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Écrit par Michael Butler, militant du Conseil des Canadiens en matière de services de santé.

La semaine dernière, le Conseil des Canadiens et le SCFP-Saskatchewan ont visité cinq villes pour sensibiliser les citoyens aux dangers que présente la privatisation croissante des soins de santé publics dans la province. Malheureusement, nous assistons à ce phénomène au sein même de la province qui a vu naître l’assurance-maladie. La privatisation des services de santé a augmenté d’une manière fulgurante à travers la Saskatchewan, dans tous les secteurs des soins de santé, sous la gouverne de Brad Wall. Ce dernier sait parfaitement ce qui est en train de se produire, et il sait que les citoyens chérissent de tout coeur leur système universel de soins de santé. Mais des compressions ont été faites en catimini, des politiques et des modifications législatives ont été apportées. Tellement, que le principe fondateur de l’assurance-maladie (voulant que nécessité et l’équité doivent toujours l’emporter sur la capacité de payer du patient), s’est sérieusement érodé. 

Nous avons entendu de gens de partout en Saskatchewan témoigner des raisons pour lesquelles les soins de la santé publics ont tant d’importance à leurs yeux. À Prince Albert, nous avons entendu le président du SCFP-Saskatchewan, Tom Graham, souligner que l’assurance-maladie est « quelque chose que nous devrions préserver et non pas brader (…) Ce programme a vu le jour dans cette province et il doit continuer. Nous ne devons pas avoir des cliniques privées, des services d’IRM privés, des buanderies privées, des services alimentaires privés et ainsi de suite. En bout de ligne, quels autres services finira-t-on par privatiser » ? À Yorkton, nous avons appris que les services de blanchisserie de l’hôpital, qui constituaient des emplois de qualité dans la communauté, ont été cédés en sous-traitance en Alberta. Les citoyens ont déjà commencé à partager des histoires à l’effet que la lessive revient à Yorkton dépliée, parfois moisie, et dans certains cas alors que des taches de sang apparaissent encore sur les effets qui sont censés avoir été lavés. À North Battleford, le public nous a raconté que le processus de gestion en PPP de leur hôpital a été un gâchis. L’affaire a été si loin, que les ouvriers et professionnels locaux qui ont participé au projet ont remis en question les compétences des maîtres d’oeuvre de ce PPP. Avant l’élection de 2011, le gouvernement avait annoncé que le bâtiment allait coûter 100 millions, mais évidemment, les coûts sont maintenant estimés entre 175 et 250 millions. À Weyburn, l’endroit précis où l’assurance-maladie est née au Canada, nous avons entendu une histoire troublante d’un citoyen quant à la façon dont sa grand-mère (avant l’assurance-maladie) avait dû vendre sa vache pour obtenir assez d’argent pour se faire traiter pour un cancer. Si des voisins compatissants n’avaient pas aimablement proposé de partager le lait de leur vache avec ses enfants, elle n’aurait jamais vendu sa vache pour se faire soigner. Bien que les temps aient changé, ce citoyen présent dans l’auditoire a souligné que personne ne devrait jamais être placé dans une position où la capacité de payer s’interpose avant la nécessité de se faire soigner. Enfin, à Regina, nous avons entendu comment le gouvernement provincial a refusé de voter afin que le processus menant à la création des PPP soit plus transparent et imputable, comme cela se fait au Manitoba. Le gouvernement, malheureusement, ne veut pas que le public puisse savoir en quoi consistent ces ententes douteuses qui se concluent loin des regards, en coulisses.

Les citoyens craignaient que les provinces soient confrontées à une situation difficile, car le gouvernement fédéral a décidé de se détourner de sa responsabilité de fournir des soins de santé de qualité aux Canadiens. À l’échelle nationale, si l’accord en matière de Santé n’est pas renégocié, nous allons assister à une baisse de financement de 43,5 milliards en seulement huit ans dans le domaine de la Santé. En Saskatchewan, la perte projetée s’élève à 1,37 milliard $ et la province à déjà enregistré (de mars 2014 à 2015) une perte de 33,2 millions en raison des changements apportés dans la formule de péréquation pour les transferts en Santé. Bien que cette situation crée des défis, le gouvernement de la Saskatchewan refuse de faire preuve de leadership et se contente de suivre les traces du gouvernement Harper. On fait ainsi passer l’idéologie avant l’équité. Partout dans la province, nous avons entendu des gens qui se demandent comment, après « huit années de prospérité » en Saskatchewan, il y a maintenant si peu à offrir pour les citoyens, sauf des excuses ainsi que la privatisation fulgurante des services dont les gens de la Saskatchewan ont besoin.

Dans chaque ville visitée, les gens en avaient assez de la rhétorique et des fictions que le gouvernement de Brad Wall utilise au lieu de fonder ses décisions sur des études sérieuses et sur des preuves. En se basant sur des preuves, on pourrait placer les intérêts des citoyens avant la quête de profits. Les propositions de modifier la loi pour permettre de privatiser les services d’IRM ne sont pas faites pour améliorer les soins ou réduire les temps d’attente, mais plutôt pour instaurer en douce un système à deux vitesses comme aux États-Unis. Et ce, au sein même du berceau de notre assurance-maladie ! Ce qu’on propose est une politique pour les riches qui va à l’encontre du principe fondateur de l’assurance-maladie, qui est basé sur les besoins et non sur la capacité de payer. Ce système proposé par Brad Wall est inéquitable, alors que ce même premier ministre déclarait en 2009 que « les réformes de la santé de son gouvernement ne permettraient à personne de piger dans un portefeuille bien garni pour éviter la file d’attente ».

