Le président national du SCFP, Mark Hancock, a écrit au premier ministre Justin Trudeau cette semaine pour lui demander de repenser le système de soins de longue durée défaillant du Canada dès maintenant.

Le SCFP représente 65 000 employés de foyers de soins de longue durée au pays. Mark Hancock s’est engagé à se battre pour améliorer leurs conditions de travail des employés et les conditions de vie des résidents des foyers de soins.

Dans les semaines à venir, le SCFP national lancera une campagne pancanadienne pour mobiliser la population et exercer des pressions sur les élus afin que le système de soins de longue durée soit repensé, notamment en traitant les résidents et les travailleurs avec dignité et en leur offrant la sécurité qu’ils méritent.

Lisez la version intégrale de la lettre ci-dessous :

Monsieur le Premier Ministre,

Le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) représente 700 000 travailleurs à travers le pays dans une grande variété de secteurs. Soixante-cinq mille de nos membres travaillent dans des foyers de soins de longue durée à travers le Canada; ils sont préposés aux bénéficiaires, infirmières et infirmières auxiliaires ou membres du personnel des services d’alimentation, d’entretien ou de bureau. Au nom de tous les membres du SCFP, mais surtout de ceux qui travaillent dans ce secteur, je vous écris pour partager notre profonde préoccupation face à la situation dans les foyers de soins de longue durée du Canada. Nous demandons à votre gouvernement de montrer la voie en apportant les changements systémiques qui sont désespérément nécessaires.

La pandémie de COVID-19 touche de façon disproportionnée les personnes âgées vivant dans des foyers de soins de longue durée à travers le pays. Les statistiques sont alarmantes. Quatre personnes sur cinq dont le décès est lié à la COVID-19 sont des résidents ou du personnel d’un foyer de soins de longue durée. Notre pays a la plus forte proportion de décès dans les établissements de soins de longue durée au monde. Les impacts sur les résidents, les travailleurs, les membres de la famille et les proches sont dévastateurs.

La COVID-19 n’est pas à l’origine de la crise en cours dans les soins de longue durée, elle ne fait que révéler au grand jour les problèmes qui y persistent depuis des années. Des décennies de sous-financement, de manque de personnel, de mauvaises conditions de travail, de niveaux de violence élevés et d’une approche axée sur les profits plutôt que sur la qualité des soins ont érodé le système de soins de longue durée, tant et si bien qu’il est maintenant au point de rupture. Par conséquent, nous étions tragiquement mal préparés à protéger la vie de nos plus vulnérables lors d’une telle crise.

Il faudrait accorder une attention immédiate à la résolution des problèmes suivants :

  • Notre système de soins de longue durée est réglementé par un assortiment hétéroclite de lois et de règlements provinciaux et territoriaux. La prestation des soins est inégale à travers le pays. Le lieu de résidence a une incidence sur le type et la quantité de soins reçus comme sur le montant déboursé pour les soins.
  • La recherche montre que chaque résident a besoin, quotidiennement, d’entre 4,1 et 4,9 heures de soins pratiques directs pour éviter une détérioration de sa santé et garantir des soins de qualité qui sont opportuns et cohérents. Toutefois, aucun territoire ou province n’atteint cette norme minimale en ce moment. Lorsque les effectifs sont insuffisants, les travailleurs n’ont pas assez de temps pour effectuer les tâches nécessaires et la qualité des soins en souffre.
  • Les préposés aux bénéficiaires assurent plus de 90 pour cent des soins directs aux résidents. Leur travail est hautement qualifié, très lourd et exigeant. Ils connaissent un taux élevé de blessures et de violence au travail, mais ils sont mal rémunérés. Plusieurs n’ont même pas d’avantages sociaux.
  • Deux décennies de recherche ont démontré que de laisser les services de blanchisserie, d’alimentation et d’entretien d’un foyer entre les mains d’entreprises privées qui cherchent à faire des profits ou de confier ces services en sous-traitance entraînent une baisse de la qualité et du niveau des soins, comme de la dotation en personnel, une hausse du nombre de plaintes fondées et des transferts vers les hôpitaux, ainsi qu’une hausse du taux d’ulcères de pression et de morbidité.
  • Parce qu’ils sont mal payés, les employés doivent souvent occuper plusieurs emplois pour payer leurs factures. C’est en se déplaçant ainsi d’un emploi à l’autre que ces travailleurs ont propagé, à leur insu, le virus d’établissement en établissement.
  • La recherche montre que le Canada aura besoin d’ajouter 199 000 lits de soins de longue durée d’ici 2035. La liste d’attente en Ontario compte déjà près de 35 000 noms. Dans toutes les provinces et tous les territoires, de nombreuses personnes âgées attendent à l’hôpital un lit en soins de longue durée. Cela pousse les hôpitaux bien au-delà de leur capacité et exacerbe le problème de la « médecine de couloir » présent dans de nombreux établissements de soins actifs.

La pandémie a fait la démonstration que nous devons repenser notre système de soins de longue durée pour transformer les établissements en des lieux où les Canadiens veulent travailler, des lieux qui offrent la qualité de soins que nous voulons pour nos proches et pour nous-mêmes plus tard.

Il est temps que votre gouvernement fasse preuve de leadership en prenant les mesures suivantes pour régler les problèmes des soins de longue durée sans tarder :

  • Intégrer pleinement les soins de longue durée au système de santé public et les assujettir à la Loi canadienne sur la santé.
  • Fournir aux provinces et aux territoires un financement fédéral dédié aux soins de longue durée et de niveau adéquat dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé.
  • Mettre en œuvre et appliquer des normes nationales de soins, y compris des niveaux de dotation, fondées sur des données probantes, et lier le financement fédéral au respect de ces normes.
  • Éliminer la propriété à but lucratif des établissements et la sous-traitance des services d’installation.
  • Augmenter et uniformiser les salaires des travailleurs afin de refléter la valeur de leur travail et leur rôle dans la fourniture d’un service de santé essentiel. Renforcer les avantages sociaux des travailleurs, en incluant des congés de maladie payés adéquats.
  • Éliminez la précarité dans l’ensemble du secteur en créant des emplois réguliers à temps plein pour les travailleurs qui en veulent.
  • Utiliser des fonds publics pour construire et exploiter davantage d’établissements de soins de longue durée gérés par le secteur public.

Alors que votre gouvernement travaille à planifier la reprise et la reconstruction post-pandémie, je vous demande d’accorder une priorité élevée à la réforme de notre système de soins de longue durée. Nous ne pouvons et ne devons pas nous contenter de revenir à la situation antérieure. Les générations actuelles et futures de personnes âgées, de personnes ayant un handicap et de milliers de travailleurs en soins de longue durée comptent sur vous.