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par
Ross Sutherland
Avec la collaboration de Stan Marshall
Recherche du SCFP
Février 2001

INTRODUCTION

 

 

Depuis quatre ans, la sous-traitance des soins à domicile et les soins communautaires à but lucratif ont augmenté en Ontario. Le gouvernement Harris y a veillé en instaurant un système d’appel d’offres obligatoire dans ce secteur. Les organismes sans but lucratif comme la Croix-Rouge et VON (Infirmières de l’Ordre de Victoria) doivent se faire concurrence entre eux pour obtenir des contrats auprès de fournisseurs à but lucratif, petits et grands, comme ParaMed, Bayshore Health Group (anciennement Olsten), Comcare, Bradson et We Care. Ce modèle interdit dorénavant la prestation publique directe de soins à domicile par l’entremise des centres d’accès aux soins communautaires (CASC, équivalents des CLSC), les organismes locaux créés par le gouvernement provincial pour coordonner les soins à domicile.

 

Le modèle ontarien a donné naissance à un système qui comprend plusieurs fournisseurs à contrat dans une collectivité. Il n’est pas rare que plus d’un organisme fournisse le même service. Les fournisseurs sans but lucratif travailleront avec les fournisseurs à but lucratif pour offrir des services de soins infirmiers, d’entretien ménager et autres.

 

La conséquence naturelle d’un modèle d’appel d’offres est un accroissement de la privatisation. La conséquence naturelle d’un modèle à plusieurs fournisseurs est l’inefficacité et le manque de coordination. Tous deux entraînent des coûts pour la population. L’argent public consacré aux soins à domicile est mal utilisé ou, pire, carrément gaspillé.

 

La diminution de l’argent consacré aux soins aux patients contredit le gouvernement provincial, qui déclarait que le système d’appel d’offres » libérerait plus de dollars en santé pour les services de première ligne «1. Nous assistons plutôt à une augmentation du dédoublement, de l’administration et de l’accumulation de profits qui coïncident avec la réduction des services et l’allongement des listes d’attente.

 

Pour étudier cette apparente contradiction, le SCFP a voulu examiner l’expérience des travailleuses et travailleurs des premières lignes dans le nouveau système. En fonction de leur description de la façon dont la sous-traitance et le système d’appel d’offres ont affecté leur travail, les dépenses consacrées aux soins à domicile par le gouvernement de l’Ontario ont été analysées. Les résultats de notre étude indiquent que l’élimination de la sous-traitance et du système d’appel d’offres pour les services de santé communautaires permettrait de récupérer au moins 247,4 millions de dollars dans l’actuel budget des soins à domicile. Cet argent pourrait être consacré à l’amélioration des soins offerts aux patients. Bien sûr, nous savons que la réorientation de ces ressources vers les soins aux patients ne résoudra pas tous les problèmes, mais ce sera un pas dans la bonne direction.

 

Le fait de remédier aux problèmes mentionnés dans le présent rapport ne fera pas économiser d’argent au gouvernement, mais la qualité des soins à domicile s’améliorera. Le besoin de soins à domicile est tel que les infirmiers et infirmières, aides familiales, thérapeutes, responsables de cas et membres du personnel de soutien continueront d’occuper des emplois qui amélioreront les soins aux patients. En fait, nous pensons qu’un système de soins à domicile qui répond correctement aux besoins en santé coûtera plus cher.

 

La privatisation des services de soins à domicile et le gaspillage associé aux fournisseurs multiples inquiètent le SCFP. Nous pensons qu’un seul fournisseur public est le modèle le plus efficace, comme l’ont démontré entre autres le Manitoba et la Saskatchewan. Cette étude préliminaire de l’efficacité (ou plutôt de l’inefficacité) des soins à domicile en Ontario met en lumière la nécessité de revenir à un seul fournisseur de services, qui doit être public.

