1. Introduction 

La couverture des médicaments sur ordonnance est un élément essentiel (et le volet le plus utilisé) des régimes d’avantages sociaux. Elle est fondamentale pour la santé des membres du SCFP. Plus les coûts sont reportés sur les individus, plus ces derniers doivent faire des choix difficiles. Un sondage récent a révélé que 22 % des Canadien(ne)s ont déjà coupé leurs pilules en deux, sauté des doses ou décidé de ne pas aller chercher ou renouveler leur ordonnance en raison du coût. 

Les médicaments sur ordonnance sont une cible fréquente des employeurs souhaitant réduire leurs dépenses. En effet, les médicaments sont la principale source d’augmentation du coût des régimes d’avantages sociaux, surtout à cause du prix élevé des médicaments de spécialité. Le nombre de médicaments coûtant plus de 10 000 $ par an a plus que triplé depuis 2006. Dans certains cas, ce sont des médicaments biologiques ou des thérapies géniques, ou encore des traitements pour des maladies rares, dont la production est coûteuse ou dont peu de gens ont besoin. Dans d’autres cas, il s’agit de médicaments « d’imitation » extrêmement semblables à d’autres moins onéreux qui existent déjà.  

Selon un sondage récent, 29 % des employeurs prévoyaient réduire la couverture de l’assurance médicaments. Lorsque les employeurs exigent des compressions, nous devons veiller à ce que le coût ne soit pas le seul critère. Notre objectif est d’empêcher l’érosion des avantages accordés aux membres, de réduire le plus possible les répercussions négatives, et de veiller à ce que l’ensemble des membres aient accès aux médicaments requis. 

  1. Tactiques des employeurs 

L’employeur arrivera sans doute avec des propositions visant à refiler le coût des médicaments aux participant(e)s au régime. Il peut également détourner votre attention du fait que la couverture des médicaments est inadéquate en créant un compte de gestion santé ou en le bonifiant. Voici une liste d’autres tactiques courantes. 

Refus de fournir l’information concernant le régime 

Les employeurs refusent souvent de fournir au syndicat l’information détaillée qui permettrait de comprendre l’utilisation que font les membres de l’assurance médicaments. Pour contester les estimations de coûts faites par l’employeur, les comités de négociation doivent avoir accès aux données sur le régime (nombre de personnes couvertes, nombre de temps plein et de temps partiel, coûts à ce jour, etc.). L’insertion d’une clause dans la convention collective peut obliger l’employeur à divulguer les statistiques du régime et les méthodes de calcul. (Vous trouverez des exemples de libellés dans le document Clauses de conventions collectives de la présente série sur la négociation des avantages sociaux.) 

Augmentation des coûts pour les travailleuses et les travailleurs 

  • Augmentation des franchises : Une franchise est une somme forfaitaire qui, chaque année, doit être payée avant que l’assureur commence à rembourser les frais de médicaments admissibles. C’est le même principe que pour une police d’assurance automobile, quand il faut débourser une somme de base avant d’obtenir le remboursement du reste en cas de réclamation. 
  • Augmentation de la coassurance : La coassurance est le montant qu’un membre doit payer à la pharmacie pour se procurer des médicaments sur ordonnance. Certains régimes demandent de payer à l’avance un pourcentage du prix du médicament. D’autres exigent le paiement d’un pourcentage jusqu’à l’atteinte d’un plafond (contribution maximale). L’employeur peut proposer d’augmenter ce pourcentage ou la hauteur de la contribution maximale. Remarque : Le pourcentage de la coassurance peut différer de la quote-part des primes du régime versée par l’employé(e) et l’employeur. 
  • Guide des honoraires non à jour : Si le guide des honoraires n’est pas à jour, les participant(e)s au régime doivent payer la différence entre le montant facturé par le professionnel et le remboursement versé par leur régime, ce qui se traduit par des coûts supplémentaires qui grugent leur salaire net. 

Modification de la couverture des médicaments 

  • Liste de médicaments restrictive : Les listes de médicaments restrictives excluent de la couverture certains médicaments coûteux ou génériques. Jusqu’à récemment, toute restriction de la liste des médicaments était généralement encadrée par des règles. Par exemple, les médicaments nécessitant une ordonnance médicale sont couverts, tandis que les médicaments en vente libre ne le sont pas. Toutefois, les employeurs manipulent désormais les listes de médicaments couverts pour réduire les coûts. La « gestion des listes de médicaments admissibles » est une tendance importée des États-Unis, qui impose des règles limitant l’accès aux médicaments, ou encore des lignes directrices encourageant certaines pratiques de prescription. Le but de cette approche est d’économiser de l’argent. Les listes de médicaments sont généralement élaborées par une société de services-conseils en avantages sociaux pour le compte de la compagnie d’assurance. 
  • Contrôle des modalités de prescription 
  • Préapprobation : Pour prescrire certains médicaments, le médecin doit présenter l’information à un examinateur indépendant pour en justifier la « nécessité médicale ». 
  • Période d’essai du médicament : À la première prescription, la pharmacie sert une petite quantité du médicament seulement. Si le traitement fonctionne, elle fournit le reste de la prescription. 
  • Prescription par étapes : Dans ce cas, le régime couvre les médicaments seulement s’ils respectent un certain protocole normalisé selon lequel il faut, par exemple, prendre d’abord un médicament en particulier et, si le traitement ne fonctionne pas, en essayer un autre (plus cher). 
  • Priorité aux médicaments génériques et biosimilaires : Cette approche force à faire des pieds et des mains lorsqu’on veut obtenir un médicament de marque. L’utilisation de médicaments génériques n’est pas un problème en soi, mais le médecin peut avoir une raison médicale de prescrire le médicament de marque. 

