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LE PROCESSUS DE L’ACCORD

Après deux jours de réunions publiques où les gouvernements fédéral et provinciaux ont pu présenter un baratin de relations publiques destiné à leurs électorats respectifs, les premiers ministres se sont tournés vers une façon plus traditionnelle de conclure des ententes fédérales-provincales en santé.

La première journée, des développements positifs ont eu lieu lorsque le gouvernement fédéral a rencontré les leaders autochtones et que les parties ont convenu de consacrer 700 millions de dollars sur 5 ans à l’amélioration des soins de santé offerts aux Autochtones. Ce nouvel argent aidera sans doute beaucoup les communautés autochtones à s’attaquer à quelques problèmes très critiques en santé.

Au cours de la deuxième journée, les premiers ministres ont poursuivi leurs baratins individuels mais coordonnés, et ont insisté sur la nécessité d’assurer un financement stable pour fournir des programmes à long terme. Les provinces ont démontré clairement que les transferts fédéraux devaient être augmentés à 25 % du total des dépenses provinciales-territoriales en santé. Le gouvernement fédéral a continué de soutenir que sa proposition répondait à cette demande. La question de la reddition de comptes était toujours à l’ordre du jour, bien qu’à peine visible.

À la fin de la deuxième journée, il était devenu clair que la bataille se jouait autour des questions de financement et de reddition de comptes. La rencontre télévisée a pris fin et les premiers ministres se sont réunis le même soir derrière des portes closes pour tenter d’aplanir les différends en matière de financement.

La troisième journée, les premiers ministres sont restés enfermés et les vraies négociations ont commencé. Les questions en litige semblaient être :

 

  1. le financement,
  2. la façon dont l’entente s’appliquerait au Québec,
  3. la conditionnalité – c’est-à-dire les mesures et mécanismes de reddition de comptes, et
  4. les paiements de péréquation.

 

La question de la péréquation a été à l’ordre du jour, puis retirée, puis remise sur la table, et finalement éliminée des réunions. Les provinces ont d’abord mis la question sur la table en même temps que le financement des soins de santé. Elle a plus tard été balayée sous le tapis pour discuter des vraies questions du coût des programmes de soins de santé dans les provinces. Elle est revenue le troisième jour, probablement à l’insistance des provinces « défavorisées », mais n’est pas réapparue dans l’entente finale. Il a depuis été annoncé qu’une rencontre des premiers ministres portant sur la péréquation aurait lieu le 26 octobre 2004.

Lorsque la poussière est retombée, les premiers ministres ont annoncé une entente aux petites heures du matin de la quatrième journée, le jeudi 16 septembre. L’entente correspondait à ce que nous avions prévu, mais pas à ce que nous voulions. L’argent était l’élément crucial et l’entente était conçue autour d’un transfert additionnel du gouvernement fédéral de 41 milliards de dollars dans les dix prochaines années.

Les questions de reddition de comptes et de conditionnalité liées aux transferts ont été reléguées au deuxième rang sur la liste des priorités. Il est difficile d’imaginer comment les premiers ministres auraient pu en faire moins sur ces questions.

La question de la privatisation et des soins à but lucratif ne s’est jamais rendue à la table, ce qui est vraiment remarquable quand on pense que les Canadiennes et les Canadiens tiennent passionnément au financement et à la prestation publics des soins de santé. Mais ce qui est encore plus extraordinaire, c’est que les premiers ministres aient gardé la tête dans le sable sur la question des soins à but lucratif, même après que trois médecins du Québec eurent annoncé qu’ils se retiraient du système public pour offrir des services à but lucratif.

Ce qui n’est pas étonnant, par contre, c’est que même si l’encre de l’entente est à peine sèche, les provinces commencent déjà à laisser entendre qu’il faudrait plus d’argent pour atteindre les objectifs. L’argent est la question centrale pour les gouvernements, mais pour les Canadiennes et les Canadiens, cet argent doit être assorti de mécanismes de reddition de comptes et de conditions. Les gouvernements n’ont pas répondu à nos attentes.