L’ÉTUDE

 

 

Le SCFP a mené des entrevues en profondeur auprès de 27 infirmières et infirmiers, aides familiales, thérapeutes, responsables de cas et membres du personnel des CASC et d’organismes de soins d’Ottawa, Kingston, Hamilton, Toronto, Sudbury, Niagara et Kitchener Waterloo.2 Les entrevues ont été réalisées entre septembre et novembre 2000. Nos sources fournissent des détails sur ce que ces personnes doivent faire dans leur vie professionnelle quotidienne pour répondre aux besoins des bénéficiaires des soins à domicile dans un contexte d’appel d’offres et de fournisseurs multiples (voir l’annexe A).

 

Les heures et les ressources prévues pourraient-elles être mieux utilisées pour améliorer les soins fournis aux patients ? L’information obtenue auprès des travailleuses et travailleurs des premières lignes renforce beaucoup de thèmes communs et, bien qu’il puisse exister des variations individuelles dans la province, nous croyons que les conclusions que nous avons tirées des entrevues sont généralement valides.

 

Nous avons également utilisé les données financières publiques des CASC et des organismes sans but lucratif (rapports annuels et états financiers vérifiés) comme base de notre analyse financière. Nous avons retenu les dépenses annuelles typiques d’une agence de soins infirmiers à domicile (annexe B), d’une agence d’aides familiales (annexe C) et d’un CASC (annexe D) comme base pour déterminer les dépenses qui pourraient être redirigées vers les soins aux patients. Les résultats des dépenses du CASC typique ont ensuite été extrapolés à l’ensemble des dépenses des CASC de la province.

 

Avec les données tirées des entrevues et des budgets, nous avons essayé d’évaluer l’efficacité et l’efficience réelles du système actuel de soins à domicile pour diriger les ressources vers les soins aux patients. Après tout, l’augmentation de l’efficacité et de l’efficience est l’un des principaux arguments invoqués par le gouvernement pour imposer ce modèle de prestation de soins.

 

Nous savons que la façon de fournir les soins à domicile varie d’un CASC à l’autre et d’un organisme à l’autre et qu’il est un peu risqué de généraliser à partir de notre analyse préliminaire. Mais nous croyons que ces données nous permettent de mieux comprendre la situation, même s’il ne s’agit que de la pointe de l’iceberg. Nous croyons également qu’un examen plus rigoureux des données financières et des entrevues plus en profondeur appuieraient non seulement nos conclusions mais révéleraient aussi de nombreux autres domaines où les coûts de la sous-traitance entraînent une diminution de la qualité des soins aux patients.

Pourquoi est-il difficile d’obtenir des données précises ?

 

Les données sont limitées à plusieurs égards. Il ne faut pas pour autant douter de leur valeur ou des conclusions tirées ici, mais plutôt les interpréter plus largement, comme des limites à la capacité du public d’accéder à l’information sur la façon dont 1,14 milliards de dollars publics sont dépensés pour les soins à domicile.

 

D’abord, il n’existe pas de mécanisme de reddition de comptes pour les dépenses publiques dans les soins de santé privatisés. Le gouvernement provincial et les CASC ne publient pas de données sur la valeur et le contenu des contrats conclus pour offrir des soins à domicile. Bien que quelques CASC donnent accès à des données sur leurs budgets de fonctionnement, la plupart ne fournissent que des données partielles ou des représentations graphiques.

 

Le ministère de la Santé recueille certaines données des CASC qu’il rassemble sans doute mais, jusqu’à maintenant, il n’a pas publié de totaux provinciaux, malgré des demandes formelles présentées en vertu de la loi sur l’accès à l’information. Cela soulève un problème important en matière d’obligation de rendre des comptes puisque plus de un milliard de dollars de fonds publics sont dépensés avec un minimum d’information sur la façon dont ils le sont.

 

Les entreprises du secteur privé qui offrent des soins fournissent très peu de renseignements pouvant faire l’objet d’un examen du public. La plupart sont des entreprises appartenant à des intérêts privés et il n’existe pas de données publiques sur leurs activités. ParaMed, filiale à cent pour cent d’une société cotée en bourse, Extendicare, est l’exception. Toutefois, l’information financière spécifique à sa filiale ontarienne est, au mieux, sommaire.

