sclérose en plaque pour les enfants de moins de 18 mois, campagne d’éducation sur le « crystal meth », stratégie « des enfants en santé » étendue sur dix ans et concentrée principalement sur le diabète et l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation foetale)

Mesure 5 – Santé mentale (25 millions de dollars sur trois ans consacrés à des services de santé mentale, notamment la télémédecine, des équipes d’extension communautaire, des programmes de soutien de jour et soutien communautaire et des liens plus soutenus entre les hôpitaux)

Mesure 11 – Bassin de fournisseurs de soins de santé (recrutement et formation dans les collectivités rurales, recrutement d’étudiants autochtones, accent sur la portée des principes de pratique pour parvenir à une efficacité de coût, regroupement des professionnels de la santé sous l’égide d’une seule loi)

Mesure 12 – Collectivités rurales (accès aux services de santé mentale, à la télémédecine, aux soins à domicile et soins communautaires ainsi qu’aux soins de santé primaires)


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Toutes ces mesures semblent positives. Le SCFP s’intéresse particulièrement à l’engagement à augmenter le nombre d’Autochtones dans les disciplines du domaine de la santé, dans la mesure où cela touche les occupations de nos membres. Le Conseil de la santé du SCFP de la Saskatchewan a négocié des ententes de « représentation de la main-d’oeuvre » pouvant être intéressantes. Un autre élément positif a trait à la distance que prend le régime par rapport à une réglementation distincte pour plusieurs professions du domaine de la santé (avec la concurrence et la fragmentation que cela favorise) et l’engagement apparent à utiliser les fournisseurs dans la pleine mesure de leur pratique.