ÉLÉMENTS CLÉS DE L’ENTENTE

Du financement, mais peu de conditions

Des montants significatifs d’argent nouveau seront injectés dans le système de soins de santé pour combler le soi-disant « écart Romanow » et hausser les transferts fédéraux à environ 25 % du total des dépenses provinciales-territoriales en santé. Les nouvelles dépenses fédérales s’élèvent à 41 milliards de dollars sur 10 ans.

L’engagement du gouvernement fédéral à accroître le financement est important et la clause d’indexation de 6 pour cent contribuera énormément à assurer aux provinces un financement stable à long terme.

Les détails du financement sont les suivants :

 

  • 1 milliard de dollars en 2004-2005 et 2 milliards de dollars en 2005-2006 pour la base du Transfert canadien en matière de santé;
  • 500 millions de dollars en 2005-2006 pour les engagements en matière de soins à domicile et la couverture des coûts de type catastrophique des médicaments;
  • un financement de base pour le Transfert canadien en matière de santé qui augmentera à 19 milliards de dollars en 2005-2006;
  • une clause d’indexation de 6 pour cent qui s’appliquera en 2006-2007;
  • 4,5 milliards de dollars consacrés à un « Fonds de réduction des temps d’attente » entre 2004-2005 et 2009-2010;
  • en 2010-2011, 250 millions de dollars par année ajoutés pour les ressources humaines en santé;
  • 500 millions de dollars alloués à l’équipement médical en 2004-2005;
  • 700 millions de dollars en 5 ans pour améliorer la santé des peuples autochtones.

 

Voir l’annexe A (format adobe acrobat ci-joint) pour les détails du plan de financement décennal.

Malgré ce nouveau financement, le gouvernement fédéral a été incapable de tirer quelque engagement que ce soit de la part des provinces en matière de reddition de comptes et d’établir des conditions que devraient respecter les provinces et les territoires pour recevoir le financement fédéral.

Même si le ministre de la Santé Dosanjh a promis d’« endiguer la vague de privatisation » et de stopper les services de santé à but lucratif, ces questions n’ont jamais été mises sur la table. Les promesses électorales des libéraux en matière de consolidation des soins de santé publics se sont résumées à accorder de l’argent supplémentaire.

Le gouvernement fédéral a raté une occasion en or d’exiger la prestation publique des soins de santé en échange d’une augmentation significative de l’investissement fédéral. Les provinces se sont entendues sur le plus bas dénominateur commun et se sont cachées derrière leur droit, en vertu de leurs compétences, de livrer des soins de santé, ce qui a permis aux provinces pro-privatisation de garder la question de la prestation publique en dehors des débats.

Reddition de comptes et rapports aux citoyennes et citoyens

Au cours des dix prochaines années (2004-2005 à 2013-2014), le gouvernement fédéral transférera 239,5 milliards de dollars aux provinces et territoires, si aucun autre changement n’intervient entre-temps. Quel niveau de reddition de comptes le gouvernement fédéral devrait-il exiger comme valeur d’échange dans ce marché ? Presque rien, apparemment.

Le gouvernement fédéral n’a imposé que peu de conditions à l’utilisation des fonds et aucun véritable mécanisme de sanction si les provinces n’utilisent pas les fonds comme prévu. Le premier ministre Martin a dit que les gouvernements provinciaux devront faire face à leur électorat si elles ne le font pas. Cela ne suffit pas. Les Canadiennes et les Canadiens ont le droit d’exiger que les provinces leur rendent des comptes sur les transferts fédéraux en matière de santé.

Les premiers ministres ont plutôt résumé cet élément clé de l’entente en cinq courtes phrases, qui prévoient que les provinces doivent remettre des rapports à leurs citoyennes et citoyens par l’entremise de leurs conseils de la santé respectifs et que le Conseil de la santé du Canada doit émettre un rapport. Toutefois, puisque l’Alberta et le Québec ne participent pas au Conseil de la santé du Canada, son rapport sera incomplet. L’Alberta et le Québec échappent à ce niveau d’examen sur les dépenses en santé.