 

Les états financiers des organismes sans but lucratif dans le secteur des soins à domicile doivent être vérifiés et rendus publics. Dans un contexte d’appel d’offres, cette exigence les désavantages, car les sociétés à but lucratif ont accès à l’information des organismes sans but lucratif, alors que l’inverse n’est pas vrai.

 

Il est difficile d’obtenir une image très précise de ce qui se passe dans le domaine des soins à domicile sans une analyse en profondeur de chaque CASC. Il y a 43 CASC, qui fonctionnent de façon assez autonome. Ils ont été créés en tant qu’organismes sans but lucratif privés, hors du cadre de la Loi sur l’accès à l’information. Même si le gouvernement a insisté pour qu’il y ait des normes provinciales dans d’autres domaines, comme l’éducation, il semble se contenter d’une prestation inégale des soins à domicile à l’échelle de la province.

UN REGARD DANS LES COULISSES DES SOINS À DOMICILE

Les soins infirmiers

 

 

Les infirmières et infirmiers communautaires interviewés estimaient consacrer entre 15 minutes et une heure par jour à des activités redondantes découlant du processus d’appel d’offres et de sous-traitance. Elles doivent consigner la même information deux fois : une pour les tableaux de leur agence et une pour les rapports des CASC. Elles doivent présenter deux rapports s’il y a des changements dans les visites. Par exemple, si un patient veut partir le jour d’une visite normalement prévue et reporter la visite à un autre jour, le changement doit être rapporté en double. Il doit également être pré-approuvé par le CASC. En cas d’erreur, la visite ne sera pas payée et il faudra franchir de nombreux autres obstacles pour récupérer l’argent de la visite. Des situations de cet ordre seraient complètement éliminées si une seule agence administrait les fonds et fournissait les services.

 

Les infirmières et infirmiers trouvaient qu’au cours de leurs visites directes, elles étaient dans les faits des responsables de cas pour leurs patients, rédigeant des notes à l’intention des médecins, organisant la médication et assurant le suivi. Les directives exigeant la consultation des responsables de cas du CASC et des préposées et préposés à l’approvisionnement étaient répétitives et non productives.

 

» Ce qui m’irrite, c’est que nous voyons les patients tous les jours et pourtant, si nous pensons qu’une visite additionnelle est nécessaire, ou qu’il est temps de réduire la fréquence des visites, nous devons appeler un responsable de cas. C’est tout juste s’ils voient le patient aux 4 à 6 mois. Nous devons obtenir la permission du responsable de cas, remplir des formulaires et les envoyer à quelqu’un qui ne peut pas évaluer notre demande. C’est une insulte professionnelle, sans parler du gaspillage de temps. » - Infirmière à domicile

 

En moyenne, les infirmières et infirmiers ont dit qu’environ 40 minutes de leur temps rémunéré, ou 8,8 % des activités liées aux soins » infirmiers «, pourraient être ajoutées aux soins des patients si le dédoublement des activités et les procédures non productives étaient réduits.

 

La plupart des CASC ont des contrats avec plusieurs agences pour la prestation de services de soins infirmiers, d’aide familiale et de soutien personnel. Les nombreux contrats distincts réduisent l’efficience de l’organisation des visites des travailleuses et travailleurs. Par exemple, il arrive souvent que des infirmières ou infirmiers rendent visite à des patients dans le même édifice ou dans un édifice voisin. Les infirmières et infirmiers estimaient qu’il serait possible de réaliser des économies significatives si l’une ou deux des visites dédoublées étaient éliminées chaque jour. Pour ce faire, les affectations devraient être organisées en tenant compte du lieu géographique. L’élimination d’un déplacement en voiture par jour (8 kilomètres en moyenne) permettrait de récupérer 10 minutes ou 2,2 % des heures d’une infirmière ou d’un infirmier. Deux déplacements par jour permettraient de récupérer 20 minutes ou 4,4 % des heures d’une infirmière ou d’un infirmier. Ajoutées au 8,8 % des heures déjà jugées perdues, 13,2 % du budget du personnel des soins infirmiers pourrait être réaffecté aux soins des patients.