Bien que les temps d’attente soient un problème important à régler, ce gouvernement n’a rien appris des expériences ratées qui sont survenues dans d’autres provinces, qui ont notamment privatisé leur services d’IRM et qui ont vu leurs temps d’attente augmenter. 

Ce modèle d’utilisateur-payeur pour les riches a démontré, étude après étude, qu’il augmente le temps d’attente pour la majorité des patients (à savoir, les citoyens ordinaires de la Saskatchewan). Il y a un nombre limité de techniciens qui opèrent les équipements dans le système public, et quand les cliniques privées entrent dans l’équation, elles braconnent les travailleurs du système public, ce qui conduit directement à une augmentation des temps d’attente dans les hôpitaux publics locaux. Par exemple, lorsque l’Alberta a introduit ses cliniques d’IRM privées, un hôpital de Calgary a perdu trois de ses cinq technologues au profit d’une nouvelle clinique d’IRM qui leur avait offert de grandes primes pour les attirer. Selon l‹Institut canadien d’information sur la santé, la Saskatchewan affiche en moyenne des temps d’attente de 28 jours pour les IRM. Alors qu’en Alberta, même avec des cliniques privées où l’on doit payer pour recevoir des services, les temps moyens d’attente pour une IRM sont d’environ 80 jours. Ces listes d’attente existent malgré le fait que l’Alberta possède le deuxième plus grand nombre de scanners par habitant au pays. Après avoir introduit le privé dans son système d’IRM pour combattre les temps d’attente, le gouvernement de l’Alberta a décidé de s’éloigner de ce type de politique, et à grands frais.

Avec la dérive des ressources du système public et la prolongation des temps d’attente, il faut aussi souligner qu’on ne réalise pas d’économies financières, et qu’il n’en résulte aucune augmentation de l’accessibilité. Il n’y a en fait aucune preuve réelle qui permette aux provinces de faire la promotion de centres d’imagerie par résonance magnétique payants. Cette politique, en fait, permet aux gouvernements de se désengager envers le public tout en faisant semblant de faire quelque chose. Ainsi, le gouvernement n’a pas à investir dans le système public, mais plutôt dans des entrepreneurs privés. C’est un pas en arrière qui défie le gros bon sens, et franchement, les gens de la Saskatchewan méritent beaucoup mieux. Partout où nous avons discuté de cette question, les gens étaient outrés que le gouvernement de la Saskatchewan favorise l’idéologie et la rhétorique plutôt que des éléments de preuve concrets et l’équité.

Un autre secteur de soins de qualité offerts par notre service public de santé est en train de s’éroder en Saskatchewan, encore une fois par l’entremise de partenariats public-privé (PPP). Ces « accords » sont un gaspillage d’argent des citoyens, et cet argent devrait être investi dans nos services publics. Il n’existe aucune politique de santé ou analyse de rentabilisation valable pour les PPP. L’une après l’autre, les études démontrent que les hôpitaux réalisés en PPP offrent des services de santé qui coûtent plus cher, et qui sont moins transparents et moins imputables. En outre, en plus des coûts de financement et des coûts de construction qui sont nettement moins avantageux, ces hôpitaux réalisés en PPP cachent souvent d’autres services payants, et privatisés, qui doivent être assumés par les patients, tels que l’entretien, la sécurité, le nettoyage et la blanchisserie. Ces services cachés ont pour effet de faire gonfler la facture des coûts de santé de plusieurs dizaines de millions supplémentaires, alors que les PPP prétendent réduire la facture des citoyens. Cela n’a pourtant pas empêché le gouvernement de la Saskatchewan de privatiser agressivement ses services de santé en concluant des accords de PPP, tant dans la gestion des hôpitaux que dans la construction des bâtiments.

Récemment en Saskatchewan, le rapport du vérificateur général sur les PPP démontre que loin d’apprendre des erreurs commises par les autres provinces et territoires, le gouvernement est effectivement en train de les répéter. Ce qui frappe le plus, c’est que le vérificateur général constate que les évaluations de risques (qui sont les principaux outils utilisés pour justifier la rentabilité du modèle des PPP) ont été faites sans avoir recours à des preuves empiriques ou sans se baser sur l’historique de projets similaires réalisés dans le passé. SaskBuilds, qui est en charge de ces projets de PPP, a déjà dépensé $5,6 millions pour recevoir des conseils de Partnerships BC, qui offre des services conseils dans pratiquement tous les PPP réalisés dans la province. Ce qu’il faut savoir, c’est que cette société réalise la totalité de son revenu grâce à des services qui favorisent les PPP, ce qui est un fort incitatif à offrir des conseils biaisés susceptibles de lui faire réaliser encore plus de profits. Partnerships BC ne conclut donc jamais que l’option des services publics est plus avantageuse. Comme nous l’avons entendu lors de notre tournée, cela équivaut à aller acheter un camion et de payer un vendeur de vous dire que ses camions sont les meilleurs. 

La Saskatchewan est le berceau des soins universels et publics de santé au Canada. Il s’agit du coeur des programmes sociaux les plus chéris au pays. Lorsque Tommy Douglas a mené sa première campagne électorale provinciale pour créer un système de soins de santé public et universel, dans les années 1960 en Saskatchewan, il avait une vision à long terme et de l’intégrité. Il ne craignait pas les sondages et il ne prenait pas cette décision par électoralisme. Les gens de la Saskatchewan n’ont pas oublié ce que ces services représentent, et ils vont le démontrer en envoyant au gouvernement un message clair: notre système de santé doit être fondé sur les besoins des citoyens, et non sur leur capacité de payer.

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