Les premiers ministres ont formalisé un mécanisme de résolution des différends (d’abord proposé en 2002) en vertu duquel un comité d’arbitrage fédéral-provincal examinera le différend et présentera une recommandation de résolution au gouvernement fédéral. Ce mécanisme de résolution des différends ne sera rien d’autre que la poursuite du processus de conclusion d’ententes derrière des portes closes entre le gouvernement fédéral et les provinces. Le comité ne suivra aucun processus légal formel, ne sera pas ouvert à l’examen ni aux interventions du public et ne fonctionnera pas selon des lois et des précédents établis.

Réduction des temps d’attente et amélioration de l’accès

Les provinces ont convenu de réduire les temps d’attente d’ici le 31 mars 2007 dans les domaines suivants : cancer, cœur, imagerie diagnostique, remplacement d’articulations et restauration de la vue. Un Fonds de réduction des temps d’attente (4,5 milliards de dollars en 6 ans) est alloué pour aider les provinces à atteindre leurs objectifs.

Chaque province et territoire établira ses propres indicateurs d’accès et points de repère pour les temps d’attente. Les territoires et les provinces présenteront des rapports sur les progrès réalisés à leurs propres citoyennes et citoyens. L’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) produira un rapport pancanadien en compilant l’information de chaque rapport provincial et territorial.

À première vue, il semble que des progrès aient été réalisés. Les ministres de la Santé doivent élaborer un processus pour établir des points de repère. Les indicateurs et points de repère doivent être « comparables », mais rien ne garantit qu’ils le seront.

La seule exigence en matière de présentation de rapports est que les provinces et territoires les présentent à leurs propres citoyennes et citoyens – ils ne sont pas tenus de présenter des rapports au gouvernement fédéral sur les dépenses liées à la réduction des temps d’attente.

La vraie question en matière de temps d’attente

La vraie question en matière de réduction des listes d’attente et des temps d’attente est la façon d’y arriver. L’amélioration de la gestion et de la coordination des listes et l’investissement dans les ressources humaines en santé et les immobilisations auront un impact positif sur la longueur des listes d’attente et la durée des temps d’attente. Ces méthodes exigent un financement et une planification à long terme mais elles sont essentielles pour arriver à une « solution pour une génération ». Les provinces qui adoptent ces méthodes seront plus près d’une solution permanente.

Toutefois, il est probable que les gouvernements provinciaux qui sont déjà favorablement disposés envers les soins à but lucratif et qui en font la promotion suivront une voie différente – une voie qui n’est pas économique et qui ne permettra jamais de réduire les listes d’attente ni les temps d’attente. Ces gouvernements choisiront plutôt de sous-traiter les services de santé à des fournisseurs à but lucratif et sauteront sur l’occasion d’octroyer des permis aux établissements à but lucratif. Les services les plus susceptibles d’être sous-traités sont les chirurgies de remplacement des articulations, les chirurgies de la cataracte et l’imagerie diagnostique. Et, coïncidence, ces services correspondent exactement à l’une des priorités établies par les premiers ministres, c’est-à-dire la réduction des listes et des temps d’attente. Certaines provinces privatisent déjà et d’autres n’attendaient que le financement additionnel pour se lancer dans l’aventure.

La conséquence inévitable ne sera pas la réduction des listes d’attente et des temps d’attente, mais plutôt un système à but lucratif parallèle florissant de fournisseurs qui dépendront des contrats accordés par les gouvernements. La recherche de profits passant au premier plan, ces fournisseurs n’auront aucun intérêt à voir les listes et les temps d’attente diminuer. De même, les médecins qui investissent dans les cliniques à but lucratif et qui travailleront sans aucun doute autant dans le système public que dans le réseau à but lucratif, n’auront aucune raison de vouloir la diminution des listes et des temps d’attente. Leurs revenus dépendront des « crises » de listes d’attente et de temps d’attente (réelles ou fabriquées).