 

«Il y a tellement d’exemples [de gaspillage]. Mais le meilleur, c’est le suivant :un jour, j’ai été appelée par une responsable de cas qui m’a demandé si nous pouvions effectuer une visite ce jour-là pour prendre la tension artérielle d’une cliente. Elle craignait qu’elle soit élevée. Mais la responsable de cas, une infirmière diplômée, m’appelait du domicile de la cliente. Elle était assise à côté de la personne mais a dû nous appeler pour trouver une infirmière » rapidement » pour venir prendre la tension artérielle au domicile de cette patiente. C’était tout, rien d’autre. Je crois que cela avait quelque chose à voir avec le fait que les employées et employés du CASC ne sont pas censés prodiguer des soins aux patients. Je pense que les responsables de cas n’ont même pas le droit d’avoir des brassards de tensiomètre avec eux. C’est tellement stupide. » - Une gestionnaire des soins infirmiers dans une agence de soins.

 

Certaines situations n’ont évidemment pas été bien planifiées, ni même peut-être prévues. Les visites d’infirmières ou infirmiers de plus d’une agence peuvent entraîner un manque de clarté dans les rôles, les fonctions et, en fin de compte, les responsabilités, sans parler de la possibilité de confusion pour tous ceux et celles qui participent aux soins des patients.

 

J’ai de très, très graves inquiétudes en ce qui a trait aux soins palliatifs avec le processus de sous-traitance. Vous pouvez avoir une infirmière d’une [agence] qui est supervisée par une infirmière des soins palliatifs d’une [autre agence]. Vous avez deux dossiers de soins infirmiers de deux agences dans la maison. Une infirmière reçoit les ordres du médecin et est censée superviser une infirmière d’une autre agence. Le résultat me semble inévitable : dédoublement, manque de clarté et problèmes de communication, qui contribueront tous à nuire au client » - Une infirmière à domicile

 

Ces situations imposent un stress additionnel aux infirmières et infirmiers à domicile déjà surchargés de travail et qui doivent maintenant gérer un réseau de communications plus complexe avec leur propre agence et avec une infirmière ou un infirmier d’une autre agence.

 

Comment le client ou la famille du client peuvent-ils être certains qu’eux-mêmes ou leur parent sont correctement soignés ? Ces personnes doivent-elles rendre des comptes à quelqu’un ?

Le soutien à domicile

 

Les aides familiales, les travailleuses et travailleurs de soutien personnel et les travailleuses et travailleurs de soutien communautaire que nous avons interviewés n’avaient pas de contact direct avec le CASC. Ce sont plutôt les employées et employés de bureau et la direction de l’agence employant la travailleuse ou le travailleur qui s’occupaient des rapports.

 

En général, les travailleuses et travailleurs de soutien à domicile ne consacraient pas de temps aux activités liées à la sous-traitance ou aux appels d’offres. Néanmoins, ils trouvaient que le processus d’appel d’offres et de sous-traitance avait eu des répercussions négatives sur leur capacité de prodiguer des soins de qualité. Ils étaient obligés de faire leur travail rapidement et avaient de moins en moins le droit de prodiguer tous les soins dont les patients avaient besoin.

 

Comme dans le cas des infirmières et infirmiers, ces travailleuses et travailleurs se plaignaient d’une mauvaise affectation du personnel due à la multiplicité des agences. Il est clairement inefficace d’affecter des travailleuses et travailleurs de soutien à domicile au service d’une agence différente, mais dans le même secteur. Cela signifie que les aides familiales pourraient consacrer 4,4 % de leur temps de plus au soin des patients si deux déplacements en voiture par jour étaient éliminés, comme dans le cas des infirmières et infirmiers mentionnés précédemment. En fait, cette estimation pourrait même être assez conservatrice parce que les travailleuses et travailleurs de soutien à domicile doivent souvent utiliser les transports en commun dans les grandes villes, ce qui accroît leur temps de déplacement.