Réduction des avantages sociaux des personnes retraitées 

Les employeurs démantèlent les régimes d’avantages sociaux des personnes retraitées, désormais considérés comme un passif dans leurs comptes. Si ce genre de régime à l’intention des personnes retraitées existe encore dans votre unité de négociation, il se peut qu’il soit financé à 100 % par vos membres retraité(e)s, mais que l’employeur tente tout de même de l’éliminer complètement à chaque ronde de négociations. Votre équipe doit d’abord veiller à protéger la couverture existante, mais vous pouvez aussi envisager certaines mesures pour réduire le coût de l’assurance médicaments : 

  • Examinez le régime d’assurance médicaments de votre province : La plupart des provinces disposent pour les personnes âgées de 65 ans et plus d’un régime d’assurance médicaments. Ce régime offre parfois même des avantages identiques ou supérieurs à ceux de votre régime d’assurance maladie complémentaire pour ce qui est du coût des médicaments. Si c’est le cas, essayez de négocier une couverture de « transition » pour les personnes retraitées de moins de 65 ans, et les autres pourront intégrer le régime d’assurance médicaments provincial. 
  • Augmentez la quote-part de l’employeur : Obtenir de l’employeur qu’il couvre ne serait-ce que 5 % des primes du régime d’assurance maladie complémentaire représente un gain important pour les membres à la retraite qui doivent assumer l’intégralité du coût du régime.  
  1. Options pour modérer le coût des médicaments 

Voici quelques options que les sections locales peuvent envisager pour améliorer la couverture des médicaments sur ordonnance ou préserver la couverture actuelle. 

Listes de médicaments 

Il s’agit de la liste des médicaments couverts par l’assurance. Elle influence à la fois les coûts ET les soins reçus. Il est donc essentiel de veiller à ce que les listes soient conçues de manière à préserver l’accès aux médicaments dont les membres ont besoin. 

  • Normalement, les listes sont élaborées par un groupe indépendant de professionnel(le)s de la santé hautement qualifié(e)s. Nous sommes d’avis que les listes doivent être établies en fonction de la sûreté des médicaments, de l’efficacité clinique et du rapport coût-efficacité, sans aucune influence de la part des fabricants. 
  • Il est préférable de laisser aux professionnel(le)s de la santé le soin de négocier ce qui doit être inclus sur la liste. Toutefois, les sections locales peuvent négocier certains critères pour s’assurer que la liste répond aux besoins des membres. Par exemple, demander que la liste soit aussi étendue que possible, permettre la substitution par des génériques et limiter le plus possible (voire éliminer) les paliers, les montants de coassurance et les médicaments d’imitation. 

Recours aux médicaments génériques 

Les médicaments génériques ont avantage à être substitués aux médicaments brevetés (dont le prix est plus élevé) chaque fois que c’est possible; il s’agit d’un moyen très efficace de réaliser des économies. Il faut toutefois se rappeler que la substitution n’est pas possible dans tous les cas et que les médecins insisteront parfois pour prescrire le médicament breveté. 

Réseaux de fournisseurs privilégiés 

Lorsqu’il y a un réseau de fournisseurs privilégiés, la pharmacie ou le groupe de pharmacies partenaires doit fournir un service à un prix inférieur et fixe tant pour la préparation des ingrédients qu’en ce qui concerne les frais d’exécution d’ordonnance. Les pharmacies doivent aussi servir une quantité de médicaments suffisante pour 90 jours sans facturer de frais d’exécution d’ordonnance supplémentaires. L’entente avec les membres du réseau est négociée entre l’assureur et la ou les pharmacies. Ces dernières doivent être facilement accessibles aux employé(e)s en termes de proximité et d’horaire. 

Cette approche peut générer des économies, mais elle peut devenir problématique si le régime en fait une obligation. 

* Remarque : Les réseaux de fournisseurs privilégiés ne sont pas autorisés au Québec. 

Pharmacies postales  

Pour les médicaments qui doivent être pris à long terme, les pharmacies postales sont avantageuses parce que leurs frais d’exécution d’ordonnance sont bas et que la marge sur le coût des médicaments est contrôlée. Ils coûtent moins cher parce que ce sont des entrepôts qui vendent de plus grandes quantités de produits que les points de vente au détail. 

Il est important que le contrat d’assurance encadre dans des mots clairs le recours aux pharmacies postales. Par exemple, en cas de retard dans la réception des médicaments, les employé(e)s doivent avoir l’autorisation de se procurer leurs médicaments dans une pharmacie locale sans frais supplémentaires. 

Mise en commun des risques 

Dans la mesure du possible, les sections locales devraient chercher des occasions de s’associer à d’autres sections locales du SCFP et à d’autres syndicats pour négocier les contrats d’assurance collective. 

Les régimes de plus grande taille réduisent les coûts grâce au volume de membres et à une réduction des frais administratifs. 

Médecine douce 

Dans certains cas, l’accès aux thérapies non conventionnelles, notamment la massothérapie, l’acupuncture, l’homéopathie ou la naturopathie, peut réduire le recours aux médicaments sur ordonnance. Bien que les médecins et la population en général acceptent de plus en plus les formes de médecine douce, ces dernières ne sont pas toujours couvertes par les régimes d’assurance collective. Par exemple, les services de massothérapie et de chiropratique peuvent remplacer les analgésiques pour les maux de dos et permettre des économies considérables pour le régime d’assurance médicaments.