L’argent utilisé pour financer la méthode de la sous-traitance pour réduite les listes d’attente et les temps d’attente contribuera presque certainement à aggraver les problèmes. Mis à part les incitatifs pour les investisseurs, on aura tendance à placer plus de patients sur les listes d’attente si on croit qu’ils seront vus ou traités – que ce soit nécessaire ou non.

Le recours aux services privés à but lucratif n’est pas la réponse aux longues listes d’attente et aux temps d’attente prolongés. De bonnes pratiques basées sur une gestion des listes d’attente, une stratégie efficace en matière de ressources humaines et un investissement suffisant dans l’infrastructure, par exemple les appareils d’IRM, offriront une solution beaucoup plus efficace à moyen et à long terme.

Soins à domicile

Les premiers ministres ont convenu de faire quelques pas modestes dans le dossier des soins à domicile, comme la couverture à partir du premier dollar d’un certain nombre de services :

 

  • deux semaines de soins actifs à domicile de courte durée;
  • deux semaines de soins actifs communautaires de santé mentale de courte durée;
  • des soins de fin de la vie – gestion du cas, soins infirmiers et coût des produits pharmaceutiques liés aux soins palliatifs.

 

L’entente est loin de répondre à notre demande de programme national de soins à domicile établi en vertu de la Loi canadienne sur la santé, avec lignes directrices et normes, peu importe la province de résidence.

Stratégie nationale relative aux soins pharmaceutiques

Les ministres ont convenu de créer un groupe de travail ministériel pour élaborer une stratégie relative aux produits pharmaceutiques à être mise en œuvre le 30 juin 2006.

Cette stratégie comprendra :

 

  • des options de couverture des médicaments onéreux;
  • une Liste nationale commune des médicaments admissibles;
  • l’accélération de l’accès à des médicaments de pointe;
  • des stratégies d’achat pour obtenir les meilleurs prix;
  • des interventions pour influencer les habitudes de prescription des professionnels de la santé;
  • l’accès aux médicaments non brevetés;
  • l’amélioration de l’analyse des générateurs de coûts et de la rentabilité.

 

Le Québec aura son propre programme d’assurance-médicaments.

Il est encourageant de constater que les premiers ministres ont inscrit la stratégie nationale relative aux produits pharmaceutiques à l’ordre du jour des futures discussions du groupe de travail ministériel, qui présentera un rapport dans 18 mois. Mais on peut déplorer l’absence de progrès importants dans la mise en œuvre de mesures immédiates pour contrôler le plus important générateur de coût de tout le système de soins de santé. À la réunion de juillet du Conseil de la fédération, les premiers ministres avaient déterminé que l’assurance-médicaments était leur priorité en matière d’action fédérale. L’enjeu traîne maintenant de l’arrière sur la liste des priorités, probablement sur l’insistance du gouvernement fédéral qui hésite à s’engager plus loin que la couverture des coûts de type catastrophique des médicaments.

Le groupe de travail s’intéressera à différents dossiers, dont les options pour les coûts de type catastrophique des médicaments, une liste nationale, l’innocuité des médicaments, les stratégies d’achat, les habitudes de prescription des médecins, la prescription électronique, l’accès aux médicaments de pointe et l’accès aux médicaments non brevetés.

La signification de certains éléments de cette liste, comme « l’accès aux médicaments non brevetés », n’est pas claire mais d’autres pourraient répondre aux vrais problèmes, comme les stratégies d’achat et une liste nationale. D’autres encore, comme « l’accès plus rapide aux médicaments de pointe », sont basés sur une dangereuse pratique qui consiste à accélérer l’approbation des médicaments pour que les médicaments de marque déposée puissent atteindre le marché plus vite. Cette pratique, préconisée par les fabricants de médicaments d’origine pour accroître leurs profits, menace aussi la sécurité des Canadiennes et des Canadiens. Les essais cliniques et l’évaluation de tous les médicaments doivent être à l’abri de l’influence d’entreprises mues par leur propre intérêt.