Les responsables de cas

 

Deux facteurs compliquent l’estimation du temps que consacrent les responsables de cas aux activités liées à la sous-traitance des soins directs aux patients.

 

Premièrement, les responsables de cas rapportent différentes conséquences aux problèmes liés à la sous-traitance, selon leur travail. Les responsables de cas qui font les évaluations initiales, surtout à l’hôpital, et les responsables de cas qui s’occupent surtout de placement dans les établissements de soins prolongés, trouvaient qu’ils effectuaient un travail qui profitait considérablement aux patients.

 

La plupart des responsables de cas, toutefois, ont une lourde charge de travail et le processus d’appel d’offres et de sous-traitance a de graves conséquences pour eux. Une responsable de cas a estimé qu’elle devait passer jusqu’à 90 % de son temps à lire des rapports de service sur des patients qu’elle voit rarement, à veiller à ce que la documentation des agences soit à jour, à approuver des demandes de service alors qu’elle ne possédait pas de données à jour et à » brasser de la paperasse » pour contrôler le travail de l’agence.

 

Deuxièmement, les personnes interviewées ne s’entendaient pas toujours sur le rôle que pourraient jouer les responsables de cas dans un système public. Certaines soutiennent qu’il faudrait un large organisme distinct de responsables de cas, alors que d’autres pensent qu’il serait préférable de réduire le nombre de responsables de cas tout en leur confiant des affectations précises, parce que le personnel des premières lignes pourrait assumer la plupart des fonctions de gestion des cas habituels. Notre proposition, qui est de créer un seul organisme public, simplifierait de façon significative la fonction de responsable de cas.

 

La plupart des responsables de cas trouvaient qu’une partie importante de leur temps était consacrée au contrôle du système et aux activités administratives, qui seraient inutiles dans un système intégré.

 

» Le plus souvent, j’ai l’impression de ne consacrer que 10 % de mon temps à faire quelque chose qui améliore les soins aux patients. Le reste passe en travail de bureau, la plupart destiné à essayer de limiter les dépenses. Autrement dit, je dois voir de qui je peux me passer ou je dois contrôler les agences pour veiller à ce que les autorisations voulues aient bien été accordées, que les rapports de service soient à jour et présentés, et autres activités de contrôle du même ordre » - Responsable de cas d’un CASC

 

Selon nos entrevues, nous estimons que 25 % du temps des responsables de cas pourrait être redirigé pour améliorer les soins donnés aux patients au lieu d’être consacré au contrôle et à l’administration d’un système compliqué d’agences multiples en sous-traitance.

Les thérapies

 

Les thérapeutes qui travaillent dans la communauté rapportent beaucoup des mêmes problèmes que signalent les infirmières et infirmiers à domicile. Le dédoublement des évaluations et des rapports, et les difficultés de communication comptaient parmi leurs principales préoccupations.

 

» Depuis que nous sommes en sous-traitance, le travail est plus segmenté et nous consacrons plus de temps à essayer de communiquer. Il y a aussi un dédoublement significatif des évaluations et les responsables de cas remettent en question ou répètent le travail d’autres professionnelles et professionnels de la santé. » - Thérapeute communautaire.

 

» Parce que nous sommes devenus plus isolés et plus segmentés [avec la sous-traitance], les problèmes de communication sont plus probables. Nous passons trop de temps à faire du chassé-croisé téléphonique et à écouter les messages des boîtes vocales. Avant, nous pouvions résoudre des problèmes en rencontrant les gens dans les corridors [avant la sous-traitance des thérapeutes]. » - Une responsable de cas d’un CASC.