Santé des Autochtones

Le gouvernement fédéral a rencontré les leaders de l’Assemblée des Premières Nations, l’Inuit Tapiriit Kanatami, le Conseil national des Métis, le Congrès des peuples autochtones et l’Association des femmes autochtones du Canada avant le début officiel de la réunion des premiers ministres. Les leaders autochtones et le gouvernement ont convenu d’un plan de 700 millions de dollars sur cinq ans afin de mettre en œuvre des « mesures spécifiques pour combler l’écart entre l’état de santé des peuples autochtones et celui du reste de la population canadienne ».

Le plan prévoit :

 

  • 200 millions de dollars pour un Fonds de transition pour la santé autochtone afin d’intégrer et d’adapter les services de santé existants;
  • 100 millions de dollars pour une Initiative en matière de ressources humaines en santé pour les Autochtones afin d’améliorer le recrutement et le maintien des travailleuses et travailleurs de la santé autochtones;
  • 400 millions de dollars pour des programmes de promotions de la santé et de prévention des maladies, axés sur la prévention du suicide, le diabète, la santé des mères et des enfants et le développement de la petite enfance.

 

Le SCFP a travaillé à la mise en œuvre de stratégies en matière de ressources humaines en santé afin d’accroître le nombre de travailleuses et travailleurs de la santé dans les lieux de travail représentés par le SCFP, entre autres en signant des ententes de partenariat avec les employeurs. Ces ententes commencent à donner quelques résultats positifs et de plus en plus de travailleuses et travailleurs autochtones sont recrutés dans le secteur de la santé. Avec la création d’une main-d’œuvre représentative, les travailleuses et travailleurs autochtones pourront utiliser leur propre expérience et leurs propres connaissances pour améliorer l’état de santé des communautés autochtones.

Le plan de 700 millions de dollars, bien qu’il soit un bon début, ne représente qu’une fraction du financement nécessaire pour résoudre les problèmes de santé dans les communautés autochtones. Il faudra plus de financement et plus de coopération du fédéral pour faire de véritables gains.

Ressources humaines en santé

Le nouvel argent est censé favoriser la recherche de solutions aux pénuries de professionnels de la santé et stimuler la mise en œuvre d’une répartition équilibrée et d’un nombre suffisant de professionnels de la santé.

Les premiers ministres ont spécifiquement mentionné l’accélération et l’expansion de l’intégration des diplômés en santé formés à l’étranger. Cette approche implique une certaine dépendance envers des professionnels de la santé qui ont acquis leurs connaissances dans d’autres pays. Il faut faire une mise en garde contre un « maraudage » des professionnels de la santé dans les pays en développement et ce type de démarche ne doit se faire qu’en partenariat avec ces pays de façon à ce que les deux pays puissent en tirer avantage. De telles ententes sont présentement en vigueur dans d’autres pays.

Le recrutement et la formation de professionnels de la santé pour les communautés autochtones et les communautés de minorités de langues officielles sont un ajout excellent à toute stratégie en matière de ressources humaines. Le défi sera de veiller à ce que des montants suffisants soient consacrés à ce programme. Il est temps que le gouvernement fédéral étudie et appuie des stratégies de recrutement et de formation déjà en place et s’en inspire, comme l’entente de partenariat historique signée en 2001 entre le Conseil de la santé du SCFP-Saskatchewan, le ministère des Affaires intergouvernementales et des Affaires autochtones de la Saskatchewan et l’Association des organisations de la santé de la Saskatchewan. Le but des partenariats est de faciliter le recrutement et la formation d’une main-d’œuvre autochtone dans le secteur de la santé.

L’entente prévoit des « mesures visant à réduire le fardeau financier dans certains programmes d’éducation en santé ». Aucun détail n’est fourni. Nous invitons le gouvernement fédéral à réexaminer une proposition soumise par des syndicats sur un projet pilote pour le recyclage ou le perfectionnement des travailleuses et travailleurs de la santé grâce à un programme de formation de l’assurance-emploi. Ce programme permettrait une mobilité significative du personnel qui travaille déjà dans le système vers des régions où il y a pénurie. On pourrait par exemple offrir une formation d’infirmière ou infirmier auxiliaire aux auxiliaires de soins, ou une formation d’infirmière ou infirmier diplômé aux infirmières ou infirmiers auxiliaires. Depuis plusieurs années, le mouvement syndical propose cette solution aux ministres de Développement des ressources humaines Canada (DRHC). Il est temps que l’actuel ministre du nouveau Ressources humaines et développement des compétences Canada (RHDCC) l’étudie sérieusement, en consultation avec le ministre de la Santé et Santé Canada.