 

Les thérapeutes signalent que 40 minutes par jour, ou 8,8 %, de leur temps, sont consacrées à des appels téléphoniques inutiles et à des rapports inutiles. Ce temps pourrait servir à prodiguer de meilleurs soins aux patients dans un système public. Puisque la plupart des services de thérapie sont fournis par une seule agence, les problèmes d’affectations inefficaces pour des raisons géographiques sont moins probables.

 

Bien que nous ayons été incapables d’analyser un budget pour une agence offrant des services de thérapie, il est probable qu’il serait semblable à celui d’une agence de soins infirmiers, avec un peu moins de pertes pour ce qui est des soins aux patients. Nous estimons qu’au total, 16,2 % du budget de la thérapie sert à administrer le système.

Les fournitures et équipements médicaux

 

La séparation des fournitures des travailleuses et travailleurs des premières lignes est le problème le plus important selon les personnes que nous avons interviewées. Certains travailleurs et travailleuses ont dit qu’ils ne pouvaient plus prendre des fournitures à leur agence pour les apporter à un domicile. Ils doivent maintenant les commander par l’entremise du CASC, ou appeler le comptoir des fournitures à leur agence. Le comptoir des fournitures de l’agence appelle ensuite le comptoir des fournitures du CASC. Le comptoir des fournitures du CASC appelle le fournisseur, qui livre les fournitures. Cette chaîne est longue, compliquée et inefficace. Il serait beaucoup plus simple qu’une infirmière prenne les fournitures à son agence et les livre à sa prochaine visite au domicile du client, ou commande les fournitures directement.

 

Il peut également être plus difficile d’obtenir les bonnes fournitures, car la personne qui dispense les soins (une infirmière ou un infirmier, par exemple) ne parle pas directement au fournisseur. Souvent, après les appels téléphoniques, les fournitures livrées ne sont pas celles qui avaient été demandées. Elles doivent alors être retournées et le processus recommence au début.

 

» Ce sont les petites choses qui m’irritent. Par exemple, je ne peux pas appeler et commander des fournitures directement. Je dois appeler quelqu’un à [mon agence] qui appelle quelqu’un au CASC, qui à son tour communique avec le fournisseur. Et c’est un peu comme ces jeux de société où vous chuchotez à l’oreille d’une personne et attendez de voir ce que les mots sont devenus lorsqu’ils ont atteint la dernière personne. Et c’est encore pire quand vous commandez des fournitures rapidement ou, Dieu nous en préserve, des fournitures qui ne sont pas commandées souvent. Vos chances de recevoir les mauvaises fournitures augmentent alors de façon exponentielle. Vous devez appeler le CASC, qui appelle le fournisseur, qui doit se déplacer et aller remplacer les fournitures. Alors que si j’avais le droit de parler directement au fournisseur, nous obtiendrions probablement ce que nous avons demandé du premier coup » - Une infirmière à domicile.

 

Nous estimons que 5 % du budget des fournitures médicales pourrait être redirigé vers l’amélioration des soins aux patients, parce qu’il y aurait moins d’administration, moins d’erreurs et moins de déplacements en voiture.

Le transport

 

Nous avons entendu de nombreux exemples de patients qui recevaient, le même jour, la visite de différentes personnes effectuant des tâches qui auraient pu être faites en une seule visite, par une seule personne. Cette façon de faire est particulièrement inefficace si le patient réside dans une région rurale où chaque visite exige un long déplacement en voiture.

 

Bien qu’il soit souvent inopportun pour une personne prodiguant des soins de prendre les fournitures, de faire des prises de sang ou d’effectuer d’autres tâches qui ne font pas partie de ses fonctions principales, le système de contrats distincts interdit l’affectation et l’utilisation efficaces du personnel et des ressources. Par exemple, beaucoup des infirmières et infirmiers que nous avons interviewés ont dit qu’il serait plus efficace, surtout pour les longues distances, de rapporter elles-mêmes les prélèvements, plutôt que de les faire prendre par le service de livraison.

 

» Il y a tellement d’histoires qui montrent que les choses pourraient être faites plus efficacement. J’en ai au moins deux bonnes par semaine. Mais celle qui me sidère encore, c’est le fait que je fais partie de l’équipe IV et que, par contrat, nous devons faire des prises de sang à partir des lignes intraveineuses des patients. MDS, en vertu de son contrat, doit faire des prises de sang de façon normale, dans le bras du patient. Un jour, nous avons eu un patient qui vivait à 20 kilomètres de la ville. Il fallait prendre du sang de la ligne IV et de son bras. Je suis aussi formée pour prendre du sang d’un bras mais, à cause des contrats, moi-même et une personne du laboratoire de MDS avons dû franchir 40 km pour obtenir du sang de cette personne. Ce qui est également incroyable, c’est que, le soir et les week-ends, MDS ne travaille pas, et s’il faut prendre rapidement du sang d’un bras, nous devons le faire. Le processus actuel est complètement irrationnel » - Infirmière à domicile.

 

Nous estimons que 10 % du budget de transport pourrait être redirigé vers l’amélioration des soins directs aux patients, par une meilleure coordination des services.

Les services de soutien

 

Une partie du budget des services de soutien peut aussi être redirigée vers l’amélioration des soins aux patients, comme en fait foi la description suivante d’un processus typique d’admission d’un patient aux soins communautaires.

 

Un patient est évalué à l’hôpital ou à la clinique communautaire par une ou un responsable de cas du CASC qui, normalement, ne reverra pas ce patient. La ou le responsable de cas présente un rapport sur l’état du patient et décide quels services il peut recevoir et ce qui peut être fourni. Les renseignements sur le patient et le nombre de visites sont ensuite entrés dans un ordinateur au CASC. Une recommandation est envoyée aux diverses agences concernées et chacune entre les renseignements sur le patient et le nombre de visites dans son propre ordinateur. Une agente ou un agent d’ordonnancement de l’agence planifie les visites. La soignante ou le soignant communautaire prend en note les antécédents et commence les visites. Les visites réellement effectuées sont signalées au personnel de soutien de l’agence qui entre les renseignements dans l’ordinateur de l’agence. Ces renseignements sont soit transférés directement dans l’ordinateur du CASC (en ligne ou sur disque) ou, dans le cas des agences plus petites, envoyés au CASC où ils sont entrés manuellement. Le CASC décide ensuite si les visites effectuées l’ont été la bonne journée, et au nombre voulu. En cas d’écart, le personnel de soutien du CASC et de l’agence doivent tirer les choses au clair. Le processus peut exiger un peu de temps de la part de la soignante ou du soignant.

 

» Vous seriez étonné du nombre d’heures que nous passons à faire concorder les visites devant être effectuées par une agence avec celles qu’elle charge. Et ce n’est pas seulement le temps de notre personnel, mais aussi celui du personnel de l’agence. Et, la plupart du temps, c’est parce qu’un client a annulé une visite et que quelqu’un a oublié de le signaler ou de le consigner et qu’une autre visite a été autorisée mais non notée, ce genre de détail trivial » - Membre du personnel de soutien d’un CASC

 

Les membres du personnel de soutien des CASC, tout comme ceux des agences, évaluaient à environ une heure par jour le temps nécessaire pour régler les problèmes créés par la division entre les agences et le CASC. Si l’on ajoute à cela le dédoublement systémique, 25 % de tous les budgets du personnel de soutien pourrait sans doute être redirigé vers le soutien des activités liées aux soins des patients.

 

Bien qu’il y ait beaucoup d’autres façons d’admettre un patient, le modèle hospitalier, qui fonctionne chaque jour pour des centaines de milliers de patients, pourrait fournir des pistes. Une infirmière faisant partie d’une équipe qui prend soin d’un patient pourrait faire l’évaluation. Les données recueillies et les décisions prises seraient entrées dans un ordinateur. Ce même ordinateur pourrait fournir des renseignements à une ou un responsable de l’ordonnancement qui pourrait planifier les visites. Tout changement aux visites pourrait être communiqué par téléphone afin de modifier l’horaire en conséquence. C