Enfin, il est temps que les gouvernements fédéral et provinciaux examinent et prennent au sérieux les études et les recommandations, en cours ou récemment achevées, en matière de ressources humaines en santé. L’étude du secteur des soins à domicile, financée par DRHC (environ 1 million de dollars) et à laquelle le SCFP a participé, ramasse la poussière sur une tablette, avec dix recommandations sur la façon d’aborder les problèmes de ressources humaines en soins à domicile. Le Conseil consultatif de la prestation des soins et des ressources humaines en santé (un organisme fédéral-provincial-territorial) a soigneusement ignoré cette étude et n’a rien fait pour régler les problèmes de recrutement et de maintien dans le secteur des soins à domicile – menaçant ainsi l’expansion et la qualité des soins à domicile.

Une étude sur le secteur des soins infirmiers, aussi financée par DRHC (environ 2 millions de dollars) et à laquelle a aussi participé le SCFP, est presque terminée. Nous craignons que, sans direction du gouvernement fédéral, cette étude prenne aussi le chemin des tablettes poussiéreuses où reposent les rapports gouvernementaux. Une étude sur les médecins financée par DRHC (plus de 4 millions de dollars) est en cours et pourrait subir le même sort, malgré un lobby beaucoup plus puissant des médecins.

Il est temps que le gouvernement fédéral amorce un dialogue avec les gouvernements provinciaux au sujet des conclusions de ces études menées avec la participation et le soutien d’employeurs, d’associations de professionnels, de syndicats et de groupes de défense des droits. Il est temps que les ministères de la Santé et Ressources humaines et développement des compétences commencent à se parler des implications politiques de ces études. Pourquoi consacrer plus de 7 millions de dollars à des études sur les ressources humaines en santé pour n’en rien retirer de mesurable ?

Soins de longue durée

Il est presque scandaleux de constater l’absence complète de toute mention des soins de longue durée à ces pourparlers. Avec le vieillissement de la population et la demande croissante pour des foyers de soins, les premiers ministres n’ont manifesté aucun intérêt pour la question des soins aux personnes âgées au cours des dix prochaines années. Malheureusement, il s’agit probablement d’une tendance croissante à refiler le coût de ces soins aux individus et à leurs familles. Les transferts qui arrivent jusqu’aux soins de longue durée ne sont pas encadrés par un plan national à long terme.

Réforme des soins primaires

Les premiers ministres semblent trouver qu’ils ont réalisé des progrès significatifs en matière de réforme des soins primaires et que tout ce qu’il leur reste à faire, c’est de diffuser l’information sur les meilleures pratiques. Cette opinion n’est pas partagée par les millions de Canadiennes et de Canadiens qui ont besoin d’un médecin de famille et qui attendent avec angoisse une vraie réforme qui établira l’accès aux soins primaires 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, avec des équipes interdisciplinaires de professionnels de la santé. Le modèle du centre de santé communautaire a bien réussi à assurer la prestation de soins primaires de cette façon. Pourtant, les gouvernements n’ont pris aucune mesure concertée pour promouvoir ce modèle. Au contraire, le gouvernement du Québec a même pris des mesures pour démanteler les excellents CLSC, où les soins étaient offerts selon les principes mêmes que les gouvernements disent être sur le point de mettre en œuvre.

Dossiers médicaux électroniques

Les premiers ministres ont mis la question des dossiers médicaux électroniques à l’ordre du jour comme préalable au renouvellement du système de soins de santé. Toutefois, les premiers ministres et le gouvernement fédéral en particulier n’ont pas garanti que ces programmes permettraient de protéger les renseignements privés et la confidentialité. Notre confiance envers les dossiers médicaux électroniques a été quelque peu ébranlée lorsque nous avons appris que la C.-B. avait sous-traité des dossiers médicaux à une grande société américaine qui doit se conformer à la loi des États-Unis (Patriot Act) et donc fournir des renseignements au FBI sur demande. Cette situation n’inspire pas confiance et le gouvernement fédéral est à blâmer pour n’avoir pas exigé que les provinces rendent des comptes sur la confidentialité de leurs renseignements médicaux.

Accès aux soins dans le Nord

Un Fonds d’accès aux soins de santé dans les territoires de 150 millions de dollars sur cinq ans assurera un financement direct pour les frais de transport et financera un groupe de travail pour faciliter les réformes à long terme dans le Nord. Cet argent est bienvenu et concrétise la reconnaissance des besoins particuliers de nos collectivités nordiques. Ce ne devrait être que le début d’un processus visant à financer et à combler correctement les besoins en matière de santé.

Prévention, promotion et santé publique

Malgré l’importance critique de la promotion de la santé et de la prévention des maladies, les premiers ministres n’ont rien trouvé de plus que quelques beaux discours pour préciser leur position. Il est malheureux qu’ils n’aient pas été plus directifs dans leur approche.

Innovation dans le domaine de la santé

L’investissement en sciences, en technologie et en recherche, bien que mentionné au passage, a été ignoré.

Fédéralisme asymétrique pour le Québec

Une déclaration distincte sur la compétence du Québec accompagnait l’entente sur la santé. La déclaration affirme que le Québec appuie les objectifs et les principes généraux de l’entente et que l’appui du Québec dépend de sa capacité à appliquer ses propres plans : réduction des listes d’attente, soins à domicile, santé mentale communautaire, soins palliatifs, stratégies en matière d’accès aux médicaments et promotion de la santé et prévention. En matière de rapports, le gouvernement du Québec présentera des rapports aux Québécoises et Québécois, et le commissaire à la santé du Québec fera rapport au gouvernement du Québec et collaborera avec l’ICIS pour tout autre rapport au palier canadien.

Les transferts au Québec doivent être utilisés pour mettre en œuvre le propre plan de réforme du Québec et le Québec fera rapport aux Québécoises et Québécois sur l’utilisation de ces fonds.

Nous savons que les Québécoises et les Québécois comprennent les principes de la prestation et du financement publics des soins de santé et qu’ils veulent que les soins de santé soient offerts dans le respect des principes énoncés dans la Loi canadienne sur la santé. Mais nous sommes moins certains que le gouvernement du Québec partage ces valeurs.

Toutefois, en bout de ligne, l’ensemble de l’entente sur la santé contient un élément de « fédéralisme souple » non seulement pour le Québec, mais aussi pour toutes les autres provinces – et c’est là que le concept perd un peu de son sens. Bien que le fédéralisme asymétrique soit indiqué pour maintenir le statut particulier du Québec au sein du Canada, son application implicite aux autres provinces et territoires affaiblit l’approche nationale en matière de soins de santé dont le financement et la prestation sont publics.

CONCLUSION

Cette entente assurera-t-elle la prestation et le financement publics des soins de santé au Canada et l’obligation de rendre compte de tous les gouvernements sur leurs dépenses en santé en vertu des principes et des critères de la Loi canadienne sur la santé ? La réponse est « non ». Les premiers ministres n’ont pas répondu aux attentes fondamentales des Canadiennes et des Canadiens.

Des transferts fédéraux additionnels assureront un rôle accru du gouvernement fédéral dans le financement des dépenses provinciales et territoriales en santé et facilitera l’expansion de certains services de santé, mais l’absence de volonté politique de la part des premiers ministres en ce qui a trait aux conditions et aux mécanismes de reddition de comptes signifie que le Canada est toujours ouvert à la prestation privée à but lucratif des soins de santé et vulnérable à la menace des soins de santé à deux vitesses, qui demeure